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EAN : 9782752604286
92 pages
L'Aube (21/02/2008)
3.43/5   21 notes
Résumé :
Présentation de l'éditeur
Français, encore un effort si vous voulez être républicains est le cinquième dialogue de La Philosophie dans le boudoir. De tous les écrits blasphématoires et révolutionnaires du marquis de Sade, c'est sans doute le plus violent, le plus philosophique, le plus actuel aussi. En effet : combien de textes, de pamphlets écrits par nos contemporains commencent-ils par ce très accrocheur " Français, encore un effort... " ? Deux siècles plu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Incroyable : Tant d'érudition, de logique et de philosophie, mises toutes entières au profit de la perversion pure ! C'est du jamais vu jamais lu, et une chose est sure, quel qu'en soit le lecteur, il ne pourra pas rester indifférent face à cette diatribe philosophique à la prose engagée et aux idées très... particulières...

Étudiant tout à la fois la liberté, la religion, la monarchie, et les moeurs, c'est une réflexion philosophique poussée que le divin marquis mène ici sur le rôle de la société face à la nature humaine et sur l'importance d'inventer des lois qui correspondent à cette dernière.

Mais attention, ne vous y trompez-pas : si en effet c'est de réflexion de de lois qu'il s'agit, la plume libertine de Sade ne cache à aucun moment les affres de son esprit provocateur, cruel et obsédé... Ici c'est donc notamment à une apologie du viol, du meurtre, et de la pédophilie que nous invite le philosophe!

Autant dire que ce pamphlet n'est pas toujours facile à lire, ni à digérer... Je ne le conseille pas aux âmes sensibles, mais il pourra cependant intéresser les curieux et les penseurs avertis car, tout en horreurs, il nous apporte cependant un joli aperçu de la pensée et de la personnalité de son auteur dont l'intelligence autant que la totale déraison valent le détour...

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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Si nous admettons, comme nous venons de le faire, que toutes les femmes doivent être soumises à nos désirs, assurément nous pouvons leur permettre de même de satisfaire amplement tous les leurs, nos lois doivent favoriser sur cet objet leur tempérament de feu, et il est absurde d'avoir placé et leur honneur et leur vertu dans la force antinaturelle qu'elles mettent à résister aux penchants qu'elles ont reçus avec bien plus de profusion que nous ; cette injustice de nos mœurs est d'autant plus criante que nous consentons à la fois à les rendre faibles à force de séduction et à les punir ensuite de ce qu'elles cèdent à tous les efforts que nous avons faits pour les provoquer à la chute. Toute l'absurdité de nos mœurs est gravée, ce me semble, dans cette inéquitable atrocité, et ce seul exposé devrait nous faire sentir l'extrême besoin que nous avons de les changer pour de plus pures. Je dis donc que les femmes, ayant reçu des penchants bien plus violents que nous aux plaisirs de la luxure, pourront s'y livrer tant qu'elles le voudront, absolument dégagées de tous les liens de l'hymen, de tous les faux préjugés de la pudeur, absolument rendues à l'état de nature ; je veux que les lois leur permettent de se livrer à autant d'hommes que bon leur semblera ; je veux que la jouissance de tous les sexes et de toutes les parties de leur corps leur soit permise comme aux hommes ; et, sous la clause spéciale de se livrer de même à tous ceux qui le désireront, il faut qu'elles aient la liberté de jouir également de tous ceux qu'elles croiront dignes de les satisfaire.
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3/Français, à la place de cet indigne phantôme, substituons les simulacres imposans qui rendoient Rome la maîtresse de l’univers, traitons toutes les idoles chrétiennes comme nous avons traité celles de nos rois ; nous avons replacé les emblèmes de la liberté sur les bases qui soutenoient autrefois des tyrans, réédifions de même l’effigie des grands hommes sur les pieds-d’estaux de ces poliçons adorés par le christianisme[4], cessons de redouter pour nos campagnes, l’effet de l’athéïsme ; les paysans n’ont-ils pas senti la nécessité de l’anéantissement du culte catholique si contradictoire aux vrais principes de la liberté ? n’ont-ils pas vu sans effroi, comme sans douleur, culbuter leurs autels et leurs presbytères ? Ah ! croyez qu’ils renonceront de même à leur ridicule dieu ; les statues de Mars, de Minerve et de la liberté seront mises aux endroits les plus remarquables de leurs habitations, une fête annuelle s’y célébrera tous les ans, la couronne civique y sera décernée au citoyen qui aura le mieux mérité de la patrie ; à l’entrée d’un bois solitaire Vénus, l’hymen et l’amour érigées sous un temple agreste, recevront l’hommage des amans ; là ce sera par la main des graces que la beauté couronnera la constance, il ne s’agira seulement pas d’aimer pour être digne de cette couronne, il faudra encore avoir mérité de l’être ; l’héroïsme, les talens, l’humanité, la grandeur d’ame, un civisme à l’épreuve ; voilà les titres qu’aux pieds de sa maîtresse sera forcé d’établir l’amant ; et ceux-là vaudront bien ceux de sa naissance et de la richesse, qu’un sot orgueil exigeroit autrefois. Quelques vertus au moins éclorront de ce culte, tandis qu’il ne naît que des crimes de celui que nous avons eu la foiblesse de professer. Ce culte s’alliera avec la liberté que nous servons, il l’animera, l’entretiendra, l’embrassera, au lieu que le théïsme est par son essence et par sa nature la plus mortelle ennemie de la liberté que nous servons.

En coûta-t-il une goutte de sang, quand les idoles payennes furent détruites dans le bas empire ? La révolution préparée par la stupidité d’un peuple redevenu esclave, s’opéra sans le moindre obstacle ; comment pouvons-nous redouter que l’ouvrage de la philosophie soit plus pénible que celui du despotisme ? ce sont les prêtres seuls qui captivent encore aux pieds de leur dieu chimérique ce peuple que vous craignez tant d’éclairer, éloignez-les de lui, et le voile tombera naturellement ; croyez que ce peuple bien plus sage que vous ne l’imaginez, dégagé des fers de la tyrannie, le sera bientôt de ceux de la superstition ; vous le redoutez, s’il n’a pas ce frein, quelle extravagance ! ah, croyez-le, citoyens, Celui que le glaive matériel des loix n’arrête point, ne le sera pas davantage par la crainte morale des supplices de l’enfer dont il se moque depuis son enfance ; votre théïsme, en un mot, a fait commettre beaucoup de forfaits, mais il n’en arrêta jamais un seul ; s’il est vrai que les passions aveuglent, que leur effet soit d’élever un nuage sur nos yeux qui nous déguise les dangers dont elles sont environnées, comment pouvons-nous supposer que ceux qui, loin de nous, comme le sont les punitions annoncées par votre dieu, puissent parvenir à dissiper ce nuage que ne peut dissoudre le glaive même des loix toujours suspendu sur les passions ? S’il est donc prouvé que ce supplément de freins imposé par l’idée d’un