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EAN : 9782864325444
90 pages
Verdier (25/08/2008)
3.87/5   47 notes
Résumé :
Jérôme Alleyrat avait seize ans quand son père prit l'habitude de coucher avec lui, et lui avec son père. La mère a décidé de s'enfuir. Quand il arrive à Paris, un matin de septembre 1991, il a vingt ans. À cette date, l'épidémie de sida bat son plein. Peu concerné par cet événement, tout entier concentré sur la quête d'un plaisir qui frôle l'anéantissement de soi, Jérôme est arrêté au beau milieu de son accomplissement par l'irruption sous son toit de la maladie, e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Comment aimer ceux qui vont mourir et comment guérir ceux qui restent?

La phrase d'accroche de ce livre aurait pu amener à tout autre chose. "Le père, de temps à autre, couchait avec le fils. ". Elle en aura peut-être refroidi certains, avec ses airs provocants, comme une rengaine aguicheuse qui miserait sur le trash, sur le buzz.
Mais ceux qui auront dépassé ce premier trouble verront que la surprise n'en est que plus grande, que la langue que Mathieu Riboulet délie est aussi riche que le sujet peut être cru, comme si l'un devait rattraper les excès de l'autre, les renverser. Car ce style enlevé ne peut fonctionner que parce qu'il est appesanti par l'aspect viscéral du livre, lui-même rendu acceptable par les tournures de phrases qui l'enveloppent. Cercle vertueux, Transcendance.

Et c'est sans doute de cela qu'il s'agit au long du roman, une transfiguration quasi christique. Jerôme se révélera en découvrant son voisin de palier à moitié mort dans l'escalier comme d'autre devant une apparition de la Vierge. Plutôt ironique pour une "fille perdue" qui n'en finit pas de chercher l'anéantissement.

On est bien loin finalement de la surenchère sordide de la quatrième de couverture -inceste, maladie, déchéance, mort- qui nous donnait l'impression d'en avoir déjà trop lu. Car oui, L'Amant des Morts nous conte Jerôme, garçon facile sur qui tout passe, le père, l'absence de la mère et la succession des amants. L'épidémie du sida -en pleine explosion dans les années 90- ne le touchera pas plus qu'une rumeur et c'est seulement quand la mort lui tombera dans les bras que la révélation aura lieu. Et on en était là, nous avec lui.
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L'Amant des morts est le genre de roman qui ne laisse pas indifférent. de deux choses l'une : soit le lecteur se trouve rebuté dès l'incipit, soit il se laisse séduire par la manière de conter de Mathieu Riboulet.
La quatrième de couverture nous informe que le récit se situe à l'époque où « l'épidémie de sida bat son plein ». L'homosexualité côtoie l'inceste, et ces deux tabous forgent l'intrigue, mais dire que celle-ci se résume à ces thèmes-là serait trop réducteur.
La genèse de l'histoire évoque la rencontre des parents, qui sert à ancrer les évènements dans une sorte de fatalité, et donnera lieu à la naissance de Jérôme, personnage principal de son état. le jeune homme hérite ainsi d'un caractère marqué par la résignation maternelle et un désir constant, transmis par le père.
Le point de rupture a lieu lorsque la mère découvre la relation incestueuse liant père et fils ; elle s'absente alors, pour ne plus revenir. Plus tard, Jérôme rejoint Paris, où il mène une vie mi- rangée, mi- dissolue, sous l'oeil attentif de ses tantes – réminiscences de la mère disparue. Se livrant corps et âme à sa quête de plaisirs, il se fait l'amant du premier venu et devient « une fille perdue », sans se soucier des risques encourus. Confronté à la maladie d'autrui, une révélation s'opère, bouleversant le cours de son existence, et de ses errances.
Nous est donc offert, par le biais d'une écriture ciselée, le récit d'un anéantissement de soi, entre perte de repères et besoin de se lier à tout prix.
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Critique publiée sur Senscritique (2011)

C'est délicieusement triste, ce livre de Mathieu Riboulet. Autant vous dire que je ne connais pas l'auteur, mais que j'ai d'ors et déjà prévu d'acheter ses autres publications.

L'histoire n'est évidemment pas joyeuse, c'est celle d'un jeune garçon de province qui sait jouer de ses charmes, qui se fait baiser par son père avec qui il partage ses penchants, et qui part à la découverte de plaisirs éphémères avec des inconnus de passage.

Il quitte ensuite sa provincee pour Paris où il s'installe chez ses tantes, et mène une vie de débauche sexuelle, la vie des années 90. Autour de lui malheureusement l'épidémie de VIH se faiblit pas, et il y sera bientôt confronté de plus près qu'il n'y avait songé, en accompagnant et en voyant mourir son voisin de palier.

