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EAN : 9782266106757
373 pages
Pocket (15/02/2001)
3.72/5   16 notes
Résumé :
La Grande Parade, ouvrage décapant et livre d'humeur, met en cause l'incapacité du socialisme, en raison de sa haine du progrès, à tirer les leçons de son histoire. Jean-François Revel s'étonne de constater que l'effondrement du régime soviétique sous le poids de ses contradictions internes n'a suscité, au sein de la gauche internationale, aucune réflexion critique sur la validité de la doctrine socialiste.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce formidable Essai publié en 2000, de ce grand Penseur que fût Jean-François Revel, représente un florilège d'analyses concrètes, d'une pertinence rarissime, d'un intérêt intellectuel et moral indispensables pour éveiller les consciences ; voire tenter (si cela est encore possible ? !) de réveiller certaines consciences qui sont encore aujourd'hui, volontairement, sous domination idéologique, à propos des régimes totalitaires et en particulier…, du Communisme. Communisme, toujours dramatiquement encore au Pouvoir, en ce début de 21ème siècle, dans plusieurs pays du monde : en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, au Vietnam, etc..

Au nom de cette Idéologie, le Communisme a exterminé extrêmement large : environ 100 000 000 de morts innocents dans le monde entre 1917 et la fin du 20ème siècle, pour créer un « peuple nouveau » et lui proposer un soi-disant « paradis » terrestre…, qui n'est bien évidemment jamais advenu !
En revanche, le Communisme a engendré un effroyable, monumental et absurde gâchis en vies humaines.

Voici donc ci-dessous, quelques pages d'anthologie incomparables et indispensables (selon moi) issues de la description et de l'analyse de l'auteur, concernant l'un des deux plus grands Mal du XXème siècle : le Totalitarisme Communiste.

* Pages 32 et 33 :
« Car, pour reprendre le raccourci symbolique du Mur, ce qui marque la faillite du communisme, ce n'est pas la chute du Mur de Berlin, en 1989, c'est sa construction, en 1961. Elle démontrait que le « socialisme réel » avait atteint un point de décomposition où il était contraint d'enfermer ses ressortissants pour les empêcher de le fuir. Malheureusement, le message tangible de cet éclatant aveu d'échec ne fut compris que par une minorité d'Occidentaux.
(…) C'est le déshonneur de l'Occident que le Mur fût en fin de compte abattu par les populations asservies au communisme en 1989 et non par les démocraties en 1961, comme il leur eût été si facile de le faire.
(…) L'utopie n'est astreinte à aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n'existe pas.
* Pages 36 et 37 :
« Ainsi aux États-Unis comme en Europe, au moment où le communisme vient de s'effondrer et où l'horreur de son passé apparaît sous un jour enfin complet, ce sont les anciens anti-communistes qui sont mis en accusation, tandis que les anciens procommunistes entérinent avec une fierté redoublée les choix qu'ils ont faits.
Eux ne se sont pas trompés, ce sont leurs contradicteurs que l'histoire a réfutés. Pourquoi ? En particulier, parce que ces obsédés avaient qualifié le totalitarisme communiste d'irréversible. Or, il a disparu, donc l'événement leur a donné tort. J'ai déjà longuement répondu, en ce qui me concerne, à cette objection, dans le le Regain démocratique (note n°1 : 1992, Fayard et Pluriel-Hachette. Voir notamment le chapitre sixième, « le prévisible et l'imprévu », et l'annexe I, « de la réversibilité du communisme », reproduction d'un article paru en 1988). Je serai donc très succinct ici. J'ai souvent écrit que le communisme était irréversible dans ce sens qu'il était inamendable, mais je n'ai jamais dit qu'il fût irrenversable. J'ai même toujours dit le contraire. le rêve de la gauche universelle – perfectionner le communisme, l'humaniser, le rendre le plus efficace économiquement et moins répressif politiquement, tout en y maintenant les structures maîtresses du socialisme – a été, partout et toujours, réfuté par la pratique. Un système totalitaire ne peut pas s'améliorer : il ne peut que se conserver ou s'effondrer. Ce qui est une autre manière de dire qu'il n'est pas réversible, mais qu'il est renversable. C'est pourquoi j'ai écrit dans La Tentation totalitaire (1976) : « La seule manière d'améliorer le communisme, c'est de s'en débarrasser. » C'est exactement ce qu'ont fini par comprendre et par faire les peuples de l'ex-Union soviétique et des colonies d'Europe centrale, entre 1989 et 1991. »
* Pages 62 à 65 :
« Un malentendu fausse quasiment toutes les discussions sur les mérites respectifs du socialisme et du libéralisme : les socialistes se figurent que le libéralisme est une idéologie. Et, suivant une soumission mimétique souvent décrite dans ces pages, les libéraux se sont laissés inculquer cette vision grossièrement erronée d'eux-mêmes. Les socialistes, élevés dans l'idéologie, ne peuvent concevoir qu'il existe d'autres formes d'activité intellectuelle.
