Terre, le printemps
s"élabore dans mon sang
je sens
comme si j'étais
un arbre ,
un territoire,
s'accomplir en moi les cycles
de la terre
eau, vents et arôme
confectionnent ma chemise,
dans ma poitrine des mottes
qu'y a laissées l'automne
commencent à bouger,
je sors et siffle sous la pluie,
le feu germe dans mes mains,
et alors
j'arbore
un drapeau vert
qui sort de mon âme,
je suis semence, feuillage,
et alors tout le jour,
chêne qui mûrit
toute la nuit , je chante
des racines monte le murmure,
la feuille chante dans le vent.
Dans ses conférences de 1954 il a raconté sa métamorphose en ces termes:
"Alors soignant la forme , faisant attention à chaque détail, sans perdre mon enthousiasme , cherchant à nouveau mes réactions les plus simples, mon propre monde organique , je me suis mis à écrire un autre livre d'amour, les Vingt poèmes.
" C'est ainsi que d'un drame intime, de la rencontre avec mon être propre et avec l'amour, qu'un livre est né.
" C'est un livre que j'aime parce que malgré sa mélancolie aiguë ils se trouve dans la jouissance de l'existence. Un fleuve et son embouchure m'ont aidé à l'écrire : le fleuve impérial. Les Vingt poèmes sont la romance de Santiago, avec les rues d'étudiants, l'université et l'odeur de chèvrefeuille de l'amour partagé,
Mais
la mer
elle ne se repose pas, ne dort pas, n'est par morte.
Elle grandit dans la nuit
son ventre qu'ont courbé
les étoiles
mouillées , comme le blé à l'aube
elle grandit, elle palpite
et pleure
comme un enfant
perdu
et qui avec un seul coup
de l'aurore
comme un tambour, s'éveille
gigantesque
et elle bouge.
( p. 316 )
Une voix est affirmative et s'enracine dans les souvenirs les plus clairs d'une enfance solitaire :
oh les silences champêtres cloutés d'étoiles
je me rappelle les yeux tombaient dans ce puits inverse
par où montait la solitude de tous les fuyards affolés
l'absence de souci des bêtes dormant dans leurs durs
lys
j'ai imprégné alors l'altitude de papillons noirs des méduses
paraissaient des fracas humidité brouillards
et de retour au mur j'ai écrit
oh nuit un ouragan mort glisse ton obscure lave.
Le jour où il arrive à Santiago, trois ans et cinq mois d'exil sont accomplis . C"était une prison puisque c'était un monde sans Chili. Neruda a placé le poème qui exprime sa douleur de l'exil . Il s'intitule " Quand du Chili " :
Oh, Chili, large pétale
de mer de vin et de neige
Aïe ! quand
Aïe ! quand et quand
Aïe ! quand
me retrouverais-je avec toi,
tu en rouleras ton ruban
d'écume blanche et noire à ma ceinture
je lancerai ma poésie
sur ton territoire.