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Rousseau voulait être aimé et il voulait mériter de l'être. Sa grande connaissance des auteurs antiques l'a ainsi tout naturellement entraîné à devenir une personnalité sublime, toujours prêt à défendre les idées les plus contraires à son siècle et aux puissants qui en modelaient les opinions politiques et philosophiques.
Il vivra ainsi de nombreuses déceptions en amitié et en amour, il devra varier dans ses appartenances religieuses extérieures, il vivra aussi l'exil et à la longue, à forces d'être constamment blessé, il deviendra un vieil homme de plus en plus méfiant des autres, un interprète de plus en plus attentif aux moindres signes qui pourraient indiquer de mauvaises intentions envers sa personne dans son entourage, son pauvre cerveau frôlera le délire paranoïaque, mais sans rien perdre de sa géniale beauté. C'est dans cet état de trouble qu'il accomplira l'étrange projet suivant : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateurs. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. » (t.1, 21)
Et il en raconte des choses sur sa personne. Il ne s'épargne rien. Il se montre sans pudeur dans toute sa fragilité et ses maladresses. Il fait de son auditoire une divinité analogue au Dieu chrétien, qui aurait besoin de se faire raconter ce qu'il savait déjà afin de lui accorder la reconnaissance de son bon coeur. Il est bien convaincu lui-même de son bon coeur : « Pour moi, je le déclare honnêtement et sans crainte : quiconque, même sans avoir lu mes écrits, examinera par ses propres yeux mon naturel, mon caractère, mes moeurs, mes penchants, mes plaisirs, mes habitudes, et pourra me croire malhonnête homme, est lui-même un homme à étouffer. »(t.2, 486) Mais il avait un cruel besoin d'être reconnu par un entourage qui le jugeait comme la règle juge toujours l'exception : comme une erreur, comme quelque chose de laid ou de mal.
Rousseau, on peut être en accord ou non avec ses idées, à mon avis, cela importe peu. Ce qu'il représente pour moi d'extraordinaire, c'est qu'il nous entraîne toujours à des considérations débordantes de bons sentiments, toujours belles et sincères et il me semble qu'on se doit de l'aimer. On le doit à ce que l'on a de meilleur en nous.
Avec moi, il gagne donc son pari haut la main. Je n'ai aucun doute qu'il ait été un honnête homme, c'est-à-dire une entité imparfaite, mais perfectible et remplie de la meilleure des volontés et des plus beaux sentiments.
Ceci dit, si je suis convaincu de cela, j'avoue que j'étais gagné d'avance par ses Discours, par son Émile, et surtout par son Héloïse!
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« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. »
Quand j'ai lu cette phrase pour la première fois, j'avais une petite vingtaine d'années et j'ai été immédiatement conquise. J'étais jeune alors, ma culture littéraire était on ne peut plus limitée. Ce n'est pas qu'elle soit considérable aujourd'hui, mais disons qu'elle s'est un peu élargie. Entretemps, j'ai lu Les mémoires du duc de Saint-Simon et Les Essais de Montaigne entre autres. Et même si je reste séduite par Les Confessions et par la personnalité de son auteur, je ne peux me départir d'un léger et persistant agacement. Visiblement, pour Rousseau, ses prédécesseurs comptent pour rien. S'il reconnaît du bout des lèvres que Montaigne, avant lui, a bien écrit quelque chose qui pourrait vaguement s'apparenter au projet qu'il forme aujourd'hui, c'est pour le railler aussitôt :
« J'avais toujours ri de la fausse naïveté de Montaigne, qui, faisant semblant d'avouer ses défauts, a grand soin de ne s'en donner que d'aimables ». On pourrais aisément lui retourner le compliment, mais convenons avec Rousseau qu'étant « le meilleur des hommes » il dut avoir toutes les peines du monde à dénicher en lui de vrais et vilains défauts.