(…) Si, par exemple, un libéral dit à un socialiste : « À l'usage, le marché semble être un moins mauvais moyen d'allocation des ressources que la répartition autoritaire et planifiée », le socialiste répond aussitôt : « le marché ne résout pas tous les problèmes. » Certes ! Qui a jamais soutenu pareille ânerie ? Mais, comme le socialisme, lui, a été conçu dans l'illusion de résoudre tous les problèmes, ses partisans prêtent à leurs contradicteurs la même prétention. Or tout le monde n'est pas mégalomane, heureusement. le libéralisme n'a jamais eu l'ambition de bâtir une société parfaite. Il se contente de comparer les diverses sociétés qui existent ou ont existé et de retenir les leçons à tirer de l'étude de celles qui fonctionnent ou ont fonctionné le moins mal. Pourtant, de nombreux libéraux, hypnotisés par l'impérialisme moral des socialistes, acceptent la discussion sur le même terrain qu'eux. « Je crois à la loi du marché, mais elle ne suffit pas », déclare l'économiste américain Jeremy Rifkin (note n°1 : le Monde, 20 avril 1999). « le marché libre ne peut tout résoudre », renchérit le spéculateur George Soros (note n°2 : Jeune Afrique, 1er juin 1999. Repris de la New York Review of Books). Ces piètres truismes émanent d'un système de pensée figé, selon lequel le libéralisme serait une théorie opposée au socialisme par ses thèses mais identique à lui par ses mécanismes.
Or il n'est ni l'un ni l'autre. le libéralisme n'a jamais été une idéologie, j'entends n'est pas une théorie se fondant sur des concepts antérieurs à toute expérience, ni un dogme invariable et indépendant du cours des choses ou des résultats de l'action. Ce n'est qu'un ensemble d'observations, portant sur des faits qui se sont déjà produits. Les idées générales qui en découlent constituent non pas une doctrine globale et définitive, aspirant à devenir le moule de la totalité du réel, mais une série d'hypothèses interprétatives concernant des évènements qui se sont effectivement déroulés.
(…) Il faut donc réfuter l'affrontement entre socialisme et libéralisme comme étant l'affrontement de deux idéologies. Qu'est-ce qu'une idéologie ? C'est une construction a priori, élaborée en amont et au mépris des faits et des droits, c'est le contraire à la fois de la science et de la philosophie, de la religion et de la morale. L'idéologie n'est ni la science, pour laquelle elle a voulu se faire passer ; ni la morale, dont elle a cru détenir les clefs et pouvoir s'arroger le monopole, tout en s'acharnant à en détruire la source et la condition : le libre arbitre individuel ; ni la religion, à laquelle on l'a souvent et à tort comparée. La religion tire sa signification de la foi en une transcendance, et l'idéologie prétend rendre parfait ce monde-ci. La science accepte, je dirai même provoque, les décisions de l'expérience, et l'idéologie les a toujours refusées. La morale repose sur le respect de la personne humaine, et l'idéologie n'a jamais régné que pour la briser. Cette funeste invention de la face noire de notre esprit, qui a tant coûté à l'humanité, engendre en outre, chez ses adeptes, ce curieux travers qui consiste à prêter à autrui leur propre forme d'organisation mentale. L'idéologie ne peut pas concevoir qu'on lui oppose une objection si ce n'est au nom d'une autre idéologie.
Or toute idéologie est un égarement. Il ne peut pas y avoir d'idéologie juste. Toute idéologie est intrinsèquement fausse, de par ses causes, ses motivations et ses fins, qui sont de réaliser une adaptation fictive du sujet humain à lui-même – à ce « lui-même », du moins, qui a décidé de ne plus accepter la réalité, ni comme source d'information ni comme juge du bien-fondé de l'action.
