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EAN : 9782916136639
128 pages
Les éditions du Sonneur (22/05/2013)
4.36/5   11 notes
Résumé :
Deux hommes, une nuit de l’été 1957, en pleine guerre d’Algérie. Ils ont le même âge, sont nés dans la même région. Le premier, orphelin de père, vit loin de la géhenne coloniale. Il sait manier les mots : ses phrases sont comme des coups de poing. Le second, ancien matelot, est un homme plongé dans la misère et la violence du temps. Le premier s’appelle Albert Camus. Le second est le grand-père du narrateur. Ils sont « frères de bled et de tourment ».
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Emmanuel Ruben part avec sa seule plume à la recherche de son grand-père, juif pied-noir, matelot inconnu, homme parti trop tôt d'un seul coup de feu – PAN, à bout portant – et qui fit de lui un étranger à jamais.

Malgré l'absence de traces de la vie de cet homme, Emmanuel Ruben refuse la fiction ; il ne veut pas inventer la vie de son grand-père, mais le faire sortir de la nuit et du songe.
« Tu ne seras pas non plus l'alibi d'un roman. Tu n'as pas laissé suffisamment d'indices derrière toi pour que puisse s'élever à la place d'une tombe introuvable ce genre d'échafaudage amidonné. »

Alors il puise dans une mémoire noire, et dans le parcours et les mots de son contemporain Albert Camus, pour tracer son ombre sur le papier. Sur les lambeaux de cette vie inachevée, avec en filigrane les livres de Camus, il évoque la vie et l'Algérie de légende du grand-père, marquée par l'intime – la disparition de sa mère – et par la grande histoire, elle aussi si souvent oubliée : la misère du peuple algérien en 1945, les massacres de Sétif et de Guelma, ville natale de son aïeul, et les tourments de la guerre d'Algérie, superbement évoqués par un homme qui n'a pourtant jamais vu Alger.

Ce texte extraordinaire est un envol dès les premières phrases, ce que peut la littérature quand, sur le terreau d'un grand classicisme, elle emmène le lecteur en territoire inconnu. Ainsi, Emmanuel Ruben éclaire les bordures du noir, et nous livre un texte magnifique, né de cette souffrance et de cette histoire qui ne pouvaient pas être dites mais simplement écrites.
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Réinventer une Algérie et un monde entier dans l'image froissée d'un grand-père suicidé.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/10/04/note-de-lecture-kaddish-pour-un-orphelin-celebre-et-un-matelot-inconnu-emmanuel-ruben/
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Ce livre est un hommage, un magnifique hommage à l'homme qui fut son grand-père, mort pendant la guerre d'Algérie. Ce récit se refuse de devenir un roman, l'auteur recherchant l'authenticité. Il parle de cet homme qu'il n'a pas connu, dont sa mère n'a plus de souvenir. Ce kaddish est un retour aux sources, en Algérie, l'Algérie, colonie française, qui cherche à s'émanciper d'un état qui la fait ployer, qui l'humilie, qui ne la respecte pas. Ce kaddish est pour l'auteur une manière de remercier cet inconnu qu'est son grand-père. Ils ont le même sang, peut-être même se ressemblent-ils, et des questions qui le taraudent, il cherche une réponse, une explication.

Ce kaddish est écrit avec finesse, l'auteur manie les mots avec justesse, la lecture en devient délicieuse. Il en ressort un amour puissant, profond, hérité. Un amour pour ce pays d'Afrique, de l'autre côté de la Mediterranée, l'Algérie. Un amour pour la famille, le grand-père mort il y a très longtemps maintenant, la grand-mère qui vécut dans le deuil, et surtout pour sa propre mère, un hommage pour l'homme qu'elle n'a pas connu, tant adoré, mais qui ne revint jamais de cette guerre.

