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Critique de frandj


J’avais lu, il y a fort longtemps, "Les Confessions" de Jean-Jacques Rousseau et j’en avais conservé un souvenir mitigé. C’est pourquoi j’ai désiré les relire maintenant, même si cela demande énormément de temps. Comme chacun sait, cet ouvrage constitue, dans la littérature française, la première autobiographie vraiment digne de ce nom. L’auteur insiste plusieurs fois sur sa volonté de tout révéler sur sa personne. Il écrit par exemple: « Dans l’entreprise que j’ai faite de me montrer tout entier au public, il faut que rien de moi ne lui reste obscur ou caché; il faut que je me tienne incessamment sous ses yeux, qu’il me suive dans tous les égarements de mon cœur, dans tous les recoins de ma vie ». Ce projet est justifié, semble-t-il, par son désir de vérité face à ses nombreux détracteurs, mais aussi par son narcissisme et peut-être par une sorte de masochisme un peu pervers.
Ce qui m’a surtout intéressé, ce sont les premiers livres qui retracent son enfance et ses années de formation. Avec beaucoup de candeur et un peu de rouerie, Rousseau livre au lecteur de nombreuses anecdotes caractéristiques de sa jeunesse, souvent peu glorieuses, très étonnantes sous la plume d’un auteur du XVIIIème siècle. Il n’hésite pas à détailler ses incohérences et ses petites vilénies. A peine a-t-il commencé la confession de ses erreurs d’enfance qu’il note: « J’ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions. Ce n’est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c’est ce qui est ridicule et honteux ». Parmi les nombreux passages étonnants ou scabreux de ces premiers livres, il y a par exemple le célèbre aveu au sujet du ruban volé. Mais je retiendrai surtout un épisode qui a lieu dans l’hospice où il est amené à abjurer son protestantisme: un des catéchumènes, homosexuel, le poursuit de ses assiduités alors qu’il est encore très jeune. Rousseau dit ou plutôt suggère tout, sans langue de bois mais dans des termes choisis. Il en est de même pour sa première relation sexuelle avec "Maman" (que le lecteur peut trouver choquante). Le commentaire de Rousseau sur son initiation est franc: « Je me vis pour la première fois dans les bras d’une femme, et d’une femme que j’adorais. Fus-je heureux ? Non, je goûtai mon plaisir. Je ne sais quelle invincible tristesse en empoisonnait le charme. J’étais comme si j’avais commis un inceste ». Un clair pressentiment du complexe d'Oedipe ?
"Les Confessions" marquent bien l’irruption du JE dans un récit qui se veut absolument authentique. Je trouve passionnant cet éclairage cru que le cher Jean-Jacques jette sur les faits intimes qui ont contribué à sa formation d’homme; il n’est pas exempt de complaisance, mais il me semble précieux. A mon avis, ces premiers livres - vraiment novateurs - pourraient se suffire à eux-mêmes. Rousseau a cru bon de poursuivre son récit bien au-delà de sa jeunesse. L’auteur n’a de cesse de rapporter toutes les intrigues et cabales qui ont rendu si difficile sa vie d’adulte à Paris. J’ai trouvé ces derniers livres moins intéressants, même s’ils renferment d’importantes informations concernant l’histoire intellectuelle et littéraire du XVIIIème siècle. J'ajoute que, vers la fin de ma lecture, je me suis senti las. Cette œuvre est un monument (trop grand ?) que Rousseau a érigé uniquement pour la postérité de sa personne.
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