J'en reviens à Montaigne. L'ambition affichée par l'auteur des Essais paraît bien modeste en comparaison. Pour Rousseau, il s'agit, prenant Dieu à témoin, de s'adresser à « l'innombrable foule de ses semblables », ceci afin de tenter de rétablir une image terriblement dégradée : « mais puisqu'enfin mon nom doit vivre, je dois tâcher de transmettre avec lui le souvenir de l'homme infortuné qui le porta, tel qu'il fut réellement, et non tel que d'injustes ennemis travaillent sans relâche à le peindre. » C'est à une véritable entreprise de réhabilitation qu'il s'attèle.
Rien de tel chez Montaigne qui, se gardant bien de mêler Dieu à ses petites affaires, se contente de s'adresser à ses parents et amis, « à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver certains traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu'ils ont eue de moi. »

Et pourtant, la démarche, dans les deux cas, est rigoureusement la même. Il semble bien que ce que Rousseau nous présente comme une « entreprise qui n'eut jamais d'exemple » ait été formée avant lui par Montaigne qui, dans son adresse au lecteur, prévient :
« Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c'est moi que je peins. (…) Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre. »

Il serait assez tentant, à ce stade de mon raisonnement, d'accuser Rousseau de mauvaise foi. Je m'en garderai bien. Il me semble autrement plus fécond d'explorer une autre hypothèse, celle de sa parfaite bonne foi. Rousseau en effet est intimement persuadé d'être radicalement différent des autres hommes. « Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. » S'il a cru rencontrer l'âme soeur quelquefois, en la personne de Madame de Warens ou de Diderot, cela s'est avéré à chaque fois être un mirage, et la déception, le chagrin qui s'ensuivirent vinrent conforter un peu plus sa conviction d'être « une espèce d'être à part ». Quoiqu'il en soit, que Rousseau ait réussi ou échoué dans son entreprise de dévoilement, le résultat n'en est pas moins passionnant, servi par une langue sans fioritures, sobre et directe, ironique et savoureuse, un morceau de choix pour collectionneur, un matériau incomparable dans lequel des générations de psys ont puisé avec allégresse.

L'un d'eux, Jean Starobinski, historien des idées et docteur en psychiatrie, lui a consacré une somme : « La transparence et l'obstacle. » Honnêtement, je n'ai pas lu tout le livre, mais je crois en avoir saisi l'idée : Rousseau désire ardemment « la transparence des coeurs », c'est-à-dire une communication directe et immédiate, une sorte de télépathie en somme (là, c'est moi qui parle, pas Starobinski), mais comme il « est frustré dans son attente » (et pour cause!), « il suscite l'obstacle », c'est-à-dire qu'il se renferme en lui-même tout entier drapé dans sa dignité de vierge outragée (c'est à nouveau moi qui parle). Donc, il fait tout l'inverse de ce à quoi il aspire, il se ferme comme une huître (quand il ne tient pas des propos carrément offensants), diminuant d'autant ses chances d'être compris, et, pire encore, s'aliénant pour toujours les personnes douées des meilleures intentions à son encontre. Car pour le coup, à force de se croire le seul de son espèce, il a blessé un nombre de gens proprement stupéfiant, s'en faisant des ennemis irréductibles. Durant ma re-lecture, alors que je prenais connaissance de l'invraisemblable litanie de complots réels ou imaginaires ourdis contre l'infortuné Jean-Jacques, j'ai souvent pensé à cette phrase de Desproges : « L'ennemi est bête. Il croit que c'est nous, l'ennemi. Alors que c'est lui. » On touche là un point crucial. Comment un homme, se voyant des ennemis de toutes parts, se croyant attaqué, blessé par ceux-là même qui l'ont aimé, ne voyant jamais qu'il ait pu lui-même blesser et offenser, peut-il prétendre se bien connaître? Sans compter qu'il existe un biais dès l'origine de son projet. Sa motivation première n'est pas de fournir à ses futurs lecteurs « une pièce de comparaison pour l'étude du coeur humain » comme il l'affirme, mais de répondre à ses détracteurs et de défendre son honneur. Comment dès lors, ne pas douter de l'absolue sincérité de sa démarche?

