C'est lors d'un transfert de la prison d'Aspsås vers l'hôpital que Bernt Lund réussit à s'échapper malgré les chaines qui le maintenaient prisonnier et les deux gardiens qui le surveillaient. Une chasse à l'homme commence alors car, selon les psychiatres qui ont étudié le cas de ce violeur, il pourrait à nouveau recommencer. En effet, alors qu'il avait violé puis tué deux petites filles quatre ans auparavant, il n'éprouvait aucun remord, bien au contraire. le commissaire Ewert Grens et son adjoint Sven Sundkvist, de la police de Stockholm, sont chargés de l'enquête et doivent impérativement le retrouver au plus vite. Toute la police est mise à contribution, les écoles et les parcs pour enfants sont sous haute surveillance et la population est en émoi. Malgré tout cela, un couple de randonneurs retrouvent le corps d'une petite fille, qui selon l'autopsie, aura été violée puis assassinée. Pour le légiste, cela ne fait aucun doute, il porte la marque de Lund...
Ce polar ne fait pas dans le minimalisme. Les auteurs vont droit au but, sans concessions. C'est violent, sombre, glauque et brut. Les mots sont crus, incisifs, choisis pour nous faire frissonner, nous écoeurer parfois ou nous émouvoir. L'écriture est finement ciselée, les chapitres très courts ajoutent un rythme soutenu et terriblement accrocheur, malgré l'horreur et la misère. Un polar très noir qui se distingue de par son originalité, sa trame, son scénario haletant, des personnages parfois attachants parfois répugnants, une atmosphère lourde et stressante. Toute une série de questions se pose alors sur le fait de se faire justice soi-même, de la compétence de la police et de la surveillance suffisante ou non des délinquants.
Un polar très original qui fait réfléchir et qui interpelle...
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Un polar cru, très noir et bouleversant.
Je m'y attendais bien un peu, car j'avais lu – ou du moins survolé - plusieurs critiques avant de me lancer moi-même dans ce livre que j'avais choisi dans le cadre du challenge géographique « En 2022, je voyage… » sur Livraddict, qui double les points des romans écrits à quatre mains, et qui met la Suède à l'honneur ce mois-ci. Mais je ne savais pas que ce serait à ce point-là.
Il faut d'abord relever la narration de ce livre détonnant. Les auteurs ont choisi un découpage en chapitres (très) courts, aux allures de roman choral : on reste certes aux côtés d'un narrateur omniscient, mais qui se penche au plus près des quelques protagonistes que l'on croise, on a vraiment l'impression de se trouver tout à coup partager leur vie quelques instants ou quelques jours – et cette façon d'aborder les choses atteint son paroxysme dérangeant quand on approche du prédateur pédophile qui va tout déclencher : là, on a carrément l'impression de plonger dans sa tête, même si le narrateur garde une infime distance (dans le sens où il ne passe jamais à la 1re personne du singulier) qui n'en semble dès lors que plus terrible.
C'est une écriture acérée, précise, très directe, sans aucun doute volontairement provocatrice par moments (on ne compte pas le nombre de « p* » qui émaillent les chapitres dans lesquels les auteurs se mettent dans la tête du prédateur pédophile !), certains disent même « chirurgicale » (même si je n'aurais pas choisi ce mot-là, je crois qu'il peut convenir aussi). C'est une écriture très visuelle aussi, qui suggère bien davantage qu'elle ne montre, qui montre bien davantage qu'elle ne dit, et quand elle suggère ou montre, on est pris aux tripes. Gravement.
