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Maria Antonietta Grignani (Éditeur scientifique)René de Ceccatty (Traducteur)
EAN : 9782020999748
207 pages
Seuil (14/10/2010)
3.43/5   14 notes
Résumé :
Umberto Saba, (1883-1957) est considéré comme le plus grand poète de Trieste et, assurément, un des plus grands poètes italiens du XXe siècle. Il laissait en mourant ce roman inachevé écrit en 1953. Cette nouvelle traduction respecte le texte intégral du manuscrit.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Tel Sisyphe poussant sa pierre pour la voir irrémédiablement rouler au précipice, je m'obstine à  communiquer ces pépites italiennes qui sont mon dada-  bien que chaque compte-rendu de littérature italienne édité me fasse régresser dans le "classement", à la fois scolaire et opaque d'un  "insigne," visiblement buggé ,  qui semble se refuser à ma quête tel le Graal de Perceval!

Qu'à cela ne tienne, chers amis babeliotes, il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer , voici donc une perle rare: le roman autobiographique inachevé et ultime d'Umberto Saba, écrivain dont je vous ai déjà beaucoup parlé : poète, nouvelliste, moraliste, esthète,  libraire..et triestin, bien sûr ( mais non, je ne suis pas tout à fait monomaniaque!).

 Umberto l'écrivait sur son lit d'hôpital,  s'épuisant en correspondances pointilleuses avec Linuccia, sa fille, seule personne, avec Carlo Levi, en qui ce vieux misanthrope bipolaire avait encore confiance, pour effectuer, sur les épreuves , des corrections de virgules, de ponctuation, d'articles, qui lui paraissaient fondamentales- et sans doute l'étaient-elles, car la langue comme le rythme ont au moins autant d'importance et d'effet de scandale que le sujet!

Dans un débit coupé,  comme haletant, et dans un mélange détonnant d'italien tenu , pour le corps de la narration, et de dialecte triestin, pour les dialogues- dialecte déroutant de prime abord, mais facile à comprendre, et je ne suis pas linguiste!- Saba entreprend, au seuil de la mort - le livre sera publié après son décès- de raconter sans ambages, détours ni fioritures, sa première expérience amoureuse et érotique avec un "travailleur manuel" - un "bracciante"-   de vingt ans son aîné. 

L'expérience est suivie d'une visite à une prostituée qui l'initie aux amours hétérosexuelles et d'une confession à sa mère qui lui allège le coeur, l'emploi du temps -  il ne retournera pas travailler,  pour mieux rompre les ponts avec son amant-,  et qui le gratifie , dans un geste d'amour maternel inusité,  d'une place de concert où lui apparaît, au milieu de la foule,   un jeune homme de son âge, musicien et beau comme un ange, son premier grand amour...

Une épiphanie qui rappelle celle du Taddeo de Mort à Venise, et du Saint-Loup de la Recherche...

Le livre devait être plus long, détaillé, complexe - l'auteur envisageait même de se faire hospitaliser plus longtemps pour le mener à son terme en toute tranquillité. ..il n'a pu etre terminé , et Saba voulait qu'il fût detruit! Heureusement, ni ses proches, ni son éditeur ne lui ont obéi.  Et,  tel quel, " Ernesto"  -qui a changé de titre plus d'une fois-  possède une étonnante force.

L'homme et le jeune narrateur, Ernesto alias Umberto, sont d'une vraie présence,  tout entiers dans leurs gestes, dans leurs paroles. Pas de finasserie psychologisante. Pas d'efforts, non plus, de l'auteur  pour paraître un "ragazzo" sympathique.

Umberto-Ernesto  ne se donne ni le rôle de victime ni celui de bourreau. C'est un garçon très jeune, mal aimé par une mère peu communicative-mais d'une étonnante mansuétude face à l'aveu- qui  se montre égoïste et jouisseur, curieux et un brin manipulateur. Umberto ne se dore pas la pilule. Ne fait pas de sentiment, ne donne pas dans le romantisme surjoué.

