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EAN : 9781173070878
388 pages
Nabu Press (30/11/-1)
3.8/5   5 notes
Résumé :
Ce livre est une oeuvre du domaine public éditée au format numérique par Norph-Nop. L?achat de l?édition Kindle inclut le téléchargement via un réseau sans fil sur votre liseuse et vos applications de lecture Kindle
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s'excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu'il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d'autres, et cela ne s'appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celle d'autrui, elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d'autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c'est obéir.
[…]

Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n'a droit d'opposer de la résistance ; dans la liberté commune nul n'a droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructive d'elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s'y prenne tout gêne dans l'exécution d'une volonté désordonnée.
[…]
Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois : dans l'état même de nature l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes.
[…]
En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
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PREMIÈRE LETTRE
Non, Monsieur, je ne vous blâme point de ne vous être pas joint aux
représentants pour soutenir ma cause. Loin d'avoir approuvé moi-même cette
démarche, je m'y suis opposé de tout mon pouvoir, et mes parents s'en sont
retirés à ma sollicitation. L'on s'est tu quand il fallait parler ; on a parlé
quand il ne restait qu'à se taire. Je prévis 1'inutilité des représentations,
j'en pressentis les conséquences : je jugeai que leurs suites inévitables
troubleraient le repos public, ou changeraient la constitution de l'État.
L'événement a trop justifié mes craintes. Vous voilà réduits à l'alternative qui
m'effrayait. La crise où vous êtes exige une autre délibération dont je ne suis
plus l'objet. Sur ce qui a été fait vous demandez ce que vous devez faire . vous
considérez que l'effet de ces démarches, étant relatif au corps de la
bourgeoisie, ne retombera pas moins sur ceux qui s'en sont abstenus que sur ceux
qui les ont faites. Ainsi, quels qu'aient été d'abord les divers avis, l'intérêt
commun doit ici tout réunir. Vos droits et attaqués ne peuvent plus demeurer en
doute ; il faut qu'ils soient reconnus ou anéantis, et c'est leur évidence qui
les met en ou péril. Il ne fallait pas approcher le flambeau durant l'orage ;
mais aujourd'hui le feu est à la maison.
Quoiqu'il ne s'agisse plus de mes intérêts, mon honneur me rend toujours partie
dans cette affaire ; vous le savez, et vous me consultez toutefois comme un
homme neutre ; vous supposez que le préjugé ne m'aveuglera point et que la
passion ne me rendra point injuste : je l'espère aussi ; mais dans des
circonstances si délicates, qui peut répondre de soi ? Je sens qu'il m'est
impossible de m'oublier dans une querelle dont je suis le sujet, et qui a mes
malheurs pour première cause. Que ferai-je donc, Monsieur, pour répondre à votre
confiance et justifier votre estime autant qu'il est en moi ? Le voici. Dans la
juste défiance de moi-même, je vous dirai moins mon avis que mes raisons : vous
les pèserez, vous comparerez, et vous choisirez. Faites plus ; défiez-vous
toujours, non de mes intentions ; Dieu le sait, elles sont pures ; mais de mon
jugement. L'homme le plus juste, quand il est ulcéré voit rarement les choses
comme elles sont. Je ne veux sûrement pas vous tromper, mais je puis me tromper
; je le pourrais en toute autre chose, et cela doit arriver ici plus
probablement. Tenez-vous donc sur vos gardes, et quand je n'aurais pas dix fois
raison, ne me l'accordez pas une.
Voilà, Monsieur, la précaution que vous devez prendre, et voici celle que je
veux prendre à mon tour. Je commencerai par vous parler de moi, de mes griefs,
des durs procédés de vos magistrats ; quand cela sera fait et que j'aurai bien
soulagé mon coeur, je m'oublierai moi-même, je vous parlerai de vous, de votre
situation, c'est-à-dire, de la République ; et je ne crois pas trop présumer de
moi, si j'espère, au moyen de cet arrangement, traiter avec équité la question
que vous me faites.
J'ai été outragé d'une manière d'autant plus cruelle que je me flattais d'avoir
bien mérité de la patrie. Si ma conduite eût eu besoin de grâce, je pouvais
raisonnablement espérer de l'obtenir. Cependant, avec un empressement sans
exemple, sans avertissement, sans citation, sans examen, on s'est hâté de
flétrir mes livres ; on a fait plus ; sans égard pour mes malheurs, pour mes
maux, pour mon état, on a décrété ma personne avec la même précipitation, l'on
ne m'a pas même épargné les termes qu'on emploie pour les malfaiteurs. Ces
messieurs n'ont pas été indulgents, ont-ils du moins été justes ? c'est ce que
je veux rechercher avec vous. Ne vous effrayez pas, je vous prie, de l'étendue
que je suis forcé de donner à ces lettres. Dans la multitude de questions qui se
présentent, je voudrais être sobre en paroles : mais, Monsieur, quoi qu'on
puisse faire, il en faut pour raisonner.
Rassemblons d'abord les motifs qu'ils ont donnés de cette procédure, non dans le
réquisitoire, non dans l'arrêt, porté dans le secret, et resté dans les
ténèbres[Ma famille demanda par requête communication de cet arrêt. Voici la
réponse. Du 25 juin 1762. En conseil ordinaire, vu la présente requête, arrête
qu'il n'y a lieu d'accorder aux suppliants les fins d'icelle. LULLIN.
L'arrêt du parlement de Paris fut imprimé aussitôt que rendu. Imaginez ce que
c'est qu'un État libre où l'on tient cachés de pareils décrets contre l'honneur
et la liberté des citoyens !] ; mais dans les réponses du Conseil aux
représentations des citoyens et bourgeois, ou plutôt dans les Lettres écrites de
la campagne : ouvrage qui leur sert de manifeste, et dans lequel seul ils
daignent raisonner avec vous. « Mes livres sont, disent-ils, impies, scandaleux,
téméraires, pleins de blasphèmes et de calomnies contre la religion. Sous
l'apparence des doutes l'auteur y a rassemblé tout ce qui peut tendre à saper,
ébranler et détruire les principaux fondements de la religion chrétienne
révélée.

