Le précédent livre de l'auteure, La République raciale, racontait comment des intellectuels renommés, souvent progressistes, avaient tenté à la fin du XIXe siècle d'élaborer le concept de race humaine sur des critères scientifiques, persuadés de la supériorité intellectuelle de l'homme blanc. Ils s'y étaient - heureusement - cassé les dents. On croyait l'histoire terminée. Hélas non, nous explique cette suite: si la notion de race, faute de pouvoir être fondée scientifiquement, a commencé à perdre de son aura dans les milieux scientifiques, la "psychologie des peuples" a permis de poursuivre dans une voie similaire. Non plus celle de l'inégalité, mais celle de la différence: sagesse, ténacité ou courage, pour les uns, indolence, agressivité ou perfidie, pour les autres. On différencia les Européens - les Teutons rustauds et belliqueux, les Français astucieux et indisciplinés - et on caractérisa les "indigènes", attardés et primaires, voire, comme l'écrivait Georges Hardy à propos des aborigènes d'Australie "dégénéré[s] (…), lamentable échantillon de l'humanité".
Sans aller jusque-là, des hommes comme Lucien Febvre ou Marcel Mauss participèrent plus ou moins à ces classements dépréciatifs, largement utilisés par les administrateurs coloniaux, pour justifier la quasi-absence de scolarisation (sur 400 000 enfants d'Afrique équatoriale française, 8 700 étaient scolarisés!), ou par les Etats pour limiter l'immigration et dissuader les mariages mixtes. Aujourd'hui, ces formes euphémisées de racisme sont toujours vivantes. D'où l'importance de ce livre, pour nous apprendre les leçons de l'histoire.
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Cette politique, en parfait accord avec le ministère des Colonies, révèle la culture coloniale républicaine de l'époque, une culture différencialiste et inégalitaire mais présentée comme représentative d'un certain humanisme colonial français
Carole Reynaud Paligot.Le racisme scientifique