Son expérience sentimentale et sexuelle est aussi sociale.

Declassé-  petit bourgeois abandonné par son père, ayant abandonné ses études à  cause de l' injustice d'un professeur sectaire,   Ernesto-Umberto  est devenu, à  16 ans, employé aux écritures dans un "moulin" de farine industrielle.  Il est  négligé par sa mère, n'a ete aimé que par  sa nourrice- et cherche des forces nouvelles et une envie de vivre dans des racines populaires qu'il revendique par son parler, ses fréquentations, sa pauvreté ombrageuse.

 L'amour évident de celui qu'il n'appelle jamais que "l'homme" est , pour cet enfant rebuté,  une révélation. On peut donc l'aimer, le désirer!

Sans le plus petit remords, sans la moindre honte, il savoure , pragmatique, cette découverte, et le plaisir physique qu'elle lui apporte, mais sans partager avec l'homme le moindre sentiment. Il a même recours à un stratagème cynique pour s'en débarrasser quand la passion de celui-ci devient gênante... qui a  l'avantage de le débarrasser du même coup d'un travail,  d'un patron et d'un collègue fastidieux...  et de gagner , avec l'absolution maternelle, un argent de poche inespéré. 

Saba avait conscience d'écrire un livre dérangeant, tant par le sujet que par la forme, avec cette langue dialectale qui donne à entendre l'accent triestin mais qui souligne surtout  l'encanaillement naïf et provocateur d'un ragazzo déchu de sa classe sociale  qui expérimente l'amour sous toutes ses formes, faute de l'avoir reçu dans sa petite enfance, encore si proche.

Mais plus que tout c'est l'intrusion du populaire dans le bourgeois qui choque. Comme le fait très justement remarquer Maria Antonietta Grignani  dans sa brillante préface "Le rapport homosexuel avec le "bracciante" ne devient une chose laide, indécente qu'a posteriori, dans la confession à la mère , dans un italien que celle-ci impose à son fils, selon la loi d'un savoir-vivre qui est aussi  linguistique , propre à la petite bourgeoisie. "

Il est d'ailleurs étonnant que la mère, après l'aveu de son fils, conclue brusquement par un "n'y pense plus, fils!" en dialecte, comme si la faute confessée par le fils, en italien, et pardonnée , dans cette même langue, par la mère, perdait son pouvoir de scandale et pouvait enfin s'oublier dans le recours commun de la mère et du fils au dialecte....

Je me demande vraiment comment la traduction française a réussi à rendre cette intrusion linguistique,  cet encanaiĺement provocateur si fertile en effets de rupture et de révolte,  si proche aussi du Canzoniere dans ses accents chansonniers  -Saba disait qu'Ernesto devait rester un "libretto" pour ne pas détruire son Canzoniere! Je l'ai lu en V.O. et serais curieuse d'avoir le sentiment d'un lecteur de la V. F. sur ces décalages entre italien et triestin.
 
Un livre fort, pas aussi simple et direct qu'il n'y paraît,  avec des épisodes tout à fait bizarres - comme celui de la première barbe , raconté comme une tentative de meurtre , une sorte de viol "capillaire" par un barbier soupçonné d'être le père naturel d'Ernesto - qui passionneraient un psychanalyste!