C'est donc un non-sens, quand une idéologie est morte, de se dire qu'il faut de toute urgence la remplacer par une autre. Remplacer une aberration par une aberration, c'est de nouveau céder au mirage. Peu importe alors quel mirage se substitue au précédent, car ce n'est pas le contenu d'une illusion qui compte, c'est l'illusion même.
Le libéralisme n'est pas le socialisme à l'envers, n'est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu'il critique. Cette méprise rend absurde le dialogue entre socialistes et libéraux.
(…) Mais, outre que le libéralisme n'a jamais été un fanatisme lancé contre un autre, je n'ai jamais lutté contre le communisme au nom du libéralisme, ou seulement au nom du libéralisme. J'ai lutté contre le communisme avant tout au nom de la dignité humaine et du droit à la vie. Que la faillite permanente et ridicule des économies administrées ne fût pas sans apporter quelques arguments aux économistes libéraux – encore que bien des socialistes le nient encore aujourd'hui farouchement – c'était incontestable, mais ce n'était pas l'essentiel. Quand on se trouve devant une prison doublée d'un asile de fous et d'une association de meurtriers, on ne se demande pas s'il faut les détruire au nom du libéralisme, de la social-démocratie, de la « troisième voie », du « socialisme de marché » ou de l'anarcho-capitalisme. de telles arguties sont même indécentes, et le débat sur libéralisme ou social-étatisme ne peut renaître légitimement que dans une société rendue à la liberté. J'ai combattu le communisme mû par la même « obsession » qui m'avait jadis fait combattre le nazisme : l' »idée fixe », « viscérale » du respect de la personne humaine. »
* Page 87 :
« Aucune des justifications avancées depuis 1917 en faveur du communisme réel n'a résisté à l'expérience ; aucun des objectifs qu'il se targuait d'atteindre n'a été atteint : ni la liberté, ni la prospérité, ni l'égalité, ni la paix. Si bien qu'il a disparu, sous le poids de ses propres vices plus que sous les coups de ses adversaires. Et pourtant, il n'a peut-être jamais été aussi farouchement protégé par autant de censeurs aussi dénués de scrupules que depuis son naufrage.
Que d'abnégation ne faut-il pas pour ferrailler en faveur d'un système politique et idéologique qui n'a plus d'avenir, pas même de présent, et dont le passé est à ce point grotesque, stérile et sanglant ! Pousser aussi loin le sacrifice volontaire de sa propre intelligence force l'estime, mais demeure une énigme : l'énigme de l'homme même, sans doute.
* Pages 89 à 97 :
« Comme il arrive parfois, les communistes inscrits ou leurs journalistes assermentés se montrent plus lestes dans l'esquive que leurs maladroits alliés. Ils accordent éventuellement qu' : « il n'est pas question de nier les crimes rapportés dans le Livre noir », selon les termes de Régine Deforges dans sa chronique de L'Humanité (note n°1 : 18 novembre 1997). de quoi est-il question, alors ? de soutenir que ces crimes ne sont en rien représentatifs du communisme. C'est la tactique qu'appliquera, imperturbable, le secrétaire national du PCF, Robert Hue, tout au long de l'émission « La Marche du siècle », déjà mentionnée, à laquelle j'ai participé en compagnie de Stéphane Courtois, d'Andreï Gratchev, ancien porte-parole de Gorbatchev et auteur de L'Histoire vraie de la fin de l'URSS (note n°2 : Éditions du Rocher. Traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, 1992), de Jean Ferrat, vedette communiste de la chanson et de Jacques Rossi. Ce dernier, presque nonagénaire, ancien membre français de l'Internationale communiste, avait été, avant la guerre, arrêté à Moscou pour des motifs imaginaires, comme tant d'autres bons et fidèles serviteurs communistes, puis expédié au goulag, où il avait coulé des jours instructifs pendant dix-neuf ans. Il venait de publier – ce qui avait incité Jean-Marie Cavada à l'inviter – un Manuel du Goulag, « dictionnaire historique » (note n°1 : le Cherche-Midi éditeur, 1997). Il y montre, grâce à son expérience, en vieux client de ce type de villégiature, que le goulag était beaucoup plus qu'un camp de concentration répressif et liquidateur. « le goulag, écrit-il, servait de laboratoire au régime soviétique, dans le but de créer une société idéale : garde-à-vous et pensée unique. » (C'est moi qui souligne).
