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sur 117 notes
Assez tôt dans sa vie, le jeune Salman aux deux cultures indienne et britannique sait qu'il veut devenir écrivain. Si les débuts sont difficiles, ponctués de boulots inintéressants mais alimentaires voire rémunérateurs et de productions décevantes rejetées par le milieu littéraire, Salman finit par trouver l'inspiration et met plusieurs années à écrire ce qui va constituer son premier succès : Les Enfants de minuit, en outre récompensé par l'un des prix internationaux les plus convoités et prestigieux du monde littéraire anglophone. Salman vit un rêve, est enfin reconnu par ses pairs et la communauté. Nombreux sont ceux qui font l'éloge de sa prose et surtout du sujet abordé dans le roman. Après deux autres publications, Rushdie s'attèle à l'écriture d'un quatrième roman intitulé Les Versets sataniques, dont la publication en 1989 changera à jamais le cours de son existence...

Par où donc commencer ? Cette autobiographie massive à la troisième personne (avec plus de 900 pages au compteur en version poche) est littéralement passionnante. Certes, elle gagnerait à avoir quelques pages de moins - l'auteur dévoilant vraiment TOUT de sa vie et ne cachant aucune erreur, honte ou sentiment, mais également parlant beaucoup de ses amis dont on se fiche parfois un peu mais sans toutefois lesquels, on le sait, il n'aurait pu supporter la situation - mais la lecture de ce pavé reste indispensable pour comprendre l'homme, son parcours, ses ambitions et ses échecs, mais surtout un pan absolument non négligeable de l'histoire, qu'elle soit littéraire ou politique. Cette biographie est une fenêtre malheureusement ouverte sur la multitude d'évènements plus récents qui ont conduit le terrorisme islamique à une quasi habitude face à la liberté d'être et d'expression, et surtout à un quotidien marqué par ce type d'attaque contre autrui.
Ainsi Salman Rushdie revient sur ce qu'a été sa vie enfant et adolescent, puis de 1989 à 2002 (quel dommage qu'il s'arrête à 10 ans avant la publication de son histoire !! Mais je me plains finalement que ce soit trop court alors que juste avant je me plaignais que ce soit un peu trop long, quelle contradiction !!), sur les menaces constantes qui pesaient sur elle et sur son combat pour la liberté d'expression, la liberté tout court, mais également la reconnaissance de son travail littéraire au lieu de l'attention complètement bloquée sur son soi-disant blasphème.
Comme son père, l'homme est farouchement athée mais irrémédiablement intéressé par la religion, et son propos sur l'Islam d'aujourd'hui et de nombreux hommes au pouvoir en Orient et Occident est extrêmement lucide, clairvoyant et intelligent. Si j'avais vraiment pris le temps, j'aurais noté sur un cahier quantité de citations. Il fait une analyse tellement juste de la situation, toujours valable aujourd'hui car nous avons vu que nous ne pouvons TOUJOURS PAS tout dire (voire que la liberté d'expression a carrément régressé et qu'aujourd'hui on ne peut du coup PLUS tout dire) et que le politiquement correct est venu complètement censurer la parole, l'humour, la réflexion et l'interrogation de chacun sur la religion. Car la religion est devenue un terrain tabou sur lequel on ne peut plus faire de commentaire, au risque, comme l'explique si bien Rushdie, de se voir menacé de mort (voire bien évidemment tué) ; est devenue d'une certaine manière une raison légitime d'appeler au meurtre comme si cela allait de sens, comme si cela était légal, comme si cela était normal.
On assiste dans cette autobiographie à la folie de l'obscurantisme, à l'incompréhension et au suivi aveugle de commentaires de personnalités haut-placées par des millions et millions de gens qui, pour beaucoup, n'ont pas pris la peine de se renseigner face à de telles accusations, et pour beaucoup d'autres se sont vus abusés. Ce qui est fascinant, c'est de voir comment l'accusation est venue d'un chef en Iran et comment l'Iran est devenu par la suite la voix de la contestation, quel que soit l'endroit où Salman Rushdie tentait de se déplacer. Un voyage au Danemark pour recevoir un prix ? L'Iran crie au scandale. Son visa accordé en Inde après des années de boycott ? L'Iran proteste... Sans le dire, Rusdhie nous montre une mascarade pure et simple, ultra-violente et irrationnelle. La fatwa dont il fait l'objet est toujours en vigueur aujourd'hui, certains appellent toujours farouchement "tout bon Musulman à exécuter l'apostat". Cela se passe de commentaires...
