Citerne du hibou
Nuit, citerne
où le hibou jette son cri
depuis mille ans
sans jamais en avoir d'écho.
La nuit creusait son infini
peuplé de pèlerins en marche.
Les pauvres feux au vent du monde
se pliaient et se déployaient
en un doux tremblement.
Et les yeux de l'enfant étaient les seuls
à s'enivrer de cet espace.
p.50
la guêpe
Elle lissait ses antennes
ses antennes faites d'or,
auprès de l'eau-miroir
sur le souple lit de l'herbe…
Dans un matin qui agitait
ombre et lumière, de son souffle.
C'était pause en son élan.
Un éclair pour voir sa vie
et savoir ce qu'est la joie.
Un éclair dans la passion
qui, sans cesse, la jetait,
pierre lancée à la clarté.
Elle était flèche dans l'air.
Aussi rapide que parole.
aussi rapide que sa vie.
Qu'elle vivait sans y songer.
Elle était vie. Elle était la vie.
Sans en chercher la raison.
Elle l'était. Et cela suffisait, dans la lumière.
Elle portait une vie obscure,
venue de loin. Et qui devait
se prolonger au long des siècles.
Sans fin. De fin, rien que pour elle.
Elle lissait ses antennes
ses antennes faites d'or,
auprès de l'eau-miroir
sur le souple lit de l'herbe.
p.28
La tique
Tique, tique, encore tique,
nous sommes parents, et cousins ;
si l'une goûte à bon sang,
elle informe ses voisins.
« Nous, de la race d'élite,
qui, cramponnés sur la patrie,
voyons passer les barbaries
avec les civilisations. »
p.34
Le grillon
Grillon perdu dans la méridienne,
grillon de la soirée de mai,
roi du royaume de la nuit,
roi de ma solitude et roi
de la solitude du monde,
ta chanson me rend la paix,
ta chanson qui meut les étoiles,
qui meut le monde avec le vent,
quand feu du ciel comme chandelle
vacille au gré de ton haleine.
Sage qui, selon les vieux sages,
prends tant de joie à ta chanson,
qu'en oubliant boire et manger,
délice, tu meurs en chantant.
p.54
Oiseaux
Oiseaux de l'été
qui volez vers l'eau,
la source tarie,
le vol éternel ;
traversant le ciel
oiseaux de novembre,
chemin de Saint-Jacques
au bleu du souvenir ;
oiseaux de bois noir
cercles de silence,
au ciel de mémoire
toujours revenez ;
et de rose marbre
ô mystique paon,
becquetant l'or du soir
aux raisins romans.
p.58
Extrait de "Médée" de Max Rouquette