Rudes propos pour les communistes présents à l'émission. Aussi Robert Hue appliqua-t-il tout au long de la soirée son plan de bataille en deux parties. Premièrement, dit-il, nous reconnaissons l'existence des abominations relatées dans le Livre noir. Deuxièmement, ces abominations n'ont rien à voir avec le communisme. Elles en sont la perversion. Elles n'en découlent pas, elles le trahissent.
On admirera que ces socialistes « scientifiques » plaident avec autant d'ingénuité l'existence de phénomènes historiques sans cause, et qui sont en outre en proie à la contrariante habitude de se répéter avec la régularité d'une rotation astronomique. La répression concentrationnaire ou carcérale, les procès truqués, les épurations meurtrières, les famines provoquées accompagnent tous les régimes communistes, sans exception, tout au long de leur trajet. Et cette association constante serait fortuite ? En revanche l'essence véritable du communisme résiderait dans ce qu'il n'a jamais été, dans ce qu'il n'a jamais produit ? Qu'est-ce donc que ce système, le meilleur jamais conçu par l'homme, nous dit-on, mais qui est doté de cette surnaturelle propriété de ne jamais mettre en oeuvre, nulle part, autre chose que le contraire de lui-même, que sa propre perversion ?
À l'émission « Bouillon de culture » du 7 novembre, déjà, les communistes présents avaient soutenu que l'histoire du communisme tel qu'il avait été n'avait aucun rapport avec le communisme. Mais alors, pourquoi vous obstinez-vous à nier les crimes de ces régimes totalitaires qui, selon vous, n'étaient pas communistes ? S'ils vous demeurent si chers, c'est qu'ils l'étaient quand même un peu… Sinon, nous aurions d'un côté une série de causes porteuses de la plus sublime perfection et, de l'autre, une série d'effets parmi les plus exécrables de l'histoire humaine. Ce n'est plus du matérialisme historique, c'est de la magie noire. Malgré l'invraisemblance de leur délire ratiocineur, les communistes présents à « Bouillon de culture » atteignirent leur but, qui était de couper si constamment la parole à leurs interlocuteurs historiens que les téléspectateurs n'avaient quasiment rien pu apprendre de ce que contenait effectivement le Livre noir. Mission accomplie. Pour le coup de l'étrier, un communiste avait même fini par trouver le moyen de traiter Stéphane Courtois… d'antisémite !
À « La Marche du siècle », Robert Hue nous resservit la même rengaine : le communisme était un cerisier merveilleux sur lequel, par le plus incompréhensible des hasards, ne poussaient que des champignons vénéneux. Pour agrémenter ce raisonnement puissamment rationnel, Jean Ferrat joua la sentimentalité geignarde. Il s'attendrit sur la générosité, la fraternité, l'espérance, etc., communistes. Robert Hue était venu pour louvoyer et Jean Ferrat pour larmoyer. Les duettistes étaient bien rodés. le bouquet final réédita l'entourloupette utilisée par les braves camarades à « Bouillon de culture ». Ce fut le moment, déjà narré, où le secrétaire national sortit de sa manche et brandit devant la caméra un numéro du journal lepéniste National Hebdo, en nous accusant, Stéphane Courtois, Jacques Rossi et moi de faire le jeu du fascisme. Dans cette méprisable conspiration de notre « bande des trois », on flétrira comme particulièrement sournoise la ruse ingénieuse de Jacques Rossi. N'avait-il pas poussé le vice réactionnaire jusqu'à se faire enfermer pendant dix-neuf ans au goulag, dans le seul dessein évident de servir dans l'avenir la propagande anticommuniste d'un futur Front national qui alors n'existait même pas ? Qui n'est pas fasciste, d'ailleurs, aux yeux des communistes, à un moment ou à un autre ? Faut-il rappeler que, jusqu'au mot d'ordre d'unité d'action qui donna naissance au Front populaire de 1936, les socialistes étaient couramment appelés par le PCF et l'Internationale communiste, les « sociaux-fascistes » ?

