C'est dimanche dans le delta, sur la route de Mahmoudia, là où les dernières collines de la Dobroudja surplombent le bras de Sfântu Gheorghe. Sur la gauche de la route, en bordure d'un champ incliné qui vient d'être moissonné, sont éparpillés des carrioles attelées d'ânes ou de mulets. À mi-pente de la colline, autour d'une petite scène où le prêtre officie parmi des icônes portatives, et tout un bric-à-brac qu'un œil profane pourrait identifier comme du matériel de camping, quelques centaines de paysans et de paysannes, âgés pour la plupart, s'agenouillent dans le chaume, se relèvent, s'agenouillent de nouveau, entonnent des cantiques, lèvent haut de lourdes bannières qui claquent au vent comme des oriflammes.
Quand la messe se termine enfin, la plupart des carrioles, où se sont entassés pêle-mêle les fidèles, leurs bannières et leurs icônes, reprennent la route en dur, dans un grand raclement de roues cerclées de fer, en direction de Mahmoudia, mais quelques-unes s'engagent sur une piste à peine visible qui, parmi des prairies à moutons, rejoint la berge du Danube.
("Au pays des mille et une horreurs", "Le Figaro", 5 juillet 1990)
"Au prix d'efforts surhumains, apoplectiques, le chauffeur parvint même à hurler en français une phrase entière - "Vive le camarade Joseph Staline" - que nous reprîmes en chœur, cette petite lâcheté nous valant de ne pas régler le prix de la course, car le Géorgien est aussi généreux qu'il est stal.
Staline, c'est indéniable, jouit d'une immense faveur dans cette ville de Tbilissi. Non seulement le parc couronne les hauteurs de la ville porte son nom, mais aussi le quai de la Koura - dont les Tbilissiens retirent une fierté prodigieuse, sous prétexte qu'il est bâti dans un granit imitant assez le béton armé-, et son effigie officielle, en bas-relief, apparaît à deux reprises, une fois en médaillon et une autre fois de pied en cap, sur la façade de l'Institut du marxisme-léninisme, un grand palais néoclassique dû à l'architecte Chtioussev, l'un des grands maîtres de l'académisme stalinien, et sans doute l'architecte favori du père des peuples. Enfin l'Infotouristne se gêne pas pour recommander l'excursion à Gori, ville natale du petit Joseph, comme l'une des deux ou trois choses que le touriste se doit de faire en Géorgie, sans parler de la visite du séminaire où il fit ses premières armes, de l'imprimerie où il imprima ses premiers tracs, etc.
En dehors de tout contexte officiel, il est fréquent à Tbilissi de trouver le portrait de Staline dans les autobus, dans les échoppes, dans de petits ateliers de cordonniers ou de réparateurs de montres, et ceci d'autant plus, en règle générale, que le local est plus minable, et plus pauvres ses usagers." (...)p.263-264,
Les autorités iraniennes soutiennent, d'autre part, que cet afflux de réfugiés traduit l'enthousiasme des populations irakiennes pour la révolution islamique. Ce qui revient à dire que, lorsqu'il y a le feu à bord d'un navire, tous les passagers qui se jettent à la mer témoignent ainsi de leur amour de l'eau.
Des 4X4 hérissés d'antennes, battant pavillon de ces agences ou de ces associations innombrables, vouées à l'endiguement de toutes sortes de fléaux, et dont on peut se demander si leur prolifération, à la longue, n'en constitue pas un nouveau.
Jean Rolin Les papillons du bagne