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EAN : 9782070418053
400 pages
Gallimard (02/05/2010)
3.85/5   26 notes
Résumé :

Normalement, voir débarquer un homme en tenue de plongeur sous-marin, encadré minute un prévenu, dans une gendarmerie de Basse-Normandie. inciterait plutôt à la méfiance. Seulement voilà, la normalité, le plongeur qui a tout perdu et la jeune femme sentie déposer plainte pour le cambriolage de sa demeure en ont visiblement fait le tour. Que le sort se soit ainsi acharné sur eux, est sans doute à leurs... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
N°355 – Août 2009.
LA FEMME PROMISE - Jean ROUAUD – Éditions Gallimard (2009)

Jean Rouaud n'est pas un inconnu pour cette revue [voir La Feuille Volante n° 55, 215, 217, 219] puisque son oeuvre y a déjà fait l'objet de commentaires et de présentations. Sans ce prix Goncourt, pour une fois bienvenu, il eût continué à végéter dans un anonymat kioskier en se désolant que son talent ne soit pas reconnu.

Je l'ai donc rencontré à nouveau, toujours un peu par hasard, par le truchement d'un rayonnage de bibliothèque, dans la catégorie nouveautés. J'avais, à l'époque de mes premiers articles, souligné une phrase un peu longue, parfois difficile à suivre. Je l'ai retrouvé ici, avec en plus des dialogues un peu abruptes qui m'ont un peu rebuté au début, mais s'y sont ajouté, avec bonheur, l'humour, l'art des descriptions où la précision le dispute à la poésie, et même une certaine gouaille...

C'est vrai qu'ils sont attachants ces personnages. Lui, Daniel, chercheur en physique nucléaire qui se retrouve vêtu seulement de sa combinaison d'homme-grenouille parce qu'un indélicat lui a dérobé sa voiture où il avait toutes ces affaires alors qu'il plongeait. Elle, Mariana, artiste de retour des États-Unis, a connu la même mésaventure, avec accessoirement la destruction de ses créations, mais dans sa maison de famille, dans ce bourg de Basse-Normandie. Pour cause de déclaration administrative, ces deux personnes se retrouvent à la gendarmerie locale. Ce pourrait être le départ d'une idylle, d'autant que le titre du roman le suggère fortement et que cette Mme Moineau fait ce qu'elle peut pour cela. Pourtant tout cela est un peu laborieux, à tout le moins au début, et cette rencontre fortuite est plutôt le prétexte à un retour dans le passé, chacun à sa manière. Pour lui une enfance orpheline peuplée d'un grand-père réparateur de cycles, bougon et sourd et d'une grand-mère comateuse à qui pourtant il raconte ses journées, pour elle, un histoire familiale encombrée de l'antisémitisme et de la collaboration de son grand-père pendant la guerre, de l'effacement de sa grand-mère, et un père qui fuit le monde dans la contemplation des grottes préhistoriques. Lui, plaqué par sa femme qui ne lui a laissé que ce qu'il porte sur lui, elle, victime d'un cambriolage ont en commun une sorte de dépouillement. Pourtant, cette rencontre qui aurait pu être le prétexte d'une histoire à l'eau de rose comme on en a tant lu, a quelque chose de miraculeux, comme si un tableau volé puis retrouvé, et qui maintenant était mis à sa vraie place, signifiait que leur deux vies antérieures allaient définitivement prendre fin, que la nouvelle pouvait avoir son vrai sens, comme si ce dénuement temporaire qui les avait rapproché était porteur de sens et d'avenir! C'est que cette toile interrompue qui représente sa grand-mère va parler, au sens vrai du terme, pour ajouter une touche féerique au récit. C'est un peu comme si son inachèvement qui répondait aux esquisses des grottes dans lesquelles le fils de cette femme cherchait à fuir le monde, allait à la fois délivrer Mariana de son passé, lui offrir une nouvelle généalogie et éclairer son avenir. Il en résultera une oeuvre d'art finale, compréhensible seulement par les initiés, la marque d'un fardeau abandonné, celle aussi d'une liberté et d'un amour retrouvés.