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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C'est suite à une discussion sur les méfaits de la droite et de la gauche dans le monde à travers l'histoire que mon interlocutrice m'a proposé de lire ce livre. J'ai donc parcouru ce véritable pamphlet. Je ne connaissais J-F Revel qu'à travers la réflexion sur le Bouddhisme écrite en collaboration avec son fils Matthieu Ricard. J'ignorais tout de sa biographie et de ses idées. J'ai été surpris par le ton qu'il emploie ici. On ressent toute la hargne et le mépris qu'il peut avoir contre le socialisme et le communisme, la gauche en général. Également surpris par son apologie du libéralisme qui ne tolère apparemment aucune remarque. On a l'impression que ce qu'il énonce est une vérité qui ne souffre aucune contestation. Il est certain d'avoir raison. Pour ce faire, il s'appuie sur de nombreuses recherches et références qui étayent son récit qu'il nous restitue souvent à travers la caricature et l'ironie.
On aurait peut-être préféré plus de souplesse dans le propos, moins de certitudes. L'histoire nous a montré les erreurs tant de la gauche que de la droite avec leurs idéologies et leurs expériences concrètes respectives.
J'ai lu ce livre entre des entretiens avec Théodore Monod et Nomad Land de Jessica Bruder. Cet éclectisme me permet de relativiser beaucoup de choses, notamment la politique. Il me semble d'ailleurs que Matthieu Ricard a fait le bon choix en devenant moine bouddhiste. Il a choisi la sagesse, au-dessus de ces réflexions de droite ou de gauche qui seront certainement complètement caduques dans quelques siècles.
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Liberalism is peace, ignorance is strength, socialism is slavery


Assister à un affrontement entre « libéraux » et « socialistes » est une véritable rigolbochade. L'ouvrage La Grande Parade de l'intellectuel français Jean-François Revel illustre assez bien ce sempiternel (et stérile) débat. En effet, il est truculent de constater que chacun des deux camps semble s'accuser … des mêmes maux ! D'un côté comme de l'autre, on se voit comme plus blanc que blanc et pointe l'autre comme étant plus noir que noir. Finalement, les malheurs du monde viennent de l'Autre. Un vrai combat du Bien contre le Mal aux positions interchangeables selon le point de vue.

L'ouvrage du libéral français Revel s'inscrit dans cette optique de diabolisation réciproque. On sent que l'ancien philosophe abhorre plus que tout ce que représente Marx et ses nombreux (pseudo ?) épigones, qu'il est littéralement révulsé au plus haut point par leur doctrine, leur pensée. Et comme tout homme semblant être fanatisé on tombe régulièrement dans la caricature, la simplification, la vision systémique. Revel ne fait pas pour moi exception.
En ce sens, Revel mérite très clairement le trophée du plus gros point Godwin de l'année 2000 en insistant (lourdement) sur le parallèle entre nazisme et communisme (amusant quand on sait que certains font le parallèle entre libéralisme et nazisme), qui seraient finalement les deux faces d'une même pièce ! Des frères presque jumeaux finalement, où la seule véritable distinction acceptable serait une dichotomie entre une politique appliquée clairement annoncée et une autre cachée, qui ferait le contraire de ce qu'elle proclamait. Jean-François Revel, nouvel historien majeur du « totalitarisme » ?
Par la même Revel fait en quelque sorte sentir de manière plus ou moins cachée que le nazisme serait moins « négatif » car fondamentalement plus honnête que le communisme.
Bien entendu, notre cher libéral ne s'arrête pas là, et applique le néologisme de négationnisme aux « pro communistes » aveugles (plus ou moins volontairement) envers les crimes perpétrés par des régimes qui se disent ou sont qualifiés de communistes. Pas de raison qu'on réserve ça aux « nazis » et aux autres pardi !
Notre cher libéral se permet même une tirade assez culottée, dont j'ai peine à trouver à l'intérieur du seconde degré : "Avoir été communiste, c'était avoir été soit coauteur soit complice d'un colossal crime contre l'humanité ».