Ils attaquent tous les gouvernements.
Ces livres sont d'autant plus dangereux et répréhensibles, qu'ils sont écrits en
français, du style le plus séducteur, qu'ils paraissent sous le nom et la
qualification d'un citoyen de Genève, et que, selon l'intention de l'auteur,
l'Émile doit servir de guide aux pères, aux mères, aux précepteurs.
En jugeant ces livres, il n'a pas été possible au Conseil de ne jeter aucun
regard sur celui qui en était présumé l'auteur. »
Au reste, le décret porté contre moi, « n'est, continuent-ils, ni un jugement,
ni une sentence, mais un simple appointement provisoire qui laissait dans leur
entier mes exceptions et défenses, et qui dans le cas prévu servait de
préparatoire à la procédure prescrite par les édits et par l'ordonnance
ecclésiastique. »

À cela les Représentants, sans entrer dans l'examen de la doctrine, objectèrent
: « que le Conseil avait jugé sans formalités préliminaires : que l'article 88
de l'ordonnance ecclésiastique avait été violé dans ce jugement : que la
procédure faite en 1562 contre Jean Morelli à forme de cet article en montrait
clairement l'usage, et donnait par cet exemple une jurisprudence qu'on n'aurait
pas dû mépriser que cette nouvelle manière de procéder était même contraire à la
règle du droit naturel admise chez tous les peuples, laquelle exige que nul ne
soit condamné sans avoir été entendu dans ses défenses ; qu'on ne peut flétrir
un ouvrage sans flétrir en même temps l'auteur dont il porte le nom ; qu'on ne
voit pas quelles exceptions et défenses il reste à un homme déclaré impie,
téméraire, scandaleux dans ses écrits, et après la sentence rendue et exécutée
contre ces mêmes écrits, puisque les choses n'étant point susceptibles
d'infamie, celle qui résulte de la combustion d'un livre par la main du bourreau
rejaillit nécessairement sur l'auteur : d'où il suit qu'on n'a pu enlever à un
citoyen le bien le plus précieux, l'honneur ; qu'on ne pouvait détruire sa
réputation, son état, sans commencer par l'entendre ; que les ouvrages condamnés
et flétris méritaient du moins autant de support et de tolérance que divers
autres écrits où l'on fait de cruelles satires sur la religion, et qui ont été
répandus et même imprimés dans la ville : qu'enfin par rapport aux
gouvernements, il a toujours été permis dans Genève de raisonner librement sur
cette matière générale, qu'on n'y défend aucun livre qui en traite, qu'on n'y
flétrit aucun auteur pour en avoir traité, quel que soit son sentiment ; et que,
loin d'attaquer le gouvernement de la République en particulier, je ne laisse
échapper aucune occasion d'en faire l'éloge. »