Dans la galerie des personnages, je n'aurai garde d'oublier l'auteur, qui lui aussi fait force digressions sur lui-même, sur l'art [« Tout art est régressif »],sur sa manière de voir les choses, commente parfois longuement les rebondissements et les atermoiements, se révèle même facétieux, sans doute pour emporter la conviction de son lecteur, mais surtout remplit les blancs de ce récit [dont il est aussi l'auteur] quand celui-ci lui en laisse le loisir, un peu comme si nous avions affaire à une création au second degré.[ « L'auteur a son interprétation, qui en profite évidemment pour combler les manques du récit , comme un restaurateur de fresque endommagée »]. Il fera même plus que cela et, par le miracle conjugué de l'imagination et de la création littéraire, donnera un petit coup de pouce au destin pour que cette rencontre se transforme en autre chose qu'une brève rencontre parce que le premier regard est déterminant «  C'est très mystérieux ce qui se joue au premier regard, cette apparition soudaine de l'autre qui n'existait pas quelques secondes avant, et qui s'impose aussitôt comme une évidence massive, comme s'il venait se nicher exactement dans les formes de l'attente » et qu'il ne convient pas que cette histoire se termine mal. C'est là le fait du hasard, la fantaisie de l'auteur, la vie intime et la liberté des personnages...? Allez savoir!

J'ajouterai que, dans la galerie de portraits qui caractérise les romans de Jean Rouaud, il y a toujours des personnages qui passeraient presque inaperçus mais que l'auteur s'ingénie à représenter avec force détails comme ces peintres qui, dans un coin de leur toile figurent des détails picturaux avec autant de soins que le thème principal et entendent qu'on y porte la même d'attention. C'est moins le cas des Moineau qui sont davantage le prétexte d'un retour dans le passé sur fond d'histoire, à partir d'anecdotes ou de coupures de presse, que le personnage du clochard ou de Jack Kérouac, ou de la grand-mère du portait inachevé, mais pourtant si précisément décrit.

Il y a certes l'amour prévisible entre Daniel et Mariana, mais ce que je retiens aussi ce sont les rapports entre elle et ce père qui a choisi de s'enterrer vivant pour étudier les fresques des grottes paléolithiques, comme s'il avait voulu effacer de sa mémoire la trace de son père à lui, collaborateur et profiteur, rompre avec l'opprobre de ses origines. Il y a entre eux plus qu'une complicité, une souffrance partagée que l'auteur, encore lui, choisit, à la fin, d'effacer.

Alors, réflexion à la fois mélancolique et ironique sur le poids de l'histoire sur chacune de nos vies autant que sur la création artistique[« Une oeuvre d'art c'est comme un lien informatique, cliquez et entrez dans une autre dimension qui est constitutive de la précédente »], survenue de l'amour dans une vie qui ne l'espérait même plus. Peut-être?