Bien entendu, et c'est de bonne guerre, Revel expose sous un jour plus que laudatif le « mouvement libéral », et en cela semble clairement trier dans l'Histoire les exemples qui illustrent sa thèse. Les socialistes disent se battre pour les droits sociaux et diabolisent les libéraux ? Mais, enfin ! Il ne faut surtout pas oublier que Bastiat ou Guizot ont pris des mesures ou des tenus des prises de position dans ce sens ! Oui, d'accord d'accord, je veux bien, ces exemples sont sans doute véridiques, mais quid de la recontextualisation historique et des autres libéraux ou même de leurs autres actes ? Ont-ils été toujours aussi attentionné que Revel semble le laisser entendre ? Les libéraux, parangons de la défense des opprimés et pourfendeurs des injustices ? (j'ai une phrase sympathique de Constant sous le coude pour qui veut). Bizarrement, ce n'est pas exactement l'image qu'on peut en avoir (sans doute encore et toujours à cause de la propagande marxiste). Trier dans l'Histoire est une chose aisée, même un communiste pourrait surement faire de même pour illustrer tel ou tel point de sa thèse. Une hirondelle ne fait pas le printemps sait-on d'ailleurs.

JFR s'arrête pendant quelques instants sur des déclarations de Marx, Engels et d'autres pour montrer qu'ils ne sont pas aussi blanc que certains peuvent le penser. Par exemple, il met en exergue des propos antisémites (hum dans un livre où on essaye de mettre sur le même plan nazisme et communisme, vous la sentez la finesse ?). Certes, ils ont tenu de tels propos (déplorables), mais, pourquoi ne parle-t-il pas aussi de certaines prises de position de libéraux sur des sujets, dira-t-on, quelque peu brulants. Heureuse coïncidence, je parcoure actuellement l'ouvrage Contre Histoire du libéralisme du philosophe Domenico Losurdo, qualifié de manière fleurie de « stalinien » par notre camarade gio, qui apprécie particulièrement éplucher les ouvrages écrits par de nombreux libéraux pour mettre en lien ce qui se dit du libéralisme et ce qu'ont dit certains libéraux. Partant de là, que pense Revel de Ludwig von Mises, un des grands personnages de la sphère libérale, sans doute effrayé par le bruissement social en cours, aurait loué le coup d'état de Mussolini, « sauveur de la civilisation », « le mérite acquis de cette façon par le fascisme vivra éternellement dans l'histoire ».
Que pense aussi Revel du rapport ambiguë entre l'esclavage et le libéralisme, quand tant de personnalités se réclamant de cette pensée furent d'ardents défenseurs de l'esclavagisme, le grand philosophe Locke notamment, à une époque où pourtant, nombreuses furent les oppositions à une telle pratique.

Revel est aussi prompt à balancer des épithètes discriminants gratuits envers plusieurs personnalités sans chercher à critiquer (au sens neutre) leurs travaux. Deux exemples précis peuvent être mis en avant. En premier lieu, l'anathème de « stalinien » (il sort souvent celui-ci) est, il me semble accolé à la personne de l'historien Hobsbawm, qui a surement eu des paroles ou des prises de positions contestables, mais Revel ne rentre à aucun moment, même succinctement dans l'analyse des ouvrages mentionnés. J'appelle cela disqualifier un travail par une attaque ad hominem. Qu'il me dise quels points il réfute dans l'ouvrage, par exemple, de l'âge des empires, ça, c'est quelque chose qui m'intéresse. de même, il évoque le papier de Moshe Lewin sur (entre autre) l'ouvrage ô combien loué par Revel de François Furet « le passé d'une illusion » dans le (satanique) Monde Diplomatique. Même son de cloche ici, aucun regard critique sur le dit article pourtant assez fourni et intéressant, dont je conseille la lecture à tous et qui mérite (au moins) discussion. Je veux bien que dans un « brulot », un « pamphlet », on soit plus léger, moins « universitaire », mais nous sommes en droit tout de même d'attendre un minimum de sérieux, surtout de la part d'un homme qui vient juger du haut de son trône et condamner de manière aussi tranchée « l'idée socialiste ». Peut-être n'avait-il pas sous le coude d'arguments suffisamment solide à mettre en face de ces deux auteurs …

Dans l'article précédemment mentionné, l'historien Moshe Lewin arguait que :
« Nul doute : la question qui préoccupe tant de gens - pourquoi le socialisme (ou le communisme) s'est-il effondré en Russie ? - apparaît comme un leurre. Pour parvenir à comprendre cette histoire, il faut admettre cette évidence : le socialisme et, a fortiori, le communisme ne sont pas des concepts adéquats. Aussi faudrait-il reformuler la question : qu'est-ce donc qui s'est effondré en Russie ? Voilà de quoi méditer. »
