Des contes et légendes tirés de la tradition orale et de l'histoire de la Corse et d'autres qui ont été composés par les auteurs en s'inspirant du légendaire insulaire. Parfois ces écrits font dresser les cheveux sur la tête! Un livre a découvrir qui aide à un peu mieux connaître la Corse et ses non-dits.
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Il avait embarqué sur le premier bateau en partance. Peu lui importait la destination.
Sans rien emporter, sans jeter un regard en arrière, il était descendu dans la cale : entre lui et ce qu'il quittait, mieux valait mettre le moins de regrets possible. Mais il avait vu trop de navires quitter le port pour ne pas deviner à quel moment celui-là longeait telle place, telle jetée, telle façade. Le clocher de Saint-Jean-Baptiste sonnait huit heures. Depuis longtemps, sous le pont du Fangu, les lavandières devaient être penchées au-dessus du ruisseau, chantant pour moins ressentir la morsure des eaux glaciales. (Une voix dans l'hiver)
Dans l'île, il n'était de famille qui ne fût en deuil et quand, au catéchisme, le prêtre demandait : "Quels sont nos ennemis?" Invariablement, les enfants répondaient "Peste, famine, guerre et Génois." Les Génois qui avaient apporté ces trois maux... Et la peste, en mille trois cent quarante, avait emporté les deux tiers des habitants. (Idui seini)
De toute la masse de sa montagne, la Corse écrase l'homme, déteint sur lui, l'absorbe. Elle déchaîne jusqu'au fond de ses rêves des entités qu'il finit par rendre tangibles... Sur cette île, le mythe est si près du réel que l'homme s'y égare, peut-être plus qu'ailleurs. Et c'est le pollen de ses peurs, de ses joies, de ses croyances, de son humour, de ses révoltes qui en fertilise les légendes.
Tu as raison, Ghjuvanni, la Biscia est le mal et toi seul peux la vaincre car tu n'as jamais combattu par amour de la guerre. Pourtant, même toi, tu ne peux rien contre elle ce soir. On ne peut triompher du Diable que la seule nuit où lui et ses légions ont peur d'une étoile. Et cette nuit arrive demain... (La Biscia)
Affalé au bout de la table, la tête entre ses bras repliés, Mezzaluna, le porteur borgne, cuvait son vin. Comme tous les soirs, il serait le dernier à partir quand le patron de la buvette, juste avant la fermeture, viendrait le secouer par les épaules et l'aiderait à trouver la sortie. (Une voix dans l'hiver)