Bref, l'histoire de « Jean-Jacques l'incompris », pourrait bien être celle des « autres incompris de Jean-Jacques », et c'est une grande leçon pour nous tous. Car chacun d'entre nous est convaincu, à des degrés divers, d'être incompris. Et c'est largement vrai, bien sûr. Ce qui l'est moins, ce qui ne l'est pas du tout, c'est de croire être le seul dans ce cas.


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Ce que j'aime chez Rousseau, et c'est inexplicable, c'est sa magie des mots. Il est capable d'écrire un paragraphe entier avec une seule phrase, sans jamais lasser, sans que cela paraisse long. C'est un peu comme du Mozart.
Rousseau, je ne le lis pas, je ne cherche même pas à comprendre ce qu'il veut dire, non, je l'écoute, j'écoute sa musique des mots. C'est reposant comme le Concerto pour clarinette de l'illustre Mozart. Cela ne s'arrête jamais, cela monte , cela descend, des thèmes reviennent, et c'est sans importance, cela relaxe le cerveau.
Rousseau n'écrit pas, il compose. Il était copiste en musique, cela se sent à chaque phrase. Il cherche des équilibres, des harmonies. Ses confessions....qu'il se confesse donc, c'est sans importance. Nous sommes tous des pêcheurs et des fauteurs ici bas. Alors se confesser ou pas, peu importe. Je crois en cette parole des Évangiles: " pardonne moi Seigneur car j'ai beaucoup fauté". Et comme pour être pardonné soit même, il faut d'abord pardonner aux autres, hé bien je te pardonne tout, illustre Jean Jacques, je te pardonne d'autant plus volontiers que tes mots sont une si douce musique.
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Je vais être assez sévère avec toi, Jean-Jacques: j'ai moyennement aimé tes " confessions", au cours de cette relecture.C'était déjà le cas,étudiante.J'ai préféré " Les rêveries d'un promeneur solitaire".

La raison de mes réticences? Une , essentiellement.Lorsque tu écris en préambule: " Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur", je te trouve bien présomptueux.Et quand tu ajoutes: "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature", alors là, je pourrais te traiter de menteur ! Car, au regard de ce que tu racontes, on ne peut pas dire que tu sois de toute franchise, comme tu le prétends...

Souviens-toi, par exemple, de l'épisode du ruban volé.Certes, tu montres bien tes remords d'adulte mais en même temps, tu cherches à te dédouaner auprès du lecteur.Et dans tes souvenirs,combien de plaintes, d'apitoiement sur toi-même ! On a toujours l'impression que tu joues à la victime...

Cependant, je reconnais que ce projet est novateur pour l'époque.Il se détache nettement des Mémoires à caractère politique et historique.Il ouvre la voie à l'autobiographie, qui fleurira ensuite au 19ème siècle.Il place le Moi au centre du livre.

Taine le jugeait sèchement: " Préoccupé de soi jusqu'à la manie et ne voyant du monde que lui-même". Je serai plus indulgente. Et de plus, j'ai apprécié le style de cette autobiographie romancée, non dénuée d'ironie et d'auto-dérision.Mais jusqu'à un certain point car le côté larmoyant et les explications de mauvaise foi visant à se
justifier ternissent l'ensemble.Dommage, Jean-Jacques, et désolée, tu n'es pas, pour moi, unique...
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"Le moi est haïssable" disait Pascal.

Cela n'a semble-t-il pas empêché Jean Jacques de se lancer intrépidement dans la première autobiographie, digne de ce nom, autocentrée et intimiste, de notre littérature.

Elle en agace plus d'un par son exhibitionnisme-au propre et au figuré :JJ a en effet exhibé plus que sa souffrance de persécuté, et il s'en vante ingénument!

Car il y a autant d'ingénuité que de rouerie, autant de sincérité que de mensonge dans ces Confessions- et c'est ce qui rend ce livre passionnant, énervant, délicieux et insupportable à la fois!