Evidemment, vous vous en doutez bien, notre cher omniscient Revel balaye un tel propos comme Fabius congédiant les dires de son interlocuteur d'un mouvement de main suffisant. Ce n'est que ritournelle sophistique que de mettre en avant une telle idée ! le responsable, c'est l'idée socialiste, point final, pas la peine d'ergoter pendant des heures et des pages sur une telle question. Tout est plus simple avec JFR. Néanmoins, en étant quelque peu extérieur à ces chamailleries, il s'agit d'un point central. Les régimes désignés (ou auto désignés) comme communistes ou socialistes le furent-ils véritablement ? Peut-on condamner à la damnation éternelle une doctrine que l'on pourrait qualifier de « mal appliquée » ? La socialisme est-il finalement Un, indivisible, monolithique ? Les libéraux se drapent des oripeaux de la vertu d'une soi disante « non idéologie » (ah ah) et d'une grande pluralité mais refusent visiblement ce dont ils se parent à d'autres. Pourtant je n'ai pas l'impression que le Socialisme soi aussi univoque et semblable partout et de tout temps …
Et au contraire, bien entendu, ce qui était attendu arrive, il n'y a pas d' « idéologie » (ou remplacez par le terme qui vous convient) libérale. Vous pouvez vous échiner à critiquer certaines prises de position de libéraux, mais jamais, ô non jamais vous n'atteindrez le plumage étincelant de l'idée libérale ! On vous l'a dit, le Mal, il est en face.

Beaucoup de bla bla pour ne pas dire grand chose, je sais bien, mais au boulot, dans un bureau, on trouve toujours quelque chose à faire pour échapper à son dur labeur.
J'ai posé quelques mots sur ce qui m'est spontanément venu en tête du souvenir de cette lecture rapide, mais Revel aborde bien d'autres points, plus ou moins en détail. Son ouvrage ne se résume pas à mes quelques phrases. Si je devais mettre en avant le point sur lequel je rejoins le plus JFR c'est bien, il me semble sur les premiers chapitres où il évoque l'attachement et l'aveuglement de nombreux individus envers certains régimes "socialistes" et le fanatisme des militants communistes. C'est assez vrai, plutôt intéressant par moment et avec quelques passages croustillants.

Dois-je maintenant préciser que je ne porte pas la doctrine Marxiste dans mon coeur, pour ne pas être qualifié par les thuriféraires de la Vérité de … stalinien ?
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L'ouvrage est à la fois une mine d'informations et de bon sens. On pourrait presque reproduire tout ce qui s'y trouve sous forme de citations. L'analyse de J. F. Revel présentée, non seulement sous l'angle de l'économie mais aussi de la sociologie, nous aide à comprendre pourquoi, malgré l'évidence criante, les esprits rechignent à évoluer. Particulièrement en France, pays sous le joug de l'économie administrée, comme nul autre en Europe. J. F. Revel nous fait savoir qu'il a lu Bastiat, Mieses et Hayek. Au moins il sait de quoi il parle quand il défend ce qui tombe sous le sens, le libéralisme. C'est-à-dire la liberté et la responsabilité, le droit pour chacun d'entreprendre et d'échanger.
Il nous montre bien aussi que la formule « L'enfer est pavé de bonnes intentions » s'applique parfaitement au communisme.
Juste quelques petites réserves « périphériques ». A propos des Etats Unis. L'Etat américain a fini par avouer que les armes de « destruction massive » de Saddam Hussein n'avaient jamais existé. Concernant l'engagement américain contre la Serbie, l'écrivain Vladimir Volkoff, spécialiste de la désinformation et adversaire du communisme comme J.F. Revel, y était hostile.
Dans le cadre du Droit et de l'économie, J.F. emploie malencontreusement l'expression « justice sociale ». Dans son ouvrage « Droit, législation et liberté » (dans le premier des trois tomes de la traduction française de Raoul Audoin), Hayek démontre que cette formule est totalement dépourvue de sens.
A part ces petits détails, un livre à lire et relire. Cette « critique » est basée sur une relecture.
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Un essai fort long sur la "survie de l'utopie socialiste - ou plutôt marxiste-léniniste -, dix ans après la chute de l'empire soviétique. Plutôt bien écrit, souvent drôle, l'essai pèche quand même par un ton polémique usant à la longue, un certain manque d'objectivité dans les reproches faits à ses adversaires (avec un paquet d'hommes de pailles, ce qui est fort dommage de la part d'un auteur qui a écrit un livre, l'année suivante, sur l'usage de ce même sophisme dans l'autre sens, contre l'Amérique libérale), et tout de même pas mal de répétitions.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Schumpeter souligna combien la révolution socialiste de Russie lui procurait la plus grande satisfaction. Désormais, le socialisme ne se bornerait plus à un programme sur le papier, il aurait à prouver sa viabilité.