En plus de découvrir ce que la fatwa a fait de sa vie, l'un des attraits majeurs de cette biographie est de revivre la création de l'oeuvre de Rushdie, des Enfants de minuit à Furie. Cette facette de ce livre est absolument fascinante, montrant les ambitions réelles et personnelles de l'auteur dans chaque roman (ou presque), le dessein caché, les évènements personnels qui se retrouvent insérés, les vraies significations derrière tel ou tel personnage ou tel ou tel passage, le but, la quête, le processus et le contexte d'écriture... C'est totalement passionnant et on en reprendrait bien un coup si on pouvait car il n'offre pas le même traitement à toutes ses productions. L'effet est immédiat sur le lecteur et lui donne très envie de lire certains d'entre eux, comme pour ma part Les Enfants de minuit, Haroun et la mer des histoires ou le Dernier soupir du Maure.
Mais surtout, la lecture de cette biographie ouvre les yeux sur Les Versets sataniques et sa compréhension en tant que lecteur. Je l'ai lu, il y a maintenant 4 ans. Et grâce à la lecture de Joseph Anton, je sais que je l'ai mal lu, que je n'en ai pas suffisamment apprécié la portée et qu'il faudrait clairement que je le relise, cette fois en ne sautant pas certains passages. La lecture de Joseph Anton m'a fait comprendre que j'avais lu Les Versets pour les mauvaises raisons, qu'il me manquait sans conteste la lecture d'autres de ces romans, car celui-ci s'inscrit dans une chronologie et un processus d'écriture indubitables (même si les romans n'ont rien à voir entre eux). J'ai donc commis la même erreur que beaucoup, en n'appréciant pas suffisamment Les Versets pour leur valeur littéraire, en le voyant majoritairement comme l'objet de tous les conflits. Certes, il n'est pas aisé de le dissocier de cette image, mais Salman Rushdie a clairement un don pour l'écriture, belle et fluide, aux sujets marquants et profonds, aux constructions néanmoins un peu difficiles mais toujours avec un but pré-déterminé. Cette biographie, ce n'est pas seulement la révélation d'années d'enfermement et de violence, c'est aussi la révélation d'un auteur, de son travail, de ce qu'il fait via ce qu'il est.
En réalité, il faudrait en fait aborder l'oeuvre de Rushdie avec Joseph Anton. A lire, sans conteste.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Blasphème,blasphème...Et pourtant elle tourne!
En 1632, Galilée dut abjurer son héliocentrisme devant l'inquisition du Saint-Office.
En 1644, le poète anglais Milton plaida " la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure", dans son "Aeropagitica.".
En 1766, Voltaire défendit la mémoire du chevalier de la Barre qui, pour n'avoir pas ôté son chapeau devant une procession, fut torturé, décapité et brûlé avec le Dictionnaire philosophique.
Depuis, en terres d'Occident et des Lumières, nous croyons être débarrassés de ces entraves à la liberté d'expression mais, là ne fut que douce illusions quand en 1989, le fanatisme que Voltaire appelait " l'Infâme ", jeta sa griffe fétide, venue de l'Islam, sur un livre et son auteur...
Une autobiographie dont le titre se confond avec celui de l'auteur, pour marquer une forme de schizophrénie dont l' ambiguïté, est entretenue tout au long du récit où l'auteur joue de son alter ego.
A bien des égards, le monde était sens dessus-dessous. Plus d'un repère politiques et intellectuels sont en train de sauter. Et, ce qui rend ce roman passionnant,c'est qu'il témoigne, au ras du quotidien, d'un moment de bascule, alors difficilement perceptible.
C'est à cette époque que les références politiques occidentales (nationales, socialistes, libérales...) furent défiées pour de bon par l'Islam radical et la puissance de son mouvement. le concept d'Islamophobie est né.
En 1979, le philosophe Michel Foucault, dénonçait le problème de l'Islam, comme force politique pour les années à venir.
Dix ans plus tard quand les Ayatollahs condamnent à mort un citoyen britannique, pour avoir écrit un roman impie, le fait sidérait encore.
Des versets sataniques à la sainte fatwa... Ainsi s' imposa le reflet obscur d'une société incapable de rationalité.
- Les attentats du 11 septembre n'avaient pas eu lieu.
- le cinéaste Théo van Gogh n'avait pas encore été assassiné.
- Les caricatures de Mahomet n'avaient pas encore mis le feu aux poudres.
- Les locaux de Charlie hebdo, n'avaient pas encore brûlé et Cabu, Charb, Wolinski dessinaient encore...
Avec les Versets sataniquesRushdie se retrouve propulsé sur la scène internationale, pour y devenir plus qu'un romancier célèbre, le symbole de la lutte pour la liberté d'expression...
Un roman complexe où se mêlent "les mémoires, le document romancé et l'autoportrait non seulement de moi mais aussi d'une époque", dit-il.
Je remercie grandement mon ami Ahasvérus pour la découuverte de cet auteur.
Le récit est long oui, foisonnant de détails dont on peut se passer mais, Rushdie est incontestablement un maître de l'écriture.
Just read it!