À ces objections il fut répliqué de la part du Conseil : « que ce n'est point
manquer à la règle qui veut que nul ne soit condamné sans l'entendre, que de
condamner un livre après en avoir pris lecture et l'avoir examiné suffisamment :
que l'article 88 des ordonnances n'est applicable qu'à un homme qui dogmatise et
non à un livre destructif de la religion chrétienne : qu'il n'est pas vrai que
la flétrissure d'un ouvrage se communique à l'auteur, lequel peut n'avoir été
qu'imprudent ou maladroit : qu'à l'égard des ouvrages scandaleux tolérés ou même
imprimés dans Genève, il n'est pas raisonnable de prétendre que pour avoir
dissimulé quelquefois, un gouvernement soit obligé de dissimuler toujours ; que
d'ailleurs les livres où l'on ne fait que tourner en ridicule la religion ne
sont pas à beaucoup près aussi punissables que ceux où sans détour on l'attaque
par le raisonnement. Qu'enfin ce que le Conseil doit au maintien de la religion
chrétienne dans sa pureté, au bien public, aux lois, et à l'honneur du
gouvernement lui ayant fait porter cette sentence, ne lui permet ni de la
changer ni de l'affaiblir. »

Ce ne sont pas là toutes les raisons, objections et réponses qui ont été
alléguées de part et d'autre, mais ce sont les principales, et elles suffisent
pour établir par rapport à moi la question de fait et de droit.
Cependant comme l'objet, ainsi présenté, demeure encore un peu vague, je vais
tâcher de le fixer avec plus de précision, de peur que vous n'étendiez ma
défense à la partie de cet objet que je n'y veux pas embrasser.
Je suis homme et j'ai fait des livres ; j'ai donc fait aussi des erreurs
[Exceptions, si l'on veut, les livres de géométrie et leurs auteurs. Encore s'il
n'y a point d'erreurs dans les propositions mêmes, qui nous assurera qu'il n'y
en ait point dans l'ordre de déduction, dans le choix, dans la méthode ? Euclide
démontre, et parvient à son but mais quel chemin prend-il ? Combien n'erre-t-il
pas dans sa route ? La science a beau être infaillible ; l'homme qui la cultive
se trompe souvent.].
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Que pensiez-vous, Monsieur, en lisant cette analyse courte et fidèle de mon livre ? Je le devine. Vous disiez en vous-même ; voilà l'histoire du gouvernement de Genève. C'est ce qu'on dit à la lecture du même ouvrage tous ceux qui connaissent votre constitution.
Et en effet, ce contrat primitif, cette essence de la souveraineté cet empire des lois, cette institution du gouvernement, cette manière de le resserrer à divers degrés pour compenser l'autorité par la force, cette tendance à l'usurpation, ces assemblées périodiques, cette adresse à les ôter, cette destruction prochaine, enfin, qui vous menace et que je voulais prévenir ; n'est-ce pas trait pour trait l'image de votre République, depuis sa naissance jusqu'à ce jour ?
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Si l'on brûlait tous les livres ennuyeux, que deviendraient les bibliothèques ? et si l'on brûlait tous les gens ennuyeux, il faudrait faire un bûcher du pays.
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*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « Neuvième promenade », _in Les confessions de J.-J. Rousseau,_ suivies des _Rêveries du promeneur solitaire,_ tome second, Genève, s. é., 1783, pp. 373-374.
#JeanJacquesRousseau #RêveriesDuPromeneurSolitaire #Pensée
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