Ce jour est à marquer d'une pierre blanche car déjà je vais vous parler d'un roman de Science-Fiction, ce qui est très rare me concernant toute béotienne que je suis dans ce genre littéraire, mais, au demeurant, je vais vous en dire du bien, ce qui est, sous mes doigts, une première. Excusez du peu.
Je tire donc un très grand coup de chapeau à Monsieur
Mike Resnick pour ce très bon
Santiago, première étape, qui sais ?, d'un pèlerinage personnel vers un hypothétique au-delà littéraire. J'en profite également pour remercier vivement Éric (InstinctPolaire) sans les conseils avisés duquel je ne me serais jamais penchée sur cette oeuvre qui en valait pourtant grandement la peine.
Quand on lit la quatrième de couverture, on apprend qu'il s'agit d'un " western intergalactique " ou quelque chose dans ce genre, indication pas spécialement faite pour accroître mon envie de découvrir ce roman, moi qui ne goûte guère au cinéma les pétarades de guignols affublés d'un Stetson et d'une étoile de shérif ou bien la lutte sans merci des gentils colons américains dans leur juste combat contre les effrayants, méchants sauvages Indiens qui n'ont rien compris à la civilisation et à la légitimité.
Personnellement, si j'avais à définir ce roman, j'utiliserais plutôt le fait qu'il nous offre une certaine réflexion sur la notion de hors-la-loi, de ceux qui le sont (aux yeux de quelle loi ?) et de ceux qui les traquent (avec quelle légitimité ?). Ce faisant, les plus farouches opposants à la loi, sont-ils de simples et vulgaires bandits ou quelque chose d'autre ?
Santiago est le nom de guerre d'un hors-la-loi notable dont la Démocratie aimerait tellement se débarrasser qu'elle offre une récompense si ahurissante pour sa capture mort ou vif qu'elle est susceptible d'émouvoir tous les chasseurs de primes de l'univers. Tous auxiliaires de la loi, eux pourtant dont le look, les méthodes et le passé traduisent assez qu'ils sont plus apparentés aux voyous qu'aux êtres civilisés.
C'est une manière de chasse à l'homme à laquelle nous convie
Mike Resnick. Elle m'évoque davantage l'histoire vraie de
Jacques Mesrine dans les années 1970 qu'un quelconque western. Ce dernier, affublé du qualificatif " d'ennemi public numéro 1 " avait quelque chose d'une icône, d'un idéal révolutionnaire, d'une philosophie, d'un mythe et jouissait d'un capital sympathie parmi la population dont beaucoup de leaders politiques se satisferaient même réduit au tiers de sa valeur.
Che Guevara, lui aussi, n'était-il pas recherché par l'essentiel des polices du monde occidental lorsqu'il fut abattu froidement par les agents de la CIA en Bolivie ? Tout bandit, s'il jouit d'une certaine importance et d'une réputation de leader acquiert presque naturellement un statut de révolutionnaire et ce, d'autant plus que le système dans lequel il sévira comptera de nombreux laissés pour comptes. Lorsqu'un système vous opprime, vous ressentez de la sympathie pour ceux qui s'attaquent au système, c'est le prolongement logique du mythe de Robin des Bois très présent dans l'inconscient collectif.
C'est donc le portrait d'un héros de ce type que l'auteur nous sculpte dans le roc. Son nom :
Santiago. Depuis des dizaines d'années, les coups d'éclat de ce dernier résonnent de part et d'autre de la galaxie. Pourtant, nul ou a peu près ne sait même à quoi il ressemble. Pour beaucoup de chasseurs de primes, il est jugé d'un beaucoup trop gros calibre pour oser s'y frotter.
Pourtant, ce n'est pas le cas de Sébastien Cain, un type assez droit, surnommé " l'oiseau-chanteur ", qui faute de trouver sa place dans une société qu'il ne comprend guère s'est fait chasseur de primes. Plus que la récompense faramineuse, c'est la légende du nom de
Santiago qui l'attire.
Il n'est d'ailleurs pas seul sur les rangs, Vertu MacKenzie, une journaliste peu scrupuleuse serait prête à tout pour décrocher le scoop du siècle d'une interview avec
Santiago. le Joyeux Vagabond, voyou notoire intéressé par la collection d'oeuvres d'art de
Santiago serait également prêt à collaborer à la chute du plus grand hors-la-loi de la galaxie moyennant de pouvoir faire main basse sur les oeuvres.
Ces trois-là, fortuitement, parce qu'ils ont des intérêts différents et non chevauchants ont plutôt intérêt à s'entendre pour mener à bien leur quête. Mais tout serait décidément trop simple s'il ne venait s'adjoindre au festin un épouvantail, un terrifiant, un glacial chasseur de primes à la réputation sans égal, d'ailleurs plus tueur que chasseur de primes, un individu froid et calculateur surnommé " l'Ange ", en raison de sa blondeur et de la pâleur de ses yeux impitoyables...
Le roman dans une première phase utilise davantage les ressorts du genre policier que de la pure SF. Les changements de planètes et les créatures extra-terrestres n'étant là, selon moi, que pour donner un petit côté exotique et futuriste à l'histoire, rien de plus. On pourrait tout à fait la transférer dans le Chicago des années 1930 ou dans la révolution post-cubaine des années 1960 comme je l'ai dit plus haut.
J'ai trouvé le style d'écriture très plaisant et la narration très agréable dans le premier tiers du roman. L'on saute de personnage en personnage pour tâcher de glaner quelques maigres informations susceptibles de nous mettre sur la piste de
Santiago. Je ne vous cache pas qu'à la longue, vers le milieu du livre, cette mécanique redondante est un peu lassante (d'où mes 4 étoiles et non 5) et s'arrête juste à temps pour ne pas nous faire perdre le bénéfice de la première impression. Vers le dernier tiers du livre, la narration change un peu de mécanique et retrouve un côté très plaisant de même qu'une dimension et une épaisseur tout autre.
En somme, un bouquin de SF pas écrit avec les pieds comme c'était le cas de ceux que j'avais eu l'occasion de lire jusqu'à présent, une intrigue intéressante et qui offre des prolongements quasi philosophiques à ceux qui ne se satisferont pas que des seuls déroulements de l'action. Donc, un excellent livre de SF selon mes critères, mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose sur la frontière extérieure...