Ce à quoi Weber répondit, en témoignant de la plus grande agitation, que le communisme à ce stade de développement en Russie constituait virtuellement un crime, qu’emprunter cette direction conduirait à une misère humaine sans précédent et à une terrible catastrophe.
« ‘Cela se passera tout à fait ainsi’, répondit Schumpeter ‘mais quel parfaite expérience de laboratoire’. ‘Un laboratoire où s’entasseront des montagnes de cadavres’, répondit Weber fiévreusement. ‘On pourrait dire la même chose de n’importe quelle salle de dissection’, répliqua Schumpeter. »
Cet échange se situe au tout début du régime bolchévique, puisque Max Weber est mort en 1920. Ainsi, l’un des plus grands sociologues et l’un des plus grands économistes de notre siècle étaient d’accord pour ne nourrir par avance aucune illusion sur le communisme et pour en déceler les dispositions criminogènes. Un point cependant les séparait : Schumpeter conservait encore une illusion que Weber n’avait pas, l’illusion que les échecs et les crimes du communisme serviraient de leçon à l’humanité.
(p. 163-164)
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En France, l'antiaméricanisme, de droite comme de gauche, avant de se hisser, durant la décennie 1990-2000, jusqu'aux cimes du délire, lorsque les Français découvrirent que les Etat-Unis venaient d'émerger de la guerre froide dans le rôle d'unique superpuissance, commence par s'aiguiser sous la forme de l'antiaméricanisme économique.
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Là où il se produisit, le retour au pouvoir des communistes ne fut pas le retour au pouvoir du communisme. Les ex-communistes changèrent de nom, comme en Italie du reste, se rebaptisèrent sociaux-démocrates ou s’affublèrent d’autres étiquettes. Mais ces transsexuels politiques n’envisagèrent pas un instant de revenir au régime du parti unique, de la propriété collective et de la dictature culturelle. Ils abandonnèrent ce programme à leurs mentors de l’ultragauche française. Quant aux renégats du stalinisme reculant toujours plus loin les bornes de la perversité, ils se mirent à préférer la lecture de ‘The Economist’ à celle du ‘Monde diplomatique’. Quoique issu de la vieille nomenklatura, le nouveau président polonais élu en 1995, un élégant opportuniste, proclama sans tarder son intention de persévérer dans l’économie de marché et dans les privatisations. Il ne renia jamais la « thérapie de choc » antérieure des néolibéraux, auteurs d’une réforme économique qui n’en déplaise aux nostalgiques occidentaux, fut un brillant succès.
(p. 57)
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On se prend parfois à se demander si le goût le plus profond d’une assez grande quantité d’intellectuels ne serait pas le goût de l’esclavage. D’où leur propension et leur adresse à reconstituer, au sein même des civilisations libres, une sorte de totalitarisme informel. En l’absence de toute dictature politique externe, ils reproduisent en laboratoire, in vitro, dans leurs rapports les uns avec les autres, les effets d’une dictature fantôme, dont ils rêvent, avec ses condamnations, ses exclusions, ses excommunications, ses diffamations, convergeant vers le vieux procès en sorcellerie pour « facisme », intenté à tout individu qui renâcle aux vénérations et aux exécrations imposées.
(p. 243)
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Dégageant les enseignements d’une série de sondages pratiqués en France durant la première moitié de l’année 1999 par le Centre d’études et de connaissance sur l’opinion publique (Cecop), son directeur, Jérôme Jaffré, observe que la mondialisation, fréquemment condamnée comme le « Grand Satan », dans le débat idéologique et les médias, est, en revanche, tenue pour une bonne chose par 53% des français contre 35% d’un avis contraire. Et, ô rage ! ô désespoir ! par 57% des électeurs de gauche, et 54% des électeurs de la droite modérée. Quiconque connait la lourdeur bornée de l’étatisme de droite en France depuis 1945 ne s’en étonnera guère.
(p. 218-219)
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Revel, remarquable d'intelligence, de pertinence et d'humour à froid. Une époque bien révolue...
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