L'histoire de base est pourtant assez simple : un prédateur pédophile rôde… Après le meurtre horrible de deux petites filles qu'il a réellement outragées, et ne présentant aucun remord pour un acte qui relève de la barbarie bien plus que d'une déviance mentale, un dénommé Lund se retrouve incarcéré. Mais parce qu'un quelconque psychiatre a considéré sa déviance comme « légère », Lund est accompagné par seulement deux gardiens lors d'un transfert pénitentiaire, et parvient à s'échapper… Bien entendu, il récidive dès qu'il peut, et cette fois la victime violée, violentée et finalement tuée est une petite fille de 5 ans, Marie – dont les auteurs avaient partagé des bribes de quotidien avec le lecteur, ce qui rend les choses encore plus horribles, si seulement c'est possible. C'est alors que le père de Marie, excédé par l'impuissance (ou l'incompétence ?) des services de la Justice, non par esprit de vengeance mais pour éviter que les vies d'autres enfants soient détruites à leur tour (sachant que le pédophile va recommencer), et aussi parce que, pris dans ce deuil impossible, il considère que sa propre vie s'est arrêtée le jour où on a retrouvé le cadavre de sa fille, il décide de mettre fin aux agissements du violeur en série…
La première partie du livre nous parle essentiellement de ces événements-là, avec en parallèle une histoire de prison où on rencontre quelques personnages incarcérés plus ou moins forts, leur haine de ceux qu'ils appellent « les pointeurs » (quels que soient leurs propres crimes à eux), le code d'honneur qui régit les rapports à l'intérieur de la prison, et le passé trouble voire dramatique de certains d'entre eux… On devine que ces deux parties de l'histoire vont se rejoindre tôt ou tard, on ne sait trop comment, et pour le coup, ça a été un fameux twist final que l'on sent pourtant venir… mais je ne peux en dire plus. La question que je me pose cependant encore et toujours : en tuant Fredrik, sans savoir qu'il s'agissait de Fredrik, Lillmasen a-t-il réellement tué un innocent, ou l'a-t-il « libéré » ? Comment peut-on survivre au meurtre de son enfant, surtout dans de telles conditions ?
La deuxième partie quant à elle, qui pourrait sembler plus détachée encore (en tout cas, il n'y est plus question d'un quelconque nouveau meurtre), s'apparente davantage à tout un questionnement sur la Justice : entre le jeune procureur arriviste qui veut condamner le père justicier à la perpétuité, en vertu des lois qui ne permettent en aucun cas de se faire justice soi-même quelles que soient les circonstances ; l'avocate qui veut plaider la légitime défense et à qui les textes de Loi donnent tout autant raison ; les policiers dégoûtés qui continuent quand même parce que c'est leur métier et, comme dirait l'un, ils ne savent rien faire d'autre ; et en parallèle, les dérives que le retentissement du procès (et plus encore de son issue) vont entraîner ici ou là, auprès de gens qui n'ont rien à voir l'histoire mais qui décident tout à coup de rendre justice eux aussi, sur un voisin exhibitionniste (mais autrement bien « sage ») ou un clochard qui insulte tous les patients de « p* »… Où est l'acceptable humainement ? Où est l'acceptable légalement ? A-t-on le droit de rendre justice soi-même ? Et quid de la peine de mort dans des cas extrêmes comme celui des prédateurs pédophiles récidivistes ?
Parmi les quelques commentaires que j'ai donc lus, nombreux sont ceux qui soulignent comme ce livre fait réfléchir sur le sens de la Justice, et notamment sur ces quelques questions que je viens de soulever. Pour moi, et je n'ai pas honte de le dire, les choses sont beaucoup plus tranchées.
J'avais un peu plus de 20 ans au moment de la tristement célèbre « Marche blanche » (1996), à la suite de la découverte des corps de Julie et Mélissa, et le sauvetage miraculeux des deux victimes suivantes d'un certain Marc Dutroux, avant qu'il ne soit trop tard… Ce sont des événements qui ont marqué tout un peuple (le mien) et au-delà, qui marquent à vie, même si je n'étais pas concernée, même si je n'étais même pas encore mère ! (D'ailleurs, les auteurs se sont-ils inspirés un tant soit peu de cette histoire de chez moi ? Il y a certaines similitudes troublantes… à croire qu'on n'apprend jamais rien de rien ! pour qu'un système judiciaire suédois, même fictif comme ici, répète les erreurs du système judiciaire belge, une dizaine d'années plus tard, ce livre ayant été publié en 2004 en Suède…)
Mais pour revenir à ce livre : les descriptions de l'état dans lequel on a retrouvé les corps de deux petites victimes du prologue, puis de la petite Marie, sont poignantes et horribles… mais, à force d'avoir lu plusieurs polars et autres thrillers, je me suis rendu compte (non sans un frisson) que, même si c'est dur, « ça passe », ce n'est même pas pire que ce que j'ai pu lire ailleurs ! En revanche, je me suis retrouvée les larmes aux yeux plus d'une fois, incapable de poursuivre ma lecture, à chacun de ces courts chapitres où les auteurs mettaient l'un ou l'autre des parents de Marie en scène, après la découverte du corps – en particulier, ce n'est guère un grand spoil, tous mes poils se sont hérissés, de mon crâne jusqu'aux orteils, en entendant le cri de la mère, lorsqu'elle vient identifier le corps à la morgue… Et zut, voilà que j'en pleure encore !
