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EAN : 9782253046776
220 pages
Le Livre de Poche (31/08/1991)
3.72/5   9 notes
Résumé :
Qu'il est beau, Pup, dans sa longue robe dorée semée d'étoiles et de croissants de lune ! Dolly est fière de lui. Bientôt le monde entier reconnaîtra ses talents, ses immenses pouvoirs. Il sera respecté, craint même, à l'égal des grands penseurs de l'Ordre Hermétique de l'Aurore. Lui aussi écrira de savants traités, arides comme ceux qui trônent sur l'autel du temple, entre le pentacle et la coupe sacrée. Car il n'est pas une incantation, une formule, pas un rituel ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
The Killing Doll
Traduction : Marie-Louise Navarro

ISBN : 9782702416501

Attention, pas de Wexford ici pour adoucir les arêtes bien tranchantes de cette descente dans la Folie, d'abord lente et progressive, puis subitement accélérée et sans espoir de retour à la santé, d'une jeune fille qui, pour son malheur, est née avec, sur la joue, un naevus. Naevus que tous les imbéciles qui passaient à côté d'elle s'empressaient de fixer et sur laquelle sa pauvre mère, Edith - une sous-espèce de "Parents Toxiques", n'arrêtait pas de s'attendrir. "Nous avons vu les meilleurs spécialistes mais ..." Combien de fois l'a-t-elle entendue, celle-là, la petite Doreen, plus communément surnommée Dolly ? Une petite fille comme une autre pourtant à l'origine, qui aurait tant voulu un peu plus d'attention de la part de son père et ne pas songer - là-bas, tout derrière les neurones - que sa mère prenait un certain plaisir à la retirer de l'école dès sa Troisième parce que, de toutes façons, n'est-ce pas, cette pauvre Dolly ne pourrait mener une vie comme celle des autres ...

Oh ! certes, certaines des amies de sa mère ont protesté, lui ont dit et redit qu'il y avait bien plus atteint que Doreen, qu'on pouvait faire quelque chose, qu'elle pourrait se marier et avoir des enfants sans naevus ... Mais qu'y pouvaient-elles, les malheureuses ? Les assistantes sociales s'occupent-elles de cas de ce genre, où la maltraitance n'est pas physique mais purement morale, quand les parents s'enferment dans leur déni des responsabilités, dans la boisson, dans la volonté obscure de faire de leurs enfants des adultes bien avant l'âge ?

Heureusement pour Dolly, pendant son enfance et son adolescence, elle eut Peter - Pup - son frère. Un garçon brillant, intelligent, qui aimait sa soeur et prenait toujours sa défense. Drôle aussi, plein d'humour et ambitieux. Un jour, vers ses treize ans, il décida, comme ça, de vendre son âme au Diable, afin que Celui-ci lui donnât bonheur, réussite, etc, etc ... Considérant peut-être l'âge encore un peu tendre de l'impétrant, Lucifer ne se manifesta pas mais laissa Pup s'amuser à se créer, tout en haut de la maison, un "temple" où il officiait, vêtu d'une robe de géomancien - "magicien" faisait trop enfantin - une belle robe toute dorée, avec des étoiles et des croissants de lune, que lui avait confectionnée Dolly, couturière habile et qu'il avait mise dans le secret.

Secret auquel elle avait adhéré avec enthousiasme. Car, seule parmi tous, jusqu'au bout, Doreen croira aux pouvoirs de Pup.

Le problème, c'est que, peu à peu, au fil de l'existence, leur père se remariant par exemple avec Myra Brewer, la fille de la voisine, qui n'est guère sympathique, Dolly finit par convaincre son frère (qui, lui, ne croit guère à ses pouvoirs et ne voit, en définitive, dans tout cela, qu'un jeu) de tuer la nouvelle épouse. Pup tique, ce qui est normal. Mais enfin, comme il n'a aucun pouvoir, n'est-ce pas et pour faire plaisir à sa soeur, dont il sait bien que, si elle n'est pas tout à fait comme les autres, ce n'est pas vraiment du côté de son naevus qu'il faut en chercher la cause ... Il organise une belle cérémonie, avec encens, invocation, etc ... etc ...

Et le plus bizarre, voyez-vous, c'est que Myra meurt le jour-même. Il faut dire qu'elle avait essayé de se faire avorter en s'injectant une solution de shampooing et que l'embolie gazeuse avait été fulgurante. Mais, pour Dolly, il n'y a pas de doute : ce sont les pouvoirs de Pup qui ont tué leur "méchante belle-mère."

Oui, Myra est morte. Et le génie de Rendell, c'est de faire douter - un peu, très peu - un Pup tout de même impressionné et de faire basculer totalement Dolly de l'Autre Côté.

Et nous aussi, elle nous fait douter. On a beau tout récapituler, la seringue, l'avortement, l'embolie gazeuse ... Est-ce que Pup, finalement et même sans le savoir ? ...