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En revenant sur son parcours et particulièrement sur ses dix années de « détention », l'auteur des Versets sataniques nous offre une profonde et brillante réflexion sur ce qui définit notre société. Une ode à la liberté d'expression et un plaidoyer contre sa régression actuelle.

Si l'affaire a été très médiatisée, entrer dans l'intime permet au lecteur de prendre conscience d'une réalité inconnue. Tout d'abord, se loger. La vie n'est pas comme la fiction. Aucun abri fourni et payé par l'état. Salman Rushdie doit lui-même trouver des endroits sûrs qui seront agréés par son équipe de sécurité.

L'impact de la fatwa non seulement sur l'écrivain mais sur son fils, sa famille, ses proches et le domaine de l'édition. le monde divisé en deux parties ; l'avant et l'après fatwa. Ceux qui brûlent des livres, ceux qui refusent de les vendre, ceux qui renoncent à les éditer, à les traduire, et ceux qui ont le courage de défendre cette liberté.

Le temps, très court, où les versets sataniques n'était qu'un roman et était jugé en tant que tel, les éditeurs étrangers frileux à publier le texte, l'aventure de la version poche, l'assassinat de deux traducteurs, la kabale de l'opinion publique qui se demande si l'auteur mérite les frais engagés par le contribuable pour le défendre, la difficulté d'entretenir une relation amoureuse dans une vie de musellement... L'extrême isolement d'un homme seul contre tous.

Un livre fouillé, détaillé, foisonnant, parfois trop. Comment lui reprocher cette nécessité urgente de tout dire, de tout expliquer ? le monde a parlé a la place de l'auteur durant tellement d'années. Je salue son courage de publier un livre qui risque de raviver la haine que de nombreux extrémistes lui portent (la prime pour la tête de Salman Rushdie lancée en 1989 s'élèvent aujourd'hui à 3,3 millions de dollars).

En tournant les pages, j'ai été frappée par le manque de réaction de l'Occident et je me suis souvent interrogée. Suite aux attentats du 11 septembre, l'islamisme est connu du plus grand nombre. Salman Rushdie aurait-il été condamné à mort aussi longtemps sans qu'aucun gouvernement ne s'y oppose officiellement si la fatwa avait été prononcée après 2001 ?