Bref, tout ça pour dire : oui, on peut se poser des tas de questions sur la Justice en lisant ce livre, extrêmement bien construit en ce sens, je dis bravo aux auteurs ! Mais pour ma part, sans vouloir me substituer à la Justice (qui, au final, n'est jamais qu'un organe humain, avec ses forces et ses faiblesses, et surtout son indispensable nécessité dans nos démocraties), je sais que, si un type tel qu'un Lund (ou un Dutroux) faisait un tel mal à l'un de mes enfants, moi aussi je mets fin à ses jours si j'en ai l'opportunité, sans attendre un improbable procès qui ne va jamais le condamner que trop légèrement… La seule petite hésitation que je pourrais avoir serait liée au fait que j'ai trois enfants : est-ce que ça vaut la peine de laisser les deux autres « survivants » sans maman, une maman qui serait potentiellement en prison pour avoir débarrassé la terre d'une telle ordure pourtant humaine ? Une seule conclusion, en paraphrasant des mots qui ont déjà été dits et même chantés, mais qui doivent malheureusement répétés encore et encore : « Malheur à celui qui blesse (ou pire : viole et tue) un enfant ! »
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Les images résistaient, il cria, se concentra, se tapa sur les cuisses pendant que chacune des images prenait sa place dans son esprit. De nouveau l’oncle Per. Dans leur maison de campagne du Blekinge. Ces grandes mains qui répétaient les gestes de la première fois, et lui qui saignait du cul. Il avait ensuite caché son slip dans l’armoire du hangar, pour que maman ne le voie pas. Elle n’allait jamais y regarder.
L'homme est le seul mammifère capable de se détruire. De haïr, de tuer, de mettre en danger l'existence de sa propre espèce. C'est pourquoi il est impossible de le comprendre.
Ils ont peur, c’est tout. Peur de délinquants sexuels, au point de céder à la haine. Alors, quand le père d’une des victimes en tue un, il est logique qu’ils en fassent un héros. Il a fait ce qu’ils auraient souhaité faire, eux qui n’ont pas osé passer à l’action.
C'est quand même bizarre, se disait-il. Tu as passé ta vie à côtoyer des gens dont tu te fiches et dont tu n'as pas besoin, des gens qui sont comme une télé allumée dans un coin du salon. C'est un rite, une habitude destinée à masquer le silence et le vide. Ils te renvoient ton reflet, afin que tu sois sûr d'exister, mais ils ne t'apportent rien, ni à toi ni à personne. Tu disparais un jour, et tout le reste continue comme avant.
Il fallait être un excellent avocat de la défense pour oser se mesurer à lui.
Comme Kristina Björnsson. […]
Elle était intelligente, expérimentée, et elle était la seule des adversaires d'Ågestam à avoir défendu des débiles mentaux en leur accordant plus de considération qu'à ses honoraires. C'était la raison pour laquelle ses clients la respectaient autant. Il avait entendu parler de Kristina Björnsson dès ses premiers jours à la faculté de droit de Stockholm. Elle avait amassé une des plus belles collections de pièces de monnaie du pays, qui lui avait été volée au début des années 90, ce qui avait provoqué un émoi considérable dans les prisons suédoises. Une enquête parallèle avait été menée au sein de la pègre, et au bout de deux semaines, deux colosses à queue de cheval s'étaient présentés chez maître Björnsson avec un bouquet de fleurs et la collection enveloppée dans un papier cadeau entouré d'un ruban. Il ne manquait pas une pièce. Une lettre était jointe, laborieusement rédigée par trois professionnels du crime spécialisés dans les antiquités et objets d'art, la priant d'accepter leurs excuses et lui expliquant qu'ils ignoraient à qui appartenaient ces pièces.
THE INFORMER Bande Annonce VF (2019)