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Critique de Renatan


Gouverneurs de la rosée est le plus beau roman d'amour que j'ai lu… »

Dany Laferrière


Il y a des livres avec lesquels on tombe littéralement en amour dès les premières pages. Gouverneurs de la rosée est de ces romans que l'on oublie jamais…

« Toutes ces années passées, j'étais comme une souche arrachée, dans le courant de la grand'rivière ; j'ai dérivé dans les pays étrangers ; j'ai vu la misère face à face ; je me suis débattu avec l'existence jusqu'à retrouver le chemin de ma terre et c'est pour toujours. »

Après plusieurs années d'exil, Manuel est de retour vers l'Haïti de son enfance. Il revient des champs de canne à sucre de Cuba où il a trimé dur du matin au soir. Il pourrait lui prendre l'envie de pleurer tant le spectacle qui s'offre à ses yeux est désolant : Fonds-Rouge, sa terre natale, est en train de mourir. Calcinés sous la chaleur de la Savane, les arbres sont morts, morts de soif. le canal est à sec et tout dépérit, les bêtes comme les plantes. Il n'y a plus rien à se mettre sous la dent, ni de riz-soleil, ni de pois-congo, pas même une goutte d'eau. le grand mal s'est emparé du village et par-dessus tout, la main de l'homme a tout déboisé…

« Tu as beau prendre des chemins de traverse, faire un long détour, la vie c'est un retour continuel. »

Les habitants sont amers. le serait-on à moins? À bout de nerfs, les enfants pleurent et les mères ont peur – elles ont peur pour eux. Toute cette haine, ces bavardages, ces querelles et vengeances engendrés par la misère. Mais ils ont la foi, c'est ce qui les maintient en vie. Les hounsi s'adonnent des nuits entières à des prières et rites vaudous, sacrifiant une bête en dansant sous les étoiles. Quelques uns trouvent une consolation salvatrice, bien qu'éphémère, dans les bouteilles de clairin haïtien, une eau-de-vie à 60% d'alcool. de quoi noyer, pour au moins quelques heures, la peur du lendemain.

“Le malheur bouleverse comme la bile, ça remonte à la bouche et alors les paroles sont amères. »

Alors Manuel s'est mis à chercher l'eau. Au-delà du courage, il avait trouvé l'amour dans le regard complice d'Anaïse. Un amour infini, fait de confiance et de rêves communs. Celui qui vous mène à franchir n'importe quels obstacles et dont les pires sécheresses n'arriveront jamais à faire mourir la soif de vivre. C'est ainsi qu'un jour il aperçut les malangas. Puis l'eau s'était mise à monter. Menant Anaïse au secret de la source, il lui fit l'amour pour la première fois, « et la rumeur de l'eau était entrée en elle »…

« Elle ferma les yeux et il la renversa. Elle était étendue sur la terre et la rumeur profonde de l'eau charriait en elle une voix qui était le tumulte de son sang. Elle ne se défendit pas. Sa main si lourde lui arrachait une douceur intolérable, je vais mourir. Son corps nu brûlait. Il desserra ses genoux et elle s'ouvrit à lui. Il entra en elle, une présence déchirante, et elle eut un gémissement blessé, non, ne me laisse pas ou je meurs. Son corps allait à la rencontre du sien dans une vague fiévreuse ; une angoisse indicible naissait en elle, un délice terrible qui prenait le mouvement de sa chair ; une lamentation haletante monta à sa bouche, et elle se sentit fondre dans la délivrance de ce long sanglot qui la laissa anéantie dans l'étreinte de l'homme. »

Il n'y aura désormais qu'une seule façon de faire de la nature qu'elle soit gonflée de pluie. Ne jamais oublier que dans la misère et l'injustice, l'entraide et le pouvoir de la réconciliation triompheront de tout. Et l'amour surtout - avant tout - celui d'Anaïse...

Le chant du coumbite sera celui de l'eau, des plantes, de la terre, de l'amitié et du courage. Et la mort, « le recommencement de la vie. »

« Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, eh bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c'est une présence, dans le coeur, ineffaçable, comme une fille qu'on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence. »

C'est sans aucun doute l'un des plus beaux romans que j'ai eu l'occasion de lire…
Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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