Il aura fallu quatorze chapitres à Robert Redeker pour nous livrer sa vision aussi fataliste que délirante de l'Ecole républicaine du XXIème siècle. Le premier coup de hache frappe les usages de la langue (française) comme «écho de la crise de l'Ecole.» Partant de l'idée qu'elle est devenue un vulgaire moyen de communication, il poursuit ses chapitres sur le même ton. Car pour lui, « la communication change le monde et la vérité en matière gélatineuse et liquide. Elle s'emploie à ramener le réel et la vie à la consistance des méduses.» Et dans ce livre, tout le monde paie le prix de la colère froide de notre philosophe vivant dans le souvenir et la nostalgie de l'école d'antan. Cette dernière aurait transformé, selon lui, les enseignants (que nous devrions appeler professeur !) en animateurs socioculturels; autrement dit, en moins que rien.
D'autres sujets suivent: la mort, l'économie, le diversement, la vie … mais ils ne suffisent pas à nous faire oublier les relents nauséabonds d'une conception de l'éducation marquée par le sceau de l'élitisme républicain et de la distinction nationale.
Dans ce brûlot contre l'Education nationale, on aura bien senti une pincé de Finkielkraut et un soupçon de Zemmour. Dans le deuxième chapitre notamment, il joue au funambule avec le balancier du national-assimilationnisme. Il évoque Jeanne d'Arc. Pourquoi pas. Il rebondit avec aisance et réjouissance sur le verbe (les "inhéritiers") de Renaud Camus qu'il semble tenir en estime. Et là, c'est plus inquiétant. Mais, Redeker évite de justesse la chute raciale. Il n'est donc pas à balancer dans la catégorie des fascistes. Nous dirons qu'il n'aime tout simplement pas le cosmopolitisme, le multiculturalisme et les petits élèves épicés, originaires des anciennes colonies, nés sur le territoire français.
Il apparaît également que cet ancien professeur de philosophie ne tire aucun avantage de la modernité; le numérique l'exècre. Il n'aime pas non plus les pédagogues (comme Philippe Meirieu) et encore moins les sociologues (comme Pierre Bourdieu).
Il alimente la confusion entre inégalité et injustice. Pour lui, l'inégalité peut trouver des formes de justifications puisque tout ne se vaut pas. le raisonnement est curieux et les comparaisons douteuses. On retrouve les mêmes confusions entre la « fraternité » et le « vivre-ensemble »: rien de très stimulant pour penser la différence dans un monde globalisé.
Redeker nous aura finalement laissé le sentiment qu'il n'y de transmission du savoir qu'accompagnée d'une bonne dose d'autoritarisme (du maître), de celui qui sait sur celui qui ignore; une instruction hiérarchique et insipide qui soumet au lieu d'émanciper, qui humilie au lieu d'élever, qui enferme au lieu d'élargir la pensée, qui fracture au lieu de chercher les moyens d'unir.
Ce philosophe aussi érudit soit-il nous aura au moins transmis l'expression d'un mal-être et d'un profond regret d'un passé enterré. Espérons qu'il ne bascule pas un jour, si ce n'est déjà fait, du côté des penseurs du "Grand remplacement" !
Je remercie l'équipe du site Babelio, à travers l'opération « Masse critique », de m'avoir donné l'occasion, malgré tout, de lire et de donner mon point de vue sur cet essai.
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L'auteur expose dans cet ouvrage les différents « fléaux » qui selon lui ont contribué au délitement de l'Ecole (toujours avec un E majuscule traduisant son respect pour cette institution). Il pose l'obsession de la « communication » comme le point de départ du phénomène. La communication a une approche fonctionnaliste et utilitariste de la langue, c'est-à-dire comme un outil servant à véhiculer des informations. Et non plus la langue en tant que vecteur de la pensée, de la réflexion, du raisonnement et de la culture. « La communication engourdit l'exercice du jugement. » dit-il. Quant à la désastreuse Loi Jospin de 1989, elle instaure le principe d'une haine de l'excellence.