Au delà de l'histoire qui est dure et glacée, un peu comme un équivalent gay du film "Darling", c'est surtout l'écriture quasi chirurgicale de l'auteur qui est admirable, le style précis et recherché, les phrases parfaites, la formule impeccable. C'est aussi beau pour l'histoire que pour le style, donc je le conseille avec peu de réserves.
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C'est un scandale
 
SCANDALE n. m. Effet fâcheux, choquant, produit dans le public par des faits, des actes ou des propos considérés comme contraires à la morale, aux usages. (Le nouveau petit Robert)
Mathieu Riboulet tente de dire l'indicible du désir absolu, sans limite, qui, terriblement humain, va à l'encontre de ce qui constitue l'être social. Il retrace le cheminement de l'approbation de l'amour jusque dans la mort, rejouant l'éternel conflit d'Éros et Thanatos. On pense à Sade dont il nous est dit que la lecture est "pleine d'ivresse, de liberté et de fièvre."
Jérôme, le personnage de ce court récit, trouve la joie dans "l'infini silence d'une allégeance archaïque". Il est une "fille perdue, déshonorée par son père" qui semble dire à tous, dans un geste de profanation et de blasphème : « Prenez, car ceci est mon corps. » Il est dans une dépense de lui-même et une prodigalité extrême, loin de nos petites économies sociales.
L'autre scandale réside dans le fait que cette denrée inépuisable du plaisir nous est rapportée dans une langue d'un parfait classicisme aux phrases sinueuses et au vocabulaire foisonnant. Ce bonheur physique de la lecture confirme que Riboulet, mort en février dernier, est un des auteurs majeurs de ce début de siècle.

Benoît Pichaud

Lien : https://lesheuresbreves.com/
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L'histoire violente et crue d'un jeune homme malmené par les siens et par la vie. Inceste, violence,… le sujet est difficile.

Et c'est tout l'art de Mathieu Riboulet d'en faire un roman initiatique à l'écriture particulièrement dense et juste, ponctuée de réflexions légères et touchantes sur la difficulté d'être au monde et de se construire.

Un petit roman remarquable porté par un vrai grand talent d'écrivain.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La mère de Fabrice était de ces femmes naturellement menues que l'habitude de jouer les intermédiaires, et donc de prendre des coups de tous côtés, entre son mari et ses enfants avait amenuisée encore davantage. La mort de son fils avait achevé le travail, de sorte qu'on se demandait après l'avoir croisée si on avait vraiment vu quelqu'un ou s'il s'agissait de quelque ombre s'attardant dans un champs de vision fatigué. Devant la violence des antagonismes familiaux, elle avait dû se résoudre à battre en retraite, incapable de choisir qui, en elle, de la mère ou de l'épouse finirait d'anéantir la femme. Elle avait espéré que le conflit entre Fabrice et son père, évidemment né de l'homosexualité du premier et de l'incapacité profonde du second à se déprendre de l'image qui l'avait aussitôt aveuglé, celle du corps de son fils pénétré, se résoudrait avec le temps. La pauvre femme était loin de se douter qu'en fait de temps, c'est la mort qui apurerait le compte. Et bien plus loin encore d'imaginer que l'homme aux côtés de qui elle continuait à dormir avait accueilli la nouvelle de la mort de son fils avec un inavouable soulagement qui lui avait enfin ôté la rage stérile dont il était envahi. Plutôt mort qu'enculé, donc.
Cette image-là n'était jamais venue danser devant les yeux de la mère, pas même à cette heure navrante où elle rassemblait les quelques bricoles qu'elle tenait à conserver. Ces deux dernières années, elle avait vu le fils à l'insu du père, ils ne s'étaient pas beaucoup parlé, Fabrice petit à petit glissait dans l'inconnu, elle restait avec son mari, sans lui donner raison et sans le désavouer. Après tout, c'était sa vie. Il ne lui restait plus qu'à cheminer doucement dans le silence qui recouvrait son fils, maintenu par le père, observé par ses autres enfants qui ne leur pardonneraient jamais le grand déni dans lequel ils s'étaient enfermés et s'éloignaient un peu plus chaque jour. La douleur sèche dans laquelle ils la laissaient finirait par l'effriter tout à fait.
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Le secret était sa condition première. C’est de l’avoir percé qu’Élisabeth avait été glacée d’horreur. La scène surprise dans l’entrebâillement d’une porte était à ce point impensable qu’elle garantissait à Jérôme l’irréversibilité du départ de sa mère. Et le père, tout entier immergé dans le travail insensé de ses désirs et de sa force, serait à jamais incapable de prendre la mesure de ces actes-là qu’il commettait sur son fils, incapacité que son regard aveugle exprimait parfaitement. Restait le fils, reste toujours le fils, ainsi, béant, aux frêles épaules sommées de soulever le monde, sans pensée pour grandir, jeté sur la terre pour le rachat des fautes commises par les deux tiers de cette trinité désarticulée par essence, l’unique chemin où engager son corps sans savoir où il mène, sinon à la perte.

