Ce roman invite à une profonde réflexion sur le thème de l'amour : l'amour passion, l'amour sororal, l'amour amitié, l'amour filial, l'amour maternel, l'amour physique.
Il est partiellement autobiographique, comme toute l'oeuvre d'
Henri-Pierre Roché (l'auteur, rappelons-le, de "
Jules et Jim") et se présente comme un échange de correspondances.
Roché est fasciné par les triangles amoureux, deux hommes-une femme ("
Jules et Jim" ou deux femmes-un homme ("
Deux anglaises et le continent"). Ce qui ne veut pas nécessairement dire, pour le dernier surtout, amours simultanés à trois.
Qu'est-ce que l'amour ?
Il y a un amour sévère, rigoureux, presque janséniste : c'est celui qu'éprouve Muriel, anglaise de 20 ans (dans les années 1900), à la fois corseté, introspectif et ignorant des choses charnelles ; il y a l'amour comme une ode à la vie, à la création, à la fête des sens, c'est celui de sa soeur artiste Anne, (elle est sculptrice), plus libre et plus curieuse. Et puis celui de Claude, le jeune français, cérébral, facile à se déprendre et à se reprendre au gré de ses lectures (Ô
Nietzsche !), de ses élans.
Et il y a la palette de tous les autres. L'amitié est un amour, l'amour maternel, un autre. Les sentiments qui relient les êtres sont comme une ligne munie d'un curseur qui se trouverait à une place différente chez chacun selon son destinataire, son climat intérieur et l'instant.
L'amour est un horizon qui s'éloigne quand on veut s'en saisir, se déshydrate lorsqu'on essaie de le conserver, s'étiole s'il est trop nourri, grandit dès qu'on lui tourne le dos.
Tu m'as dit "Je t'aime".
Je t'ai dit "Attends".
J'allais dire "Prends-moi".
Tu m'as dit "Va-t'en".
Je serais tentée de dire que Muriel, à travers l'homme, aime Dieu, qu'Anne aime les hommes en esthète, comme des fleurs posées sur le bord du chemin et que Claude est un nostalgique qui aime les femmes lorsqu'il est trop tard.
Henri-Pierre Roché n'est pas un auteur frivole.