Ecrit avec un grand naturel, "Son Âme Au Diable" ressemble à l'un de ces récits que vous raconterait une gentille vieille dame, absorbée sur un banc public dans un tricot compliqué (pour l'un de ses petits-enfants à naître) et qui, juste à la fin, tentait de vous agresser en cherchant à vous enfoncer ses aiguilles à tricoter dans les yeux, ou dans le coeur ... ou n'importe où pourvu que ça fasse mal, très mal. A mon sens, c'est, avec "L'Enveloppe Mauve", l'un des meilleurs Rendell où n'intervient pas Wexford. L'auteur fait montre d'une telle habileté que le lecteur finit par se demander si elle elle ne croit pas vraiment à ce qu'elle nous raconte... On sent bien qu'elle s'amuse mais, tout au fond, surtout avec l'intrigue "secondaire" qui rejoint d'ailleurs Doreen à la fin et scelle sur elle le sceau d'Anubis (dont elle apercevra la silhouette menaçante lors de la dernière "cérémonie" à laquelle acceptera de participer Pup), on perçoit les éclats de rire, beaucoup plus déplaisants, d'une folie glauque, impalpable et qui façonne tout entière, même si l'on s'en rend compte bien trop tard, le roman tout entier.

S'ajoute à cela, pour les amateurs, cette façon tranquille - et pour moi carrément unique - qu'avait Rendell de dépeindre une certaine société anglaise, avec ses tares soigneusement dissimulées et ses égoïsmes toujours prêts à se moquer de celui qui est différent. Ce sont dans des romans comme "Son Âme Au Diable" que Ruth Rendell a commencé à transcender le genre qu'elle avait choisi, pour en faire quelque chose de tout nouveau et qu'on ne peut qualifier que de "rendellien". Il est par exemple impossible de comparer son oeuvre avec celle d'une P. D. James, plus lourde, diront certains, plus spirituelle, presque mystique à certains moments, prétendront d'autres. Chez Rendell, en tous cas dans son Âge d'Or, fleurs et champignons vénéneux, êtres bizarres et venimeux ne cessent de venir au monde, de croître et d'embellir dans ce qui, au départ, ressemble pourtant curieusement à l'Eden. Même si Wexford les tient relativement bien en laisse, dès qu'il a le dos tourné, tous s'égaillent et s'en donnent à coeur joie. Pour Rendell, le Mal était bougrement plus intéressant que le Bien. En tous cas jusqu'à ce que, avec l'âge et peut-être suite à son élévation au titre de "Dame", elle s'est résignée à rentrer dans le rang et à chanter "God Save The Queen" en rythme et quand on le lui demandait. L'horreur, en somme ...

En tous cas, lisez "Son Âme au Diable" : c'est l'un de ses meilleurs, nous le répétons et nous le jurerions sous serment, na ! Surtout si vous le lisez pour la première fois, ça devrait vous faire un choc ... le choc d'une lame de couteau bien affûtée contre la délicatesse unie de la porcelaine anglaise ... Tout un poème, en somme. ;o)
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« Son âme au diable » est un roman bizarre. S'il est bien écrit, avec ses personnages intéressants (surtout Dolly), le récit part dans de nombreuses directions et l'on a parfois du mal à comprendre où l'auteure veut en venir.

Dolly, une jeune fille handicapée par une tache de naissance au visage (qu'elle cache avec ses cheveux longs) se renferme de plus en plus sur elle-même et sombre dans l'alcoolisme.

Elle est entourée d'un père apathique, passionné de romans historiques et de son frère Peter. Alors encore adolescent, ce dernier s'est adonné à la magie sous l'émerveillement de sa soeur qui croyait aux pouvoirs magiques de son frère. Peter aurait tué par magie noire leur belle-mère que Dolly détestait (il s'agissait en réalité d'une mort naturelle).

Peter grandit et s'intéresse aux filles. Pour lui la magie c'est du passé, un passe-temps ridicule d'enfant. Mais sa soeur croit toujours aux pouvoirs de son frère. Pour ne pas lui faire de la peine, il joue la comédie et continue ses séances. L'état de Dolly empire. Elle devient schizophrène et paranoïaque. Elle parle aux morts, voit le Dieu Anubis… Elle commet même un meurtre…

Parallèlement, on suit un irlandais, lui aussi schizophrène et meurtrier.

Le destin de ces deux êtres se croise dans les toutes dernières pages du livre.

L'évolution de l'état psychique de Dolly est pitoyable et inquiétant. Ruth Rendell est une spécialiste des « thrillers sociaux » (ses personnages, des paumés, sont plus importants que ses histoires). Là encore, c'est une réussite dans le genre, même si le récit manque d'homogénéité.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Pup traça un cercle de craie sur le sol et dessina un pentacle à l'ntérieur. Dolly le dévorait des yeux. Assise bien sagement sur les coussins, la poupée dans les bras, elle avait l'air d'une petite fille. Comme toujours, elle arborait fièrement le talisman. Dissimulant son exaspération, Pup saisit la poupée et la plaça au centre du pentacle.