Mais il arrive que certaines choses changent, même si les principales demeurent. Jérôme avait en deux ans opéré une transformation assez radicale, entièrement dictée par les impératifs catégoriques d'un accomplissement sexuel enraciné dans l'interdit et le secret, dont le déroulement n'aurait pu s'effectuer sur les terres froides, isolées, désertées par les hommes où sa mère avait enfanté. Faute de trouver là un Rodolphe qu'il eût supplié de l'enlever, moins encore un brave garçon de passage qui eût accepté de l'emmener à Bordeaux, Lyon ou Montpellier, sans parler d'un garçon de ferme qui eût accepté de lui faire une petite place à ses côtés, fût-ce dans la paille, il fit comme tout le monde autour de lui, prétexta des études à finir pour quitter à la fois la violence paternelle et l'inertie locale qui auraient eu raison de lui en moins d'une décennie.
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Le père, de temps à autre, couchait avec le fils. La mère ne voyait pas. Il fallait en finir avec les lois de la besogne, mais ça recommençait toujours. Chaque fois, pourtant, s’annonçait comme la dernière, mais invariablement le petit jour le cueillait, aveuglé, avec au creux du ventre la chaleur qui contracte les muscles, le déposait dans les bois plein d’une rage informe à son endroit qu’il s’entendait à dissiper dans la plainte continue des tronçonneuses et le fracas des arbres entaillés. Il allait donc falloir recommencer.
Le fils, de temps à autre, couchait avec le père. La mère ne voyait rien. Il fallait bien répondre, et ça ne cessait pas. Les élans adultes, brusques du père avaient éveillé au creux du fils un écho aussi obscur qu’ancien d’animalité, un besoin de sueur séchée, de salive et de sperme venu du fond des temps. C’était effrayant, mais souverain. Ils étaient au désert, cernés par la nuit, le vent des solitudes. On s’occupait de pulsions ataviques, on sculptait le revers invisible des jours industrieux et mornes.
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On le voit, un immeuble de tantes. Constance songea tout aussitôt avec un pincement au cœur à la possibilité, hélas des plus tangibles, qu’il finisse en immeuble de veuves, tous ces hommes accédant au fil des mois à ce statut, jusqu’ici apanage des femmes, dont le sida leur ouvrait grand les portes, avec une préférence marquée pour les trentenaires dont l’élan splendide était brutalement interrompu par ce brusque afflux de solitude et de mort. Mais elle chassa l’image. Alix et elle devaient depuis maintenant quelques années refaire chaque mois de janvier leur carnet d’adresses pour éviter d’y laisser s’empiler les cadavres et d’en avoir plein les doigts à chaque fois qu’elles cherchaient un numéro de téléphone. Elles faisaient pour cela, grâce à leur voisin Luc qui les y avait incitées, de beaux efforts financiers en direction de la recherche médicale.
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On en était là, certains en surplomb. Jérôme, sans formuler le moindre embryon de pensée, avait vu que tout cela – l’escalier, le môme ouvert, secrétions, douleur et désarroi – était pour lui une simple mais impitoyable répétition de l’enfance dévastée : un désert pierreux, l’indifférence en héritage, son corps suintant d’adolescent abandonné de sa mère comme de Dieu. Il en était là, il ne serait jamais ailleurs que là. Il avait eu beau partir, s’emplir d’hommes, des mots creux des échanges, le théâtre à l’intrigue cadenassée avant même qu’il n’entre en scène déroulait inlassablement son propos cruel et monotone. Il n’y avait pas lieu de fuir.
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Videos de Mathieu Riboulet (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mathieu Riboulet
Patrick Boucheron présente "Quand l'histoire veille aux grains"
Peut-on imaginer un banquet sans ce rendez-vous avec l'histoire, sous le couvert de la halle du village, à l'heure apéritive ? Depuis des années, Patrick Boucheron y a installé une marche interrogative et peu à peu collective, textes en main, le nez aux vents du lieu, de ses mémoires, de ses questions. C'est ici, en 2017, qu'avec Mathieu Riboulet il proclama le manifeste fondateur de cette nouvelle étape du banquet, « Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs », titre de l'ouvrage récemment paru aux éditions Verdier. Cette année, des historiens, des journalistes, des écrivains reprendront avec lui la question de Demain, la veille, dans un dialogue qui tissera, jour après jour, le récit du banquet.
Entretien réalisé pour Corbières Matin, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022.
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