Quoi qu'il en soit, Joseph Anton n'est plus. Heureusement pour lui et pour nous.
Lien : http://www.audouchoc.com/art..
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« L'amour de la littérature était une chose impossible à expliquer à ses adversaires qui n'aimaient qu'un seul livre, dont le texte était immuable et fermé à toute interprétation puisque c'était de toute éternité l'oeuvre de Dieu. »
Le 14 février 1989, tombait sur la tête de Salman Rushdie une fatwa, sentence mortifère émanant de l'ayatollah Khomeiny, alors président de la république islamique d'Iran. C'est le point de départ de cette autobiographie dense qui traverse dix ans d'une vie d'assignation à résidence pour Rushdie, éclairée par quelques échappées hors de son bocal, non sans peine et sans crainte.
Contraint de vivre en permanence entouré d'une garde de policiers de la Special Branch britannique, le célèbre auteur des Versets sataniques voit son existence familiale et professionnelle complètement chamboulée du jour au lendemain, interdit de séjour dans son pays d'origine, l'Inde, ostracisé par les citoyens de confession musulmane du monde entier, persona non grata de tout événement public et bloqué par la plupart des compagnies aériennes. Ce que raconte Rushdie est profondément choquant et bouleversant, et il le fait sans concession et avec grande ouverture.
J'ai d'abord été déroutée par la narration distanciée qu'il emploie, se livrant au lecteur à la troisième personne du singulier. « Il était un homme sans armée contraint de se battre en permanence sur plusieurs fronts. » L'appui et le soutien de ses éditeurs, de ses amis écrivains et de sa famille lui ont permis de résister à la tempête médiatique, et ce, malgré l'inertie et l'attentisme des politiciens au pouvoir à cette époque. le récit n'est pas sans humour, le genre pince-sans-rire, et qui s'avère ici salutaire à la lecture, donnant un peu d'air frais au huis-clos littéraire.
Joseph Anton (son pseudonyme issu des prénoms de Joseph Conrad et d'Anton Tchékhov) offre plus de 700 pages de papier bible sur les méandres de l'imagination et de l'écriture, éloge de la littérature sous toutes ses formes et quête absolue de la liberté d'expression chère à tout artiste.
Salman Rushdie a déjà prouvé sa résilience et son courage et je souhaite qu'il en trouve encore à puiser en lui-même pour l'avenir de la littérature.

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Un livre étonnant. Je vous avertis, il est long. Sans doute, trop long. Mais si vous voulez comprendre ce qui se passe aujourd'hui avec la montée de l'intolérance religieuse, ce livre peut être intéressant. C'est un style très particulier puisqu'il s'agit d'un mélange de mémoire et de réflexions philosophiques. Salman Rushdie nous raconte sa vie suite à la fatwa qui a été lancée contre lui en tant que auteur des « Versets sataniques ». Je n'ai pas lu ce roman donc je n'ai pas d'avis sur le roman. Par contre ayant lu d'autres livres de Rushdie où la religion joue un rôle important, il me semble que son écriture est un moyen de dénoncer des positions extrémistes.

Dans tous les cas, je ne peux comprendre les fatwas, ni toutes ces manifestations de haine, ces menaces de morts. Comment une religion peut amener de tels débordements ? Cela restera un mystère pour moi.
Pour revenir à Joseph Anton, le titre fait référence au patronyme choisi par Salman Rushdie pendant toutes ces années passées caché. Il s'agit de la combinaison des deux prenoms de ses auteurs favoris Conrad et Chekhov
Plusieurs points sont intéressants dans ce roman / mémoire en dehors de la narration des évènements. J'ai aimé l'analyse de Rushdie sur la montée de l'intolérance religieuse et comment il est venu à la rédaction des versets sataniques. La narration de son enfance et de sa relation avec son père, la religion (sa famille est musulmane depuis plusieurs générations) et le racisme britannique est éclairante dans le sens où il connait la religion musulmane. Il est devenu athée mais il n'a pas de haine ni contre la religion, ni contre les Anglais. Son éclairage des relations géopolitiques et des relations avec les services secrets internationaux, non spécialisé et bien entendu d'un point de vue très personnel, permet de mieux comprendre les petites lâchetés et compromis pris pour faire des affaires as usual !!

Il raconte la guerre menée contre les libraires, éditeurs, traducteurs (assassinat du traducteur Japonais), et sa famille. Il narre comment la gauche ne va pas le soutenir alors que les conservateurs vont le faire. Tous pour des mauvaises raisons mais dans tous les cas il doit subir des critiques car il aurait cherché cet opprobre. C'est l'histoire de la lumière qui laisse la place à l'obscurantisme car il ne faut pas faire de vagues !
Par contre, ses déboires amoureux et familiaux sont lassants. Bien qu'il batte sa coulpe régulièrement et se reconnaisse certains torts, il est des pages où son attitude est vraiment limite et ses plaintes le rendent peu sympathiques.