Que ce soient les pages solaires et coquines des cerises, celles plus troubles mais bien croquignolettes de la fessée, les faux remords du ruban volé, les vrais silences des enfants mis à l'assistance publique, les amours aussi opportunistes que torrides avec "Maman", Mme de Warens, la protectrice -et-plus-si-affinités, la recherche éperdue d'un ami qui ne soit ni un sot, ni un envieux, ni un rival...et avec qui se brouiller est l'activité la plus répandue.- il y a tout et son contraire dans les Confessions.

Il faut ajouter que le fil du récit devient d'un tome à l'autre plus difficile à suivre: J.J. est réellement persécuté dans sa vie littéraire et civile, et le processus d'auto-justification dans lequel il s'est lancé avec ce livre, et qui se contaminera bientôt à tous les autres, le jette en pâture à la détestation..

Alors il devient de plus en plus parano...et on a du mal à suivre qui est encore son ami, qui ne l'est plus, qui le redevient (plus rare!) Après Voltaire, l'ennemi incarné, si mondain, si rapide, si cruel, il se brouille avec les Grimm, avec Diderot...il perd ses protecteurs, son gîte, son couvert...

Mais c'est qu'il aime vagabonder, aussi- voyager à la cloche de bois, comme un bohémien: c'est un fugueur depuis la petite enfance où il quitte Genève, son père et son frère...pour courir les routes et l'aventure.

Ce touche-à-tout de génie, ce grand autodidacte, -avec Diderot le premier "prolétaire" de notre littérature- est aussi un joyeux escroc: il faut relire les pages hilarantes de sa première tentative d' "opéra"- cacophonique et catastrophique! Lui-même en rit encore!

Un livre magnifique avec tous ses défauts- ou plutôt à cause d'eux!

S'il vous agace trop, faites un tour du côté de l'essai de Philippe Lejeune, le Pacte autobiographique, ou du côté de Starobinski, La transparence et l'obstacle: je suis sûre qu'ils vous rendront moins sévère, tout attendri et mieux disposé à sa découverte!

Sacré Jean-Jacques, humain, trop humain, et génial, si génial!
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Publié à titre posthume, en 1782 pour les livres I à VI et en 1789 pour les six dernières livres, le livre de Rousseau a connu néanmoins de son vivant quelques lectures, qui ont provoquées des vives réactions, au parfum de scandale. Dans ce livre présenté souvent comme une sorte de point de départ de récits autobiographiques au sens moderne du mot, Rousseau affirme vouloir se défendre, et exposer ce qu'il est, sans rien dissimuler, pour permettre au lecteur de le juger en pleine connaissance de cause, et il n'en doute pas, de l'absoudre, car il est « le meilleur des hommes ». Les Confessions suivent de près le cheminement chronologique de la vie de son auteur. Les livres I à VI sont consacrées à la période qui va jusqu'en 1740, au moment où l'auteur âgé de 28 ans arrive à Paris, c'est la période de jeunesse. Les livres VII à XII décrivent la période parisienne, et la fuite en Suisse, suite aux menaces d'emprisonnement provoquées par ses écrits, le récit s'arrête en 1765 dans un moment de grave crise.

C'est un livre très complexe, car Rousseau, au-delà du récit, volontairement scandaleux par son impudeur de son existence, y insère une partie de sa pensée philosophique, de sa vision du monde. Pas forcément d'une manière explicite, en partie en référence à d'autres textes. Loin de s'y montrer en pauvre être malheureux, l'auteur y fait preuve d'une capacité de persiflage très élaboré, pas plus bienveillant que la mordante ironie voltairienne, mais bien plus codé, réservé à ceux qui pourront le décrypter.

L'ironie et le persiflage débutent dès les premières lignes du texte, lignes devenues très célèbres :

« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. »

Or Rousseau sait parfaitement que tout lecteur de son oeuvre, connaît les Confessions de St Augustin (ce n'est plus forcément le cas maintenant, mais cela l'était au XVIIIe siècle) et fera immédiatement le rapprochement. C'est comme s'il déclarait nulle et non avenue la grande oeuvre de son illustre prédécesseur. Et de nombreux passages du livre de Rousseau peuvent paraître s'inspirer de l'évêque d'Hippone, voire d'en offrir des sortes de parodies. On peut citer le vol de pomme perpétré par Rousseau, en opposition au vol de poires de St Augustin. Mais Rousseau décrit l'épisode de manière très humoristique, dans une sorte de fausse innocence, sans aucun sentiment de culpabilité. Son seul problème, c'est le fait d'être découvert et puni.

