"A vous de lire 2011 : La lettre à l'écrivain."
Le Puy-en-Velay, le samedi 14 mai 2011.
Nicolas,
Hasard du calendrier, Babelio me propose ces jours de rédiger "La lettre à l'écrivain", eh bien tiens, ça tombe bien... (et en plus ça rime bien). Bon, il est bien précisé : "Babelio vous invite à vous adresser directement à vos auteurs favoris" ; ce dernier épithète me met donc d'entrée de jeu hors-sujet... Tant pis...
Je passe l'éponge sur le seul livre que j'ai lu de toi, et que je n'ai pas du tout apprécié, "
Mémoire courte", dont seuls deux mini-extraits méritent à mes yeux d'avoir été lus (je les avais même postés sur Babelio, tu vois, je ne suis pas rancunière !) ; tu as eu le Prix de Flore pour cet ouvrage, wahooooo, ça m'a presque donné envie de me mettre à l'écriture, car j'ignorais alors qu'il suffisait d'écrire n'importe quoi n'importe comment pour être primé...
Mais là n'est pas le problème. le vrai problème, c'est que, en ce moment, plusieurs fois par soir, tu viens m'imposer chez moi, dans mon lit avant de m'endormir, via ma radio, des extraits de ton nouvel opus (ou "aux puces" comme le marché ?), que tu lis de façon à la fois nonchalante et prétentieuse. J'ignorais aussi qu'un écrivain devait se vendre comme tu le fais en lisant ses propres extraits sur une radio commerciale. Mais par contre j'ignore encore si cela est en effet le fait de ta prétention ( "écoutez comme c'est chouette ce que je viens de pondre et qui est en vente libre dans tous les halls de gare" ) ou si à l'inverse, cela est le fait de ton manque total de confiance ( "purée, sans publicité, ce bouquin ne pourra jamais se vendre, je ne pense pas que le bouche-à-oreille en fera grand cas...").
En plus, bon, on imagine bien que tu as dû choisir les "meilleurs" extraits.......... Je ne voudrais pas être trop acerbe, mais si tel est le cas........ Hum hum......
Cerise sur le gâteau, entre tes lectures nombrilo-égocentro-moi-je-moi-Nicolas (et autant sur le fond que sur la forme !!), il y a une grosse voix mââââle qui scande plusieurs fois l'ordre : "Lisez le nouveau
Nicolas Rey !"........ Non mais je rêve ! Je suis dans mon lit, il est minuit passé, et un type me donne l'ordre de lire un bouquin ! C'est quoi cet usage de l'impératif ?! N'est-ce pas le seul temps de la conjugaison qui ne peut s'assimiler au loisir / plaisir / désir, et au choix, justement, de nos lectures ?!
J'hésite encore entre la colère contre ces bourrages de crâne incessants, et un sentiment pathétique à ton égard.
Certes, je respecte le "Léger passage à vide" comme tu le nommes toi-même, que tu as vécu ; oui, j'ai cru comprendre que comme beaucoup, tu es tombé dans une sorte de marasme, de dépression, de vulnérabilité extrême, empli de doutes et de souffrances, et ce n'est pas du tout pour ta détresse que mon espèce de pitié pathétique se réveille. Mais c'est pour ce que tu en as fait, de cette détresse (et même si je n'ai entendu que tes "meilleurs extraits" (en boucle de surcroît...), ils me paraissent être assez parlants -subjectivement s'entend- quant à la forme et au fond...), mais c'est surtout, surtout, la façon dont tu la vends, la façon dont tu la brades, sous couvert du label "Souffrance Vécue Pour de Vrai par Moi-Même".
Sache en tout cas que pour ma part, tes encarts publicitaires voire dictatoriaux, ont rempli leur mission à l'extrême-inverse de ce que vous escomptiez, ton éditeur et toi.
Il est si triste qu'un auteur doive se vendre comme un baril de lessive... Encore que certaines lessives s'amusent à la "publicité comparative"... Tu as bien fait de ne pas tenter ce choix marketing, peut-être que face à ton "Moi-Moi à la dérive", "Oui-Oui à la plage" en serait sorti grand gagnant...
Tu as certainement beaucoup de lecteurs qui t'apprécient, et ceux-là n'ont sûrement aucunement besoin que tu leur imposes des extraits de ta dernière publication pour qu'ils aient envie de te lire à nouveau, alors de grâce, épargne *aussi* les autres, laisse-les en paix sous leur couette, et surtout, n'ignore pas que l'on ne peut imposer une lecture, n'ignore pas que nous sommes tous capables de choisir nous-mêmes ce que nous avons justement ENVIE de lire.
Non, n'oublie pas l'envie...
PS : Si je me suis permis de te tutoyer, c'est justement parce que tu viens plusieurs fois par soir m'imposer ta voix et tes mots dans l'intimité de mon lit, pour te vendre : il me semble donc que mon tutoiement (public)(gratuit) est bien moins incongru que tes ingérences (intimes)(commerciales).