- "Donne-lui une maladie !" commanda Dolly avec méchanceté. "Elle a souffert de l'estomac dernièrement. Donne-lui une crise d'appendicite.

- C'est excessif," protesta Pup.

Néanmoins, il s'exécuta et, tourné vers l'est, traça la croix cabalistique avant de commencer l'incantation. C'était le rite du Moindre Bannissement mais il en avait oublié la formule exacte et ne tarda pas à la mélanger avec des extraits d'invocations de toutes sortes.

A l'école, Pup avait suivi quelques cours d'initiation au latin. Il récita les déclinaisons dont il se souvenait. Puis il abandonna ce préambule, prépara l'eau sacrée et en aspergea le sol. Levant alors le bras dans un geste auguste, il profita de ce que sa manche était retroussée pour jeter un coup d'oeil à sa montre. 10 heures et quart. Il pourrait s'arrêter bientôt.

Lorsqu'il eut épuisé le stock de noms hébreux et égyptiens qu'il connaissait, Pup saisit le poignard sur l'autel sans se rendre compte à quel point sa silhouette était menaçante, dressée ainsi dans le lueur des chandelles.

Dolly poussa un petit cri de frayeur. Pup plongea avec la grâce d'un samouraï et frappa le ventre de la poupée d'un geste ferme. Pendant un instant, le poignard resta planté dans l'abdomen et il dut utiliser son autre main pour l'arracher. Un peu de kapok sortit comme un gros ver blanc. Dolly eut envie d'applaudir mais sentit que ce serait déplacé en ce lieu. Elle se leva et quitta le temple sans toucher à la poupée tandis que Pup, débarrassé de sa robe, soufflait les bougies.

De retour au salon, Dolly vida le restant de la bouteille de vin. C'est alors qu'elle entendit sa mère lui dire très distinctement et de sa voix normale :

- "Quelle nuit nous allons avoir ! J'espère que le vent n'emportera pas les tuiles du toit."

Edith avait toujours aimé faire des commentaires sur le temps. Pup entra dans la pièce et Dolly souhaita que leur mère parlerait encore, pour qu'il puisse l'entendre, mais elle garda le silence.

- "Ne sens-tu pas quelque chose ?" demanda Dolly.

- Les cierges ?"

Dolly secoua la tête.

- "Viens, je vais préparer une tasse de cacao."

Ils étaient sur le palier, dans l'obscurité et cette fois ce fut lui qui posa une question :

- "Tu n'entends rien ?

- C'est le vent," répondit-elle en cherchant l'interrupteur sans le trouver.

- "On aurait dit un cri," dit Pup. ... [...]
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[...] ... Pup pénétra dans le cercle tracé à la craie et le referma à l'endroit où il était entré avec la pointe de sa baguette magique. Il la posa à ses pieds et éleva le brûle-parfum. La maison était silencieuse. Les deux spectres avaient cessé de chuchoter.

- "Je t'adjure, toi, Anubis, fils d'Osiris, ou peut-être fils de Râ, viens, apparais sur le champ, venite, venite, Lucifuge, viens, apparais sous ta forme immortelle !"

La voix de Pup tombait dans un silence absolu. Le temple était froid comme une tombe.

- "Montre-toi, Osiris, Seigneur du Monde des Ténèbres, guide des âmes, porteur du caducée et des palmes."

Dolly s'était mise à trembler.

- "Pup ..."

Il ne l'entendit pas. A ce stade, il s'amusait toujours. Il aimait jouer la comédie et comprenait que les amateurs d'occultisme aient tiré parti de mots dont les consonances agissaient comme un charme.

- "Lève-toi, Anubis, je te le commande, Anubis incarné, prince de la Mort, fundator sepulcrum. Viens !"

La fumée jaune s'élevait maintenant jusqu'au plafond, enveloppant Pup dans ses lourdes volutes. C'était cela qui avait arraché un cri à Dolly. Pup était maintenant dissimulé par un écran opaque et ses paroles paraissaient venir de très loin.

Lentement, une silhouette se dessina au centre de la spirale : elle se déployait, gigantesque, montrant un torse nu et brillant, comme coulé dans du bronze. Le visage prenait forme et s'allongeait peu à peu en un museau de chacal.

Dolly poussa un hurlement. Elle sauta sur ses pieds, renversant d'un coup de coude la bougie sur l'autel et lança la petite poupée de cire aux pieds du dieu. Pendant une seconde, elle resta figée, le poing tendu, puis s'écroula, évanouie. ... [...]
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