AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782881829147
240 pages
Editions Zoé (04/04/2014)
3.81/5   8 notes
Résumé :
L'univers de Ninive est aussi prenant, original, tragique que drôle. Ces qualités, l'héroïne du roman en hérite: Katya, la trentaine, vit au Cap dans une maison qui se fissure. Avec son entreprise de dératisation-désinsectisation, elle n'éradique pas, elle délocalise. Chenilles, geckos, pigeons, serpents, tous elle les déplace. Dans un monde chaotique, elle veut maintenir un ordre «humain» et «alternatif» et y trouver une place, elle dont les racines sont si peu pro... >Voir plus
Que lire après NiniveVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ninive, luxueuse résidence inachevée du Cap, révélateur subtil des failles d'une femme :

Troisième roman de la romancière sud-africaine Henrietta Rose-Innes, le premier traduit en français en 2014 grâce aux éditions Zoé, "Ninive" nous entraîne dans un lieu ambigu, entre ville, marécage et plage au coeur de la ville du Cap ; là, une résidence appelée Ninive, située sur un endroit blanc de la carte routière, un complexe immobilier inachevé est entouré de marais dont le paysage aquatique, de dunes et de végétation humide, ressemble à un rêve ou à une évocation poétique.

Katya Grubbs, dont la spécialité est de débarrasser les sites de tous les animaux nuisibles, sans les tuer mais en les déplaçant, rencontre M. Brand, le riche promoteur de Ninive qui l'embauche pour mettre un terme à l'invasion étrange d'insectes qui empêchent l'achèvement de cette résidence de luxe.

«Sa philosophie consiste à respecter toutes les créatures qui essaient de s'en sortir dans la ville : s'esquivant, s'éclipsant, grappillant vite une bouchée par-ci par-là, négociant jour après jour de nouvelles trêves avec les humains au milieu de qui ils vivent. Les survivants, les squatters, les envahisseurs. Des foutus durs à cuire. Ils ont leur place.»

Alors que sa propre maison se fissure suite à la destruction du jardin public dans son quartier, que la figure de son père, un homme violent et chaotique, refait surface autour du chantier en déliquescence de Ninive, le monde intérieur de Katya Grubbs lui aussi se fragilise, dislocation et insécurité intérieures liée à des parents qui furent défaillants.

«Fébrile, voilà comment elle se sent. Sur les nerfs, avec un vague mal de tête et un peu nauséeuse, pas du tout en phase avec le jour qui tire rapidement à sa fin. Est-ce ce trou puant dehors ? Ce sentiment que les choses autour d'elle sont en train de bouger ? Ou est-ce la mention de son père – le vieux surgissant sans crier gare après tout ce temps ? Sept ans sans trace de Len, et le revoilà maintenant qui vient pisser sur son territoire.
C'est peut-être juste cette fichue porte de garage qui lui tape sur le système. L'usure de toutes choses, leur pourrissement et désintégration, la pénible entropie des objets.»

Rappelant le fascinant "Canada" de Richard Ford, Henrietta Rose-Innes, dont J.M. Coetzee a été le tuteur, dévoile dans ce roman les conséquences intimes du comportement ou de l'absence des parents, et nous fait ressentir avec une précision et une acuité exceptionnelle le malaise de Katya Grubbs qui cherche sa place dans un monde en mutation, prenant autour d'elle une coloration étrange.

«Comment peut-elle avoir manqué cet endroit s'il existe depuis plus d'une année ? Katya pensait connaître la ville – elle a passé des années à repêcher des bêtes au fond de ses fissures et de ses lézardes – et pourtant maintenant c'est à peine si elle peut dire dans quelle direction elle se dirige. Un étrange décor a été inséré dans le paysage. La montagne est toujours là, derrière eux et quelque part devant il y a l'océan, à sa place naturelle, mais tout le reste est sens dessus dessous.»
Commenter  J’apprécie          100
J'ai tout de suite aimé ce que j'ai lu.
Parce que j'avais l'impression de découvrir pour la première fois une telle histoire, et qu'il m'a semblé ne jamais avoir rencontré une héroïne semblable à celle que l'on rencontre dans "Ninive", pas excentrique mais profondément singulière, et surtout particulièrement marquante, malgré le vide apparent qu'est sa vie…