Le fait majeur, celui qui change toute la vie de St Augustin, c'est sa conversion de coeur, qui a lieu dans un jardin à Milan. Rousseau semble s'y référer dans une scène importante de ses Confessions, celle d'une sorte d'illumination qu'il connaît sur la route de Vincennes (il y va pour rendre visite à Diderot emprisonné). Sous un arbre, il lit, non pas la Bible, mais le Mercure de France, qui annonce un concours (Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs ? ). St Augustin a reçu la grâce divine, le poussant à prêcher, à célébrer Dieu, et en essayant de convertir les hommes. Rousseau se sentira aussi la mission de répandre une bonne parole, mais une parole « laïque », une parole de raison, d'où Dieu est absent.

Il y a une opposition radicale dans la vision de l'humanité des deux hommes. St Augustin considère que l'homme est corrompu depuis le péché originel, et que seul la grâce de Dieu peut le sauver. Livré à ses seules forces, il est perdu, car le mal l'habite. Pour Rousseau, le mal vient de la société, de son organisation. L'homme est naturellement bon, c'est l'éducation et l'organisation de la société qui le corrompent. Les deux auteurs puisent dans leurs expériences respectives de quoi illustrer ces deux thèses opposés. Rousseau met en exergue son expérience lors de son apprentissage, chez un maître cruel, où il aurait appris à voler et à mentir, pour survivre plus que par plaisir.

Rousseau va bien sûr développer ses théories d'une manière plus approfondie et construite dans d'autres oeuvres, comme Emile, le contrat social, ou le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Les Confessions sont plutôt une approche intuitive, sensible, de ses idées, illustrées, par des épisodes de son existence. Même s'il prend un visible plaisir à étaler des détails très intimes et troubles, au risque, ou plutôt dans le but de déstabiliser, de mettre mal à l'aise son lecteur, avec lequel il semble prendre un malin plaisir à jouer parfois. Car là aussi, au contraire de St Augustin, Rousseau s'adresse en permanence au lecteur, semble s'engager dans un dialogue, dit vouloir convaincre. Même si ce lecteur a très vite l'impression d'être en face de quelqu'un qui ne s'écoute que lui-même, et au final ne paraît avoir grande considération pour qui que ce soit d'autre que sa personne.