Hervé GAUTIER – Août 2009.http://hervegautier.e-monsite.com 
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Une étrange rencontre a lieu dans un commissariat normand entre une femme artiste dont le manoir familial vient d'être cambriolé et un homme en tenue de plongée dont on vient de voler la voiture ainsi que tous ses papiers et vêtements… Curieusement ces deux personnages, qui se trouvent à la croisée des chemins dans leur vie privée et professionnelle, vont se rapprocher très lentement et avec maintes hésitations, avec l'aide d'un vieux couple modeste qui a fait office, dans le passé, de parents adoptifs au « plongeur » orphelin, un physicien spécialiste des nuages…
L'action est lente et l'auteur, en virtuose de la narration, joue sur toutes les habiletés : changements de point de vue, de narrateurs, d'époque, échos et citations internes au roman… Mais son écriture reste belle et harmonieuse et nous comprenons au fil de la lecture que tous ces atermoiements partent d'une vraie souffrance, d'un poids de l'enfance à porter pour les deux protagonistes, qui souhaitaient parallèlement cesser une vie adulte factice, mais ne savaient pas comment retrouver leur vérité : ce n'est qu'en fin de roman que nous comprendrons qu'il s'agit de la vraie et grave histoire d'un amour pudique et profond. Agrémentée d'une note d'humour, la lecture est agréable, mais l'action très lente. Beau livre.
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Lorsque Jean Rouaud écrivait "Les Champs d" Honneur",il avait un sujet
sous la main:le grand drame de 14-18,vu à travers les épreuves subies
par ceux de sa tribu,et c'était pour le moins saisissant. Il a ensuite exploité la veine familiale,qui ne manquait pas de pittoresque.Mais il n'est si riche sujet qui ne finisse un jour par s'épuiser...Voilà donc l'ami Rouaud contraint d'inventer et,là,il peine un peu plus.Pour étoffer le roman,il recourt à d'étranges procédés:le narrateur se dédouble,l'auteur venant à son secours pour confronter l'histoire à sa propre expérience.On imagine ce que les personnages pourraient éventuellement faire -mais ils ne le feront pas- et sur ce qui les a déterminés,"nous n'en saurons pas plus".
C'est un peu frustrant ;les interventions de "l'auteur"ne simplifient pas
les choses et nuisent à l'unité du récit.On a le net sentiment parfois que
Rouaud est en train de "meubler",et de façon laborieuse...
Heureusement,cet auteur a gardé intactes sa sensibilité , sa tendresse
et sa pureté juvénile:quand il évoque le miracle de l'amour,il redevient
crédible et ses personnages sont attachants,sympathiques au plus
haut point.C'est alors le coeur qui parle,et ce langage est une douce
musique:notre breton reprend la mélodie qui avait fait son succès dans
les ouvrages précédents:celle d'une profonde humanité qui lui gagne
tous les suffrages.
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...vocabulaire riche, rien que pour ça cet ouvrage vaut...
Cependant 200 pages en trop sur les 415 que compte le livre..!! On se passerait largement des inventaires à la Prévert présents dans tous les chapitres, qui au motif de précision ajoutent (pour moi) de la lourdeur au récit...
La fin est longue, longue...comme si l'auteur cherchait lui-même une sortie..!
Il en résulte une sensation mitigée de roman banal, dans lequel on ne rentre pas vraiment, sur une histoire d'amour que ne suffit pas à élever un costume d'homme-grenouille..
Je retiens de cet opus la richesse de vocabulaire, bien qu'à formuler des phrases longues et ampoulées le lecteur puisse parfois se perdre, et devoir reprendre le passage depuis le début...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La charité ne serait pas de ce monde, ni la beauté ni la consolation, qui sont les autres visages de l’amour. Et bien sûr, jamais de paix pour nos esprits harassés, harcelés, bousculés. Au lieu qu’ici, cette sorte d’ivresse joyeuse. Car on ne m’ôtera pas de la tête que nous sommes devant l’expression de la joie la plus pure.
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la poésie est un mode de connaissance du monde, qu’il n’y a pas de monde sans poésie, que le monde s’est structuré autour de ces faits poétiques que sont, entre autres, le récit et le dessin, que le monde vient de là. Et donc que la poésie, c’est du sens. Mais elle reste un très gros mot dans les milieux scientifiques. Le rapprochement insolite de deux images n’a pas bonne presse chez nos intraitables raisonneurs. C’est André Breton qui disait pourtant que le mot le plus exaltant dont nous disposions est le mot comme.

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La mise à mort du chef d’une harde régnant sur son harem de femelles, mettant au pas les jeunes excités qui convoitent son pouvoir, est un bon moyen de détourner la fureur des prétendants, leur envie de meurtre sur le prince. La Fronde est encore dans tous les esprits. En clair la mort du cerf est un régicide symbolique et prémonitoire.
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Ça nous rassurerait de penser que le meilleur du monde serait une victoire permanente sur le mal, de voir le mal en éternel mauvais perdant, toujours terrassé comme un vulgaire dragon par le moindre geste d’amour, rageant de se faire avoir par une caresse légère du revers de la main, par une ligne pleine d’allant tracée du bout de l’index, par un petit pas sautillant sous une pluie rêveuse, par un regard qui se baisse devant la désirée, par une fleur offerte ou le sifflement impromptu repris d’un chant d’oiseau.
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On aurait beau fermer nos paupières, nous serions en permanence agressés par une danse des sabres, on aurait beau se pincer le nez, nous serions envahis par une odeur de putréfaction, on aurait beau se boucher les oreilles, nous serions assourdis par les cris de douleur. Ce qui signifie que la charité ne serait pas de ce monde, ni la beauté ni la consolation, qui sont les autres visages de l’amour. Et bien sûr, jamais de paix pour nos esprits harassés, harcelés, bousculés.
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Vidéo de Jean Rouaud
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Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
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