Emmanuel Ruben écrit tel un Tahar Ben Jelloun.
Lien : http://skritt.over-blog.fr/a..
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Un homme cherche à comprendre dans quelles circonstances est mort son grand-père. Cet événement survenu pendant la guerre d'Algérie est passé sous silence par sa veuve et ses enfants. A-t-il été tué en raison de ses activités ou de ses idées ? L'auteur qui pourtant se refuse à écrire un roman, finit par reconnaître, à la fin du livre, qu'il a échoué et qu'il a fait de l'histoire familiale un roman dans lequel il intègre Albert Camus pour répondre à ses questions. Un roman qui ne m'a pas apporté grand chose.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C’est ce soir- là, lisant la correspondance de Camus, que je réfléchis la première fois à la question des origines. Et je me dis que Camus, dans son exil parisien, s’il avait moins couru les jupons, s’il s’était promené davantage dans ces quartiers perdus, l’Algérie lui aurait sans doute un peu moins manqué. Au détour de l’exil, le royaume, qui sait, lui serait apparu.
Je n’ai d’Algérie que Ménilmontant, Belleville, la Goutte-d’Or, Clignancourt, Aubervilliers, Saint-Ouen, Saint-Denis, et ces Algérie-là me suffisent. Je m’y sens délivré de Saint-Germain, délivré du Quartier latin, délivré de la rue de la Paix, délivré de la rue Tronchet, délivré de tout ce qu’il y a encore d’haussmannien dans Paris, et qui m’interdit Paris, me l’arrache, à coup de fausses blondeurs trépidantes, de clic-clac maniaques, de scooters pétaradants, de limousines sur les grands boulevards, de m’as-tu-vu goguenards, au point que m’aventurer à l’ouest de la rue de Rome, cette entaille, ne se fait jamais sans qu’une irrépressible envie de vomir ne grimpe du pavé luisant – foutre le camp, je n’ai plus que cette idée en tête sous les façades de pierre de taille, les balcons de fer forgé, les frontons sculptés, l’ardoise et le zinc trop gris des mansardes, oui, mettre les voiles, quitter cette ville toute hérissée de murs invisibles… (…)
Ce n’est pas la France qui a perdu l’Algérie, ni l’Algérie qui a perdu la France. La France a gagné l’Etoile d’Alger, la pâtisserie Nour, la boucherie Ibrahim, le restaurant le Djoua, les cigares au miel, les kesra, les makroud, les bradj ; la France a gagné les cafés kabyles du passage du Roi-d’Alger ; la France a gagné le sourire du marchand d’épices, boulevard d’Ornano, qui vous pèse et vous sert, derrière son étal d’abondance, des olives, du halva, des dattes nouvellement arrivées. Oui parfaitement mon frère, la dernière récolte mon frère, avec un sourire immense sur ce français jovial, affectueux. L’Algérie a gagné la guerre, certes ; qu’a-t-elle perdu en échange ? Nos rictus de préfets ? Notre morgue ? Le droit de porter le guennour et le burnous des spahis et celui de se faire trucider dans nos tranchées ?
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Comment ? C’est ainsi que tu es trop tôt parti ! PAN, à bout portant. D’un seul coup de feu. Qui ne m’aura pas laissé le temps de te connaître. Mais qui résonne encore – PAN, à bout portant – dans la nuit. J’ignore s’il m’est permis de te tutoyer ; je pourrais ne pas m’adresser directement à toi, ne dire ni tu ni vous, les laisser parler, eux, les aînés, ceux et celles qui t’ont vue de leurs yeux vu. Seulement, eux se taisent, elles se taisent, et c’est ce silence, cette chape de plomb que je veux entailler. Je sais que mieux vaudrait me taire à mon tour, respecter des morts au moins le silence, la boucler pour de bon, te rejoindre en tes ténèbres. Comme chacun de nous je présume, j’en ai l’ivresse les nuits d’insomnie, les nuits sans oubli, les nuits où l’on voudrait que le monde s’arrête, qu’un séisme ouvre la terre, que les murs tuent. Seulement, tu m’as visité en songe trop souvent ces nuits-là, nous avons guetté trop d’aubes côte à côte, je me suis senti trop de fois envahi par ton regard noir, vieillissant sous tes rides, pour qu’il me soit permis de continuer à t’ignorer ainsi, l’air idiot, sans souffler mot. Tu serais bien étonné de l’apprendre : tu te dis peut-être, depuis ta terre à toi, que tu n’es rien pour moi, rien pour ceux de notre temps. Mais sois rassuré. Tu ne seras pas un personnage. D’où ce tu que je veux te donner, d’où ce monologue que sur du papier je veux t’adresser.
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Tu ne seras pas non plus l’alibi d’un roman. Tu n’as pas laissé suffisamment d’indices derrière toi pour que puisse s’élever à la place d’une tombe introuvable ce genre d’échafaudage amidonné. Et, si j’ai la force d’aller jusqu’au bout, ce récit sera la confession de ma petite ignorance, la confession de celui que tu n’auras jamais connu, qui ne sait que ton nom, ton prénom, ton visage héliogravé, ton écriture tortueuse, la date de ta mort, puisque le vrai motif en demeure incertain. Je ne réécrirai pas ta vie ; je ne t’inventerai pas la vie qu’à moins de cinquante ans ce grand PAN à bout portant t’a arrachée. J’ai quitté les bancs de l’école, j’en ai fini avec les injonctions du genre rédigez la suite ou le début de l’histoire ; je n’aurai pas pour but de poursuivre une vie inachevée ni de ressusciter un personnage dans sa chair et sa durée.
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J'imagine, oui, si tu étais communiste ou compagnon de route, que tu devais en avoir assez de cette Troisième République qui n'était pas celle de tes ancêtres berbères ou livournais. Et j'imagine que tu ne regrettas guère la disparition de cette Troisième République revancharde et barbichue, née sur un massacre, bâtie sur le dos des coolies, défendue sur toutes les mers, cannoneuse de l'Amman et du Tonkin, maniant le sabre et le goupillon, mais qui se saignerait bientôt devant Verdun et finirait par se suicider à 569 voix contre 80 devant Pétain. Non, je m’égare. Mettons que tu versais des larmes sur le sort de cette Troisième République, lorsque te parvenaient via les ondes courtes des nouvelles de la Quatrième, qui était revancharde elle aussi, et versatile, et va-t-en-guerre. Seulement tu n’as pas eu le temps d’assister au suicide prématuré de celle-ci, et j’imagine que la Cinquième, que tu n’as pas vu naître, et qui ne veut pas mourir, et qui guerroie encore, tu la maudirais tout autant, si tu savais comme elle peine à reconnaitre les crimes des précédentes.
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Ce n'est pas la France qui a perdu l'Algérie, ni l'Algérie qui a perdu la France. [...]. L'Algérie a gagné la guerre, certes ; qu'a-t-elle perdu en échange ? Nos rictus de préfets ? Notre morgue ? Le droit de porter le guennour et le burnous des spahis et celui de se faire trucider dans nos tranchées ?
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Videos de Emmanuel Ruben (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmanuel Ruben
Quand les livres nous parlent de la Russie et de l'Ukraine, entre guerre et paix : Giuliano da Empoli, qui publie "Le Mage du Kremlin", et Emmanuel Ruben, qui co-dirige le livre collectif "Hommage à l'Ukraine", sont les invités d'Olivia Gesbert.
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