Sans aucun doute une oeuvre très importante, que son écriture rend très accessible. Que l'on soit d'accord ou non avec les idées de Rousseau, que l'on apprécie ou pas le personnage, il est difficile d'en faire l'impasse, tant elle a eu des résonances et des influences jusqu'à nos jours.
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Que de souvenir avec l'Ami Rousseau! Encore que je n'aie guère fraternisé avec lui que par devoir, au sens propre du terme, puisqu'il était au programme du Bac français!
Qu'en dire?! L'écriture elle-même n'est pas désagréable, ce qui m'a déplu, c'est l'homme, en fait : je l'ai trouvé geignard, égocentrique, suffisant,... J'ai apprécié le penseur, l'écrivain, mais je n'ai pas du tout apprécié la personnalité de l'homme, ses jérémiades, sa conduite avec ses enfants, sa manière de mener ses amours.... mais c'est sans doute la femme, mère de famille, qui parle...
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Chef d'oeuvre littéraire, cette oeuvre fera encore couler beaucoup d 'encre tant la personnalité de son auteur porte à interrogation. Pour moi, l'intérêt majeur n'est pas là. Il est dans la démarche autobiographique. Il est dans le style et la langue d'un des plus beaux écrivains de langue française. Une merveille du patrimoine.
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J’avais lu, il y a fort longtemps, "Les Confessions" de Jean-Jacques Rousseau et j’en avais conservé un souvenir mitigé. C’est pourquoi j’ai désiré les relire maintenant, même si cela demande énormément de temps. Comme chacun sait, cet ouvrage constitue, dans la littérature française, la première autobiographie vraiment digne de ce nom. L’auteur insiste plusieurs fois sur sa volonté de tout révéler sur sa personne. Il écrit par exemple: « Dans l’entreprise que j’ai faite de me montrer tout entier au public, il faut que rien de moi ne lui reste obscur ou caché; il faut que je me tienne incessamment sous ses yeux, qu’il me suive dans tous les égarements de mon cœur, dans tous les recoins de ma vie ». Ce projet est justifié, semble-t-il, par son désir de vérité face à ses nombreux détracteurs, mais aussi par son narcissisme et peut-être par une sorte de masochisme un peu pervers.
Ce qui m’a surtout intéressé, ce sont les premiers livres qui retracent son enfance et ses années de formation. Avec beaucoup de candeur et un peu de rouerie, Rousseau livre au lecteur de nombreuses anecdotes caractéristiques de sa jeunesse, souvent peu glorieuses, très étonnantes sous la plume d’un auteur du XVIIIème siècle. Il n’hésite pas à détailler ses incohérences et ses petites vilénies. A peine a-t-il commencé la confession de ses erreurs d’enfance qu’il note: « J’ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions. Ce n’est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c’est ce qui est ridicule et honteux ». Parmi les nombreux passages étonnants ou scabreux de ces premiers livres, il y a par exemple le célèbre aveu au sujet du ruban volé. Mais je retiendrai surtout un épisode qui a lieu dans l’hospice où il est amené à abjurer son protestantisme: un des catéchumènes, homosexuel, le poursuit de ses assiduités alors qu’il est encore très jeune. Rousseau dit ou plutôt suggère tout, sans langue de bois mais dans des termes choisis. Il en est de même pour sa première relation sexuelle avec "Maman" (que le lecteur peut trouver choquante). Le commentaire de Rousseau sur son initiation est franc: « Je me vis pour la première fois dans les bras d’une femme, et d’une femme que j’adorais. Fus-je heureux ? Non, je goûtai mon plaisir. Je ne sais quelle invincible tristesse en empoisonnait le charme. J’étais comme si j’avais commis un inceste ». Un clair pressentiment du complexe d'Oedipe ?
"Les Confessions" marquent bien l’irruption du JE dans un récit qui se veut absolument authentique. Je trouve passionnant cet éclairage cru que le cher Jean-Jacques jette sur les faits intimes qui ont contribué à sa formation d’homme; il n’est pas exempt de complaisance, mais il me semble précieux. A mon avis, ces premiers livres - vraiment novateurs - pourraient se suffire à eux-mêmes. Rousseau a cru bon de poursuivre son récit bien au-delà de sa jeunesse. L’auteur n’a de cesse de rapporter toutes les intrigues et cabales qui ont rendu si difficile sa vie d’adulte à Paris. J’ai trouvé ces derniers livres moins intéressants, même s’ils renferment d’importantes informations concernant l’histoire intellectuelle et littéraire du XVIIIème siècle. J'ajoute que, vers la fin de ma lecture, je me suis senti las. Cette œuvre est un monument (trop grand ?) que Rousseau a érigé uniquement pour la postérité de sa personne.
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Les confessions deJ.J. Rousseau est un livre qui se laisse lire facilement .Dans ce livre( 2 tomes) le philosophe se decrit et se laisse voir tel qu il est .On le sent amer , blase et comme s ' il en veut aux autres philosophes tels Voltaire ,Diderot et d autres de conspirer contre lui et il les considere comme ses persecuteurs alors il s epanche dans ces confessions .On dirait un ecorche vif . Heureusement sa bienfaitrice Mme de Varens etait a ses cotes . On le sent triste et malheureux .Bref ceci dit ROUSSEAU reste un grand PHILOSOPHE qui avec ses ecrits et ses idees a ete l un des precurseurs DE LA REVOLUTION de 1789 et on salue ses ecrits sur l EDUCATION ( L' Emile ) ,le Contrat Social....ROUSSEAU un tres grand philosophe qui merite sa place au PANTHEON !

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