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C'est en 1953, quelques années avant sa mort, qu'Umberto Saba écrivit ce récit autobiographique resté inachevé. Il y décrit , avec autant d'innocence que de crudité, la découverte de la sexualité d'un adolescent de 16 ans, Ernesto, d'abord avec un homme plus âgé, puis avec une prostituée. le cadre du récit est la ville de Trieste à la fin du XIXème siècle, dans laquelle cohabitent, non sans tensions, plusieurs langues et communautés. Umberto Saba ne souhaitait pas voir ce récit publier.
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ce livre longtemps ignoré d'Umberto Saba s'inspire de sa vie : les premières expériences homosexuelles consenties lui ouvrent des horizons autant poétiques que sensuels : dans une Italie marquée par le machisme, on essaie de mesurer combien cette écriture a pu déranger à sa publication.
Dans un style assez détaché, U Saba donne à Ernesto une forte personnalité qui va progressivement s'ouvrir aux plaisirs mais sans jamais renier sa personnalité. Une sorte d'éducation sentimentale
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Attirée par l'aspect érotique du roman, et par le côté roman d'initiation, étant donné qu'il sortait dans une nouvelle traduction, je l'ai acheté presque les yeux fermés. En plus, Alberto Manguel l'avait mis dans sa sélection d'ouvrages à lire le mois dernier (chez mon libraire préféré, il y a une table réservée aux sélections de Manguel, bah oui !).



Un jeune homme de 16 ans (qui pourrait bien être l'auteur lui-même) raconte ses premières expériences sexuelles. Où réside l'originalité de ce roman ? Dans le ton adopté par le narrateur, dans sa personnalité. Il ne ressent nulle culpabilité, il n'est pas tourmenté par ce qui lui arrive, il ne voit aucun mal là-dedans, il en parle même souvent avec une certaine outrecuidance. Peut-on parler d'amour ? Pas vraiment. Ernesto ne connaîtra ce sentiment qu'à sa troisième rencontre, rencontre seulement ébauchée puisque le roman est inachevé.

Amour subi, amour consenti, amours homosexuelles, Saba aborde là des thèmes sulfureux mais il les décrit d'une plume ni moralisatrice, ni obscène, comment dire... c'est à la fois innocent et sincère.

Finalement, qu'en ai-je pensé ? Pas grand-chose. Pas désagréable à lire, mais pas passionnant non plus. J'en attendais, je crois, davantage de profondeur. Il me reste peut-être à découvrir l'oeuvre de Saba, un poète avant tout.

Je suis peut-être passée à côté d'un chef-d'oeuvre…ou peut-être pas. Après tout, l'auteur souhaitait détruire ce texte.
Lien : http://krol-franca.over-blog..
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Seul roman, demeuré inachevé que ce poète triestin a écrit à 70 ans. Dans ce récit très révélateur de sa jeunesse, entrepris à la faveur d'un séjour dans une clinique romaine, il aborde ouvertement le thème de l'homosexualité en racontant les premières expériences sexuelles d'un garçon de 17 ans auquel il prête une part de ses propres souvenirs de jeunesse. Mais le personnage principal du livre est peut-être Trieste, dont il trace une image fin de siècle assez attachante.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il était content de s'être confessé à elle, et d'en avoir reçu le pardon, et, avec le pardon, les sous pour s'acheter le billet d'entrée et une place assise. Plus encore de ne pas devoir retourner, le matin d'après, et tous les matins suivants, chez monsieur Wilder.
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Mais Ernesto était fait autrement. Sa force et sa faiblesse consistaient à se montrer, aussi loin que possible, tel qu'il était vraiment. Il ne s'agissait pas d'un calcul, mais d'une façon d'être, de se défendre, qui valait autant sinon plus que l'autre; mais qui, pour avoir de la valeur, ne devait pas être simulée.
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"N'y pense plus, fils, dit-elle, en passant à l'improviste et sans s'en rendre compte, au dialecte, chose qui lui arrivait rarement- c'qui t'es arrivé est assez moche, mais ça n'a, si personne vient à l'savoir, pas grande importance. T'es pas, grâce à Dieu, un'putain."
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Comment dire une telle chose? Comment la dire à sa mère ? Avec l'homme, un garçon qui, comme Ernesto, n'avait pas sa langue dans sa poche, pouvait parler franc, mais avec elle...
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L'homme, malgré son anxiété et sa colère, sentit qu'il l'aimait, et qu'il l'aimait trop. Toutefois, il y avait dans son amour, comme une légère pointe de sadisme.
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Video de Umberto Saba (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Umberto Saba
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
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Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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