En dehors de ce bémol, c'est un livre puissant, éclairant, à lire !

Pour ceux qui pensent qu'il ne faut pas faire de vagues : suite à la publication de Joseph Anton, la récompense promise à celui qui tuera Salman Rushdie a augmenté de 500 000 USD et est maintenant de 3,3 millions de dollars.

La première phrase « Afterwards, when the world was exploding around him and the lethal blackbirds were massing on the climbing frame in the school playground, he felt annoyed with himself for forgetting the name of the BBC reporter, a woman, who has told him that his old life was over and a new, darker existence was about to begin.”
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Le livre s'ouvre sur ce jour de la Saint-Valentin – en 1989 – où Salman Rushdie reçoit un appel téléphonique d'une journaliste lui annonçant que l'Ayatollah Khomeini venait de lancer contre lui une fatwa (décret religieux) suite à la publication de son dernier ouvrage, Les Versets sataniques. Les réactions vives de la communauté musulmanes ne se font pas attendre. Condamné à mort pour son irrespect envers le prophète Mahomet, l'écrivain est dans l'obligation de vivre caché durant de longues années. Sa tête mise à prix, la police britannique détache une équipe pour assurer sa protection au quotidien.
En accord avec le titre donné à son autobiographie – Joseph Anton, prénoms de Conrad et Tchekhov, nouvelle identité qu'il endossera pendant une dizaine d'années garantissant sa sécurité –, l'auteur s'exprime à la troisième personne. Une prise de distance nécessaire afin de narrer au mieux son histoire et qui fait de lui un personnage, une sorte de double.
Salman Rushdi revient sur ses origines, son enfance en Inde, sa famille, son départ pour l'Angleterre avec son père, ses brillantes études, ses premiers pas professionnels dans la publicité, et sa quête d'écriture, ses inspirations, son premier succès littéraire avec son livre Les enfants de Minuit. Extrêmement sincère, il évoque sans tabou l'ivrognerie de son père, les nombreuses femmes qui traversent sa vie, les maladies qui se déclarent autour de lui, ses angoisses, ses doutes, ses emportements... des détails qui alourdissent considérablement les propos et entraînent inévitablement l'ennui.
Il met en évidence les conséquences et la violence engendrée liées à la publication des Versets sataniques à travers le monde entier ; les assassinats de traducteurs et d'éditeurs et attentats perpétués dans les librairies, sa rencontre et le soutien d'écrivains, d'artistes et de hauts dignitaires de nationalités différentes, la difficulté de voir son fils Zafar, les changements de domicile fréquents, l'effroyable impression de se sentir prisonnier, ses relations avec les policiers qui le surveillent nuit et jour, son rapport à l'écriture, sa vie amoureuse durant cette période... le lecteur chemine avec lui sur ce parcours tortueux de 1989 à 2001.
Une autobiographie foisonnante remplie d'anecdotes de tout ordre (des plus légères aux plus bouleversantes), de lieux, de situations, de personnes connus et moins connus, d'intime, d'universel... Dans ce livre, Salman Rushdie se livre tout entier père, fils, amant, écrivain, apostat, athéiste, immigré. Un témoignage essentiel pour la liberté d'expression.
J'avoue que Joseph Anton m'est tombé des mains à plusieurs reprises au cours de ma lecture. La profusion de détails et de noms, des passages longs et ennuyeux, ma méconnaissance de l'oeuvre littéraire de Salman Rushdie ont entraîné de nombreux sauts de pages.

Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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"Joseph Anton, une autobiographie" est un grand et magnifique livre dont la traduction du titre commençait par une erreur : le traducteur comprend de travers le sous-titre original,, "a memoir", un mémoire (des Mémoires), non une autobiographie. Les mémoires (le traducteur ignore que le mot est masculin en français) sont un genre particulier, où le mémorialiste raconte, au détriment de sa vie privée, les effets sur lui de la grande histoire, celle des hommes et des sociétés . Il peut certes y parler de sa vie personnelle, voire intime, mais l'objectif n'est pas la confession subjective, parfois pleurnicharde, ni l'appel au voyeurisme du lecteur. Ce parti-pris de dignité se voit dès le début, puisque l'auteur emploie la troisième personne, comme César, et non la première. Ce choix grammatical n'est pas seulement une affaire de dignité, il a une résonance dans l'histoire elle-même, puisque l'auteur est dépossédé de son nom, devenu insulte, pancarte brandie, objet de haine et de meurtre rituel ("Rushdie") et doit vivre une semi-vie protégée de prisonnier ou de gardé à vue sous le nom de Joseph Anton, dont il signale sans regret le "décès" dès que les menaces des musulmans se calment. Ce dédoublement aliénant est le fond du livre, qui raconte comment Salman Rushdie reconquiert son droit de vivre sur terre que "Joseph Anton" lui déniait.


Une autre beauté, un autre intérêt de ce beau livre, sont d'ordre sociologique et politique. Salman Rushdie est membre de cette frange de la bourgeoisie anglo-indienne, extrêmement cultivée et à l'aise partout dans le monde, qui adopte pour marqueur socio-culturel des opinions politiques d'extrême-gauche. Le livre est une galerie de grandes figures de l'intelligentsia politique, intellectuelle, artistique, des pouvoirs de la gauche, de Tony Blair ou Mandela à Harold Pinter ou Vaclav Havel, et bien d'autres grands noms politiquement corrects. Nous lisons bien un livre de mémoires : Saint-Simon nous faisait voir les Grands à Versailles, et Rushdie, de même, fréquente les grands des années 1980-2000, entre Londres, New-York et Hollywood. C'est dire qu'avant l'affaire des Versets Sataniques, l'auteur était à la pointe du combat pour "les damnés de la terre", immigrés musulmans d'Angleterre par exemple. Lui-même se définit comme un "immigré", d'ailleurs. Et c'est eux, à l'instigation de l'Iran (où une révolution au nom des damnés de la terre a eu lieu) qui vont le menacer de mort pendant de longues années. Il comprend, dit-il, la mauvaise grâce avec laquelle le gouvernement Thatcher ("de droite") le protège, mais il est assez honnête pour voir et découvrir qu'une large partie de cette gauche internationale, politicienne ou intellectuelle qui est sa patrie idéologique, lui donne tort, donne raison à l'islam "des déshérités" et le voit comme un bourgeois oppresseur. Cela conduit cet auteur tiers-mondiste gauchiste à faire l'éloge de ... l'Amérique, patrie de la liberté, et à compatir avec elle aux attentats du 11 septembre, en de très belles pages finales du livre.


Enfin, ces mémoires sont une réflexion sur la littérature et sur la liberté d'expression. Ceci devrait intéresser le lecteur français de 2016, qui aura milité pour la liberté d'expression de ceux qui ont la parole (Charlie et autres) et qui aura vu les derniers attentats musulmans en date. C'est dans sa réflexion sur la littérature que le gauchisme de Rushdie subit sa plus profonde transformation : il saisit la valeur humaine de la littérature, il parle d'elle en humaniste (l'humanisme est l'ennemi n°1 de toute la gauche néo-marxiste), en termes merveilleux qui font écho à ceux de son ami Milan Kundera, romancier victime du communisme dont les essais exaltent la liberté de l'imagination et le droit de blasphémer.


Enfin, la lecture de ce livre est à conseiller à toute personne qui veut en savoir plus sur les mécanismes de peur de l'islam à l'oeuvre dans nos pays et dans nos esprits. Cette peur, Rushdie la déchiffre en particulier dans les comportements et dans le vocabulaire que les médias, vecteurs principaux de la peur, nous imposent : les mots "respect", "islamophobie" ou "colère", en particulier, avec d'autres éléments de langage, font l'objet de remarques éclairantes.


Il y a encore une infinité de bonnes raisons de lire ce livre, dont la qualité littéraire et la profondeur d'écriture survivent bon an mal an à la traduction. J'ai insisté sur les aspects socio-politiques de ces Mémoires, au détriment d'autres facettes. Je suis habituellement opposé aux trop longues critiques, paraphrases et étalages, mais je crains d'avoir été trop long moi-même.
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Joseph Anton : les éditeurs de Salman Rushdie lui ayant conseillé de se trouver un autre nom après la fatwa prononcée , associant le prénom de Conrad à celui de Tchékhov , il choisit momentanément ce pseudo .