Il aborde ensuite les vulgates du pédagogisme qui, en pervertissant la pédagogie, cherchent à formater aussi bien les instituteurs et les professeurs que les élèves. L'Ecole aux mains des idéologues, l'Ecole en tant que « instance de pacification sociale »… L'auteur n'hésite pas à affirmer que les visées anthropologiques des pédagogistes relèvent de la même haine de l'intelligence et des intellectuels que celle des Khmers rouges ou de la révolution culturelle chinoise. C'est ainsi que l'Ecole est devenue une « entreprise de destruction, ordonnée au fanatisme de la table rase ». Et les principaux ennemis – et premières victimes – du pédagogisme sont les instituteurs, les professeurs, les maîtres, nommés désormais « enseignants ». Sociologie et idéologie secrètent le poison qui détruit l'Ecole, anéantissant sa vocation « d'élever » et d'instruire.
Sont ensuite passés en revue de nombreux exemples dans les domaines économique, politique, du divertissement, du travail etc. qui permettent de recenser différents courants agissant insidieusement sur la finalité de l'éducation. Pour aboutir à la conclusion que la crise de l'Ecole est, non pas une crise sociétale, mais une crise de la vie humaine : « C'est parce qu'on ne sait plus ce que c'est qu'un homme, ce que c'est que la vie humaine, ni non plus ce que c'est que la mort humaine, qu'on ne sait plus ce que c'est que l'Ecole, ce que c'est que l'éducation. »
A la fin de ce constat tragique et lucide, on aimerait trouver des propositions, une lueur d'espoir. Mais celle-ci est minime : le livre se termine simplement sur le voeu que ce livre contribue – puisque le fantôme exige la réincarnation - à la « réincarnation » de l'Ecole
Une réflexion intelligente et passionnée, où chaque page contient au moins un morceau de bravoure qui mériterait de figurer dans la rubrique « citations ». Nombreuses références et annotations : littéraires, historiques ou philosophiques.
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La transformation de l'institution scolaire en institution sociale de garderie avec distribution de diplômes, l'émergence de l'École gélatineuse, de l'École à consistance de méduse, de la simili École, cette nouvelle division sociale, qui affecte tous les pays européens, renvoie à une crise beaucoup plus profonde, une déshumanisation que l'on peut appeler crise de la vie humaine.
Elle [l'Ecole contemporaine] bride les plus doués, érigeant en norme les plus faibles. Elle chante haut et fort les louanges de la médiocrité, rabrouant les premiers de la classe en vertu du sacro-saint droit des derniers à recevoir toutes les félicitations. Un projet anthropologique inconscient l'anime : fabriquer (...) des inhéritiers, des générations nouvelles hors sol.
Loin de chercher à élever, l'Ecole cherche maintenant à abaisser, de telle sorte que le nom d'élève devient inapproprié aux enfants et adolescents qu'elle accueille. Souvent même, arguant du respect de la différence, le système scolaire a cherché à étouffer la différence qu'il était censé cultiver, l'excellence.
Ce dépaysement, cet arrachement des enfants à leur pays, afin de les empêcher d'entrer en fusion avec son histoire et sa culture, afin de prévenir le risque d'enracinement dans cette histoire et cette culture, est le versant éducatif de la délocalisation industrielle et économique.
Gangrénée par ce motif de l'héritage, par ce venin venu de Bourdieu et de ses disciples, l'Ecole refuse de transmettre ce que naguère nos aînés appelaient "la culture". Elle joue "les cultures" contre "la culture" pour barrer l'accès des générations montantes à "la culture".
Pour annoncer un été sportif, Livres&Vous vous propose une émission consacrée au corps sportif mais également à un corps social tendu vers la victoire.
Finale de la Coupe du Monde, départ du Tour de France, grand prix de Formule 1 et un mois avant les Gaygames qui se tiendront à Paris début août, c'est avec deux experts en la matière que nous en discuterons : l'historien Georges Vigarello spécialiste du corps et plus particulièrement du corps sportif et le philosophe Robert Redeker qui fait paraitre Peut-on encore aimer le football ?
Avec :
Robert REDEKER : Philosophe,
Georges VIGARELLO : Historien.
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