Katya Grubbs est spécialisée dans les insectes, et toutes autres bestioles dont les autres n'ont qu'une hâte : se débarrasser. Elle s'occupe des mal-aimés, des moches ; elle est déménageuse, si on peut dire. Elle relocalise, pratique la désinsectisation sans extinction. Déplace les nids de guêpes, détourne des colonies de chenilles, se bagarre avec des tribus entières de chats galeux, ne fait pas la fine bouche devant une invasion de cafards ou un bataillon de souris. Elle protège les araignées. Sa philosophie consiste à respecter toutes les créatures qui essaient de s'en sortir dans la ville, de rendre au sauvage ce qui est sauvage. Sans doute pour se démarquer de son père, Len, dont elle n'a pas la science encyclopédique des insectes, mais qui lui exterminait, à coups de pièges ou de poisons. Cela fait sept ans qu'elle ne l'a pas vu, Len. Elle ne sait même pas où se trouve cet homme qui leur a fait vivre, à sa soeur Alma et elle, une enfance instable et dangereuse. Non qu'il ait été violent avec elles, mais sa brutalité maladroite et son indifférence au mal leur ont valu pléthore de cicatrices, de doigts tordus, et de brûlures. Quand il ne leur faisait pas tomber des marteaux sur les pieds, il les laissait debout toute la nuit sous la pluie. Il leur offrait des grenouilles ou des couleuvres à collier. Trimbalées d'un logement précaire et minuscule à l'autre, de vans en chambres d'amis, les deux soeurs ont appris à être dures au mal, à taire la douleur. Elles ont gardé de cette jeunesse chaotique la conviction de vivre dans un monde sans pitié, peuplé d'objets hostiles susceptibles à tout moment de les blesser, et que le mieux à faire était de se tenir toujours prêtes à riposter.

Alma, l'aînée, a posé ses sacs après quelques années de vadrouille pour s'installer dans une normalité ultra-sécurisée et une belle maison aseptisée des riches quartiers du Cap. Katya, à trente et quelques années, est toujours célibataire et pas très à l'aise avec l'idée d'avoir un logement fixe, bien qu'elle envahisse depuis maintenant plusieurs années la même maison de son désordre accumulateur…

Sa dernière mission en date, confiée par Mr Brand, un richissime promoteur, la mène à Ninive, une luxueuse et gigantesque résidence dans le désert aux portes de Cape Town dont l'étape ultime de la construction a été interrompue suite à l'invasion de mystérieux insectes, les goggas. Katya s'installe dans cet environnement protégé et équipé de la dernière technologie, dont la blancheur immaculée tranche avec le vlei voisin, marécage grouillant de vie animale et végétale, enchevêtrement de plantes, de racines, et de boue. Seule, hormis deux gardiens discrets et leur chien, elle apprécie son séjour au coeur de monde vierge et labyrinthique au minimalisme fonctionnel. La pureté des lignes de cet endroit en devenir, sorti de rien, la fascine. Pas d'êtres vivants, ou très peu, dans ce milieu qui, jouxtant un univers instable peuplé de bestioles et de parasites, se révèle étrangement stérile. Et surtout, pas trace de goggas… mais ils reviendront à la saison des pluies, lui assurent les gardiens des lieux.

Puis elle remarque des incohérences dans cet univers rutilant : des boutons de porte, des morceaux de moquette, du petit mobilier ont disparu ; elle sent une présence, la nuit, dans le couloir de l'appartement qu'elle occupe. Peu à peu la belle résidence dévoile ses dessous, reconquise par un marais qui en y introduisant la vie, gorge les sols d'humidité, pourrit les murs…

"Ninive" est un roman dans lequel plane en permanence le rappel de la puissance sous-jacente de la nature, qui insinue que les racines de la ville ne sont après tout pas si profondes… : quelques mètres, et on retourne à la terre brute, élémentaire, aux entrailles de la ville où fourmillent des millions de vers. Et Katya, avec sa sensibilité charnelle à l'environnement, est comme un trait d'union entre ces deux mondes qui à la fois s'interpénètrent et se rejettent, comme une créature hybride oscillant entre attraction primitive pour la vie animale et végétale, et vague aspiration à s'intégrer dans la société des hommes.

Fascinant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          20
Un grand merci à Babelio et aux éditions Zoé, pour cette bonne surprise qu'a été Ninive. Je dois reconnaître que sans Massecritique, je n'aurais sûrement pas choisi ce livre, donc merci encore pour cette belle découverte.

Le Cap , Afrique du sud.
Le boulot de Katya c'est de vous débarrasser des nuisibles en tout genre : rats, insectes, serpents…, Mais pour se démarquer de son père, Len, qui lui a tout appris du métier, elle ne tue pas, elle déplace sans douleur. Len, au contraire a toujours tout détruit, massacré. Jusqu'à ses filles qu'il a élevées à la dure, doux euphémisme !
Un jour Katya est contactée, pour débarrasser une future résidence de luxe, d'étranges insectes, et d'en faire ainsi un véritable paradis : « Ninive ».
Ninive, est le symbole même de la fracture sociale, il y a deux mondes parallèles, les gens du haut et ceux du bas .La partie supérieure est luxueuse mais stérile et fragile, la partie inférieure grouille de vie et de force !
Katya est heureuse de travailler à Ninive jusqu'au jour où son père reparait. SDF, vieilli, il veut travailler avec elle, comme avant.
Le semblant d'équilibre que s'est construit Katya au fil du temps se lézarde, comme les murs de sa vielle maison. La présence de ce père pour lequel elle éprouve à la fois une sorte d'admiration et de la crainte, lui rappelle à quel point elle lui ressemble.
Katya doit faire un choix : tourner le dos à son père et renier son passé ou lui tendre la main au risque de se perdre avec lui.
J'ai beaucoup aimé ce livre car les personnages sont terriblement humains, avec des sentiments partagés, contradictoires, ici pas de caricature, pas de situations cousues de fil blanc.
Aucun misérabilisme non plus, ou de pathos, au contraire ! Car comme c'est très bien dit sur la 4è de couverture : le regard de Katya, sur sa vie et sur le monde reste tendre malgré la violence.

Seul petit bémol quelques soucis de correction, ou traduction.
Commenter  J’apprécie          00
Katya et Toby contemplent dans un luxueux jardin de Cape Town un arbre emmailloté dans une couche de bestioles… il est grouillant de chenilles.
Une intrigue originale autour d'une jeune femme de trente ans que l'on découvre petit à petit cabossée par la vie. Elle s'est donc créé une armure : sa combinaison d'éradiqueuse de bestioles, une combinaison verte je crois (qui m'a fait imaginer Katya cheminant telle le teletubby Dimpsy). Drôle de métier, mais c'est de famille, toutefois Katya en a développé une version écologique et douce puisque sa petite société « Painless Pests Relocation » capture les bestioles (insectes, lézards, pigeons, mangoustes, rats, etc.) pour les relâcher en pleine nature (ou presque).
C'est ainsi qu'à l'occasion de son dernier contrat, nous découvrons « Ninive », un complexe d'habitation luxueux mais encore inhabité car infesté par des colonies d'une bestiole mystérieuse et dangereuse semble-t-il. Katya s'emballe pour cette mission, mettant tout le reste de côté pour traquer ces étranges goggas. Elle a l'art et la manière de retourner un appartement pour découvrir ne serait-ce qu'une puce. Mais elle bute devant ces goggas qui restent invisibles, à tel point qu'elle doute de sa mission. L'insuccès lui pèse, ravive de vieux souvenirs, son enfance, son drôle de père, la disparition de la mère, le comportement surprenant de sa soeur.
Katya décide d'explorer plus à fond l'univers de Ninive pour tenter de débusquer les goggas. C'est alors de belles pages qui s‘ouvrent au lecteur, dans un monde semi-aquatique mystérieux, un entre-deux mondes d'ailleurs. Ce monde aquatique m'a fait penser de façon assez inattendue au si beau roman de Maurice Magre « le poison de Goa » paru dans les années 20.

Katya tourne finalement et irrémédiablement une grande page dans sa vie. Nous en avons quelques signes avant-coureurs avec sa maison qui se fissure chaque jour davantage, et la fin du roman où elle adopte un way of life tellement surprenant... avec "le" chien et la camionnette ! Détachée du passé et prête pour l'avenir.

Ce roman « Ninive » nous fait aussi découvrir la ville du Cap sous un angle méconnu, les marécages des environs, les taudis adjacents, et le luxe qui sort du désert (ici c'est l'eau) au milieu de tout cela. Une lecture très différente du Cap de Deon Meyer (que j'apprécie au demeurant beaucoup).


Un roman insolite et attachant. Merci aux éditions Zoe et à Masse Critique pour cette découverte.
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
Commenter  J’apprécie          10
La Ninive moderne du roman de l'auteur sud-africaine Henrietta Rose-Innes est une cité huppée, nouvellement construite dans la banlieue de Cape Town. Seulement voilà, une invasion de coléoptères a empêché jusqu'ici les nouveaux propriétaires de s'y installer. le promoteur fait alors appel à Katya, de Painless Pests Relocation, une entreprise spécialisée dans la gestion des indésirables. L'occasion pour Katya d'une plongée étrange dans les racines et l'histoire de sa famille.

Comme une balade au fil de l'eau et du marais, j'ai suivi Katya à la découverte de Ninive et de sa nature cachée mais luxuriante. Il est difficile de décrire le thème central de ce roman, mélange entre un émerveillement pour le monde sous-terrain des insectes et autres nuisibles et belle réflexion sur l'héritage familial et la difficulté d'échapper à son influence aussi lourd soit-il. Katya est un personnage attachant, parfois impulsive, parfois contemplative; parfois grognon, d'autres fois drôle ou sensible. Elle est de plus entourée d'une brochette de personnages tout aussi originale et bien croquée, dont un père, Len, auquel elle a tenté d'échapper et qui refait pourtant surface dans les eaux boueuses de Ninive.

Ninive est un roman à l'intrigue simple mais étonnante, qui berce son lecteur tout en abordant des thèmes durs tels que la pauvreté des townships sud-africains, les inégalités frappantes de ce pays, ou la violence familiale. Je peine à vous expliquer pourquoi, mais c'est un roman qui m'a beaucoup plu et touchée.

Un roman sur l'amour filial au-delà des conflits et désaccords qui touche le lecteur sans le violenter.
Lien : http://unmomentpourlire.blog..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
C'est décourageant de se rendre compte qu'une forme d'inattention respectueuse ne suffit pas. Que le simple fait de maintenir les choses en l'état requiert un travail ardu, tout comme une pelouse a besoin d'être tondue ou un corps nourri. Quel effort incessant pour maintenir le monde debout. (page 40)
Commenter  J’apprécie          50

autres livres classés : afrique du sudVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Autres livres de Henrietta Rose-Innes (1) Voir plus

Lecteurs (21) Voir plus




{* *}