Une biographie atypique où à la manière de Semprun , Rushdie mêle quelques disgressions littéraires au récit d'une période de sa vie . C'est inégal , parfois amusant , parfois un brin trop intello , parfois dense , d'autres fois léger mais pas le moins du monde ennuyeux .

Bien des épisodes du livre relatent ses amitiés avec d'autres auteurs ou personnalités politiques , Harold Pinter ou Vaclav Havel par exemple et agrémentent l'intérêt de la lecture .

Auteur de langue anglaise , son pays d'adoption , Rushdie , une fois la fatwa prononcée , y vit comme un exilé sous protection policière et doit sans cesse trouver un nouveau domicile .

Un pavé de plus de 700 pages qui se lit bien malgré quelques longueurs parfois indigestes .
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Ouvrage copieux, de prime abord, Joseph Anton fait un peu peur. En réalité, il se lit facilement, grâce à une plume agréable, un style accessible (précision utile, je n'avais jamais lu Salman Rushdie), et un bon découpage de l'ouvrage.

Joseph Anton, c'est sous ce pseudonyme que Salman Rushdie a vécu caché durant de nombreuses années, ne relate que les années noires de Salman Rushdie à partir du jour où sa tête fut mise à prix par les religieux islamistes iraniens.
Cette autobiographie limitée fourmille de détails, et de précisions ; l'auteur semble avoir tenu des carnets minutés tant ses faits et gestes ainsi que ceux de son entourage, semble avoir consigné ses émotions, états d'âmes.

Ce qui frappe, c'est avant tout la machine infernale qui se met en branle dès l'annonce de sa mise à mort. Les services de protection fondent sur lui, pour le mettre sous cloche quasi hermétique. Toute sortie fera l'objet d'âpres négociations pour (parfois) parvenir à (relative) satisfaction, ou le plus souvent aboutir à renoncement ou résignation. Il mènera une vie d'errance qui aurait fait craquer plus d'un être humain. Lui, en dépit de ses découragements, de ses moments de doute, de maladresse dont tout homme aux abois est capable, n'a en réalité jamais baissé les bras. Est-ce la dureté de l'exil dès l'âge de 14 ans qui l'a préparé à lutter, est-ce ses profondes convictions pour la liberté d'expression, de penser, de prier, de croire ou non? Est-ce l'amour de ce petit bonhomme, Ahar, son fils, supportant tout sans broncher.
La lutte pour la liberté est un souci de tous les instants. Chaque moment acquis est une victoire.
Salman Rushdie va devoir faire avec les amis fidèles qui seront nombreux, les écrivains engagés qui jamais le laisseront à son triste sort ; il connaîtra aussi les traitres, la presse anglaise qui lui sera hostile, les politiques plus soucieux de la diplomatie que de la liberté d'expression, les éditeurs ou traducteurs courageux qui paieront parfois de leur vie pour que l'auteur puisse être lu par le plus de personnes possible.
Pas simple d'être un écrivain, un homme, un mari, et un père quand il faut se cacher en permanence…

Curieusement cette autobiographie est écrite à la troisième personne, comme pour bien se démarquer de celui qui sous les traits de Joseph Anton, était lui, mais pas tout à fait lui …

L'ouvrage est très prenant, et difficile à lâcher. Et si parfois quelques longueurs se font sentir, elles se feront vite oublier…car j'ai eu la liberté de les lire !!!



Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Voilà un livre essentiel! Long certes bien qu'il ne couvre qu'une période relativement courte (14 février 1989~ septembre 2001) mais c'est un autobiographie de Salman Rushdie en même temps qu'une histoire parallèle de notre temps, un essai sur l'obscurantisme et la façon d'en sortir, une histoire d'amours, un ouvrage important pour comprendre l'oeuvre de Salman Rushdie, le témoignage d'un homme de qualité, lucide, philosophe, drôle et franc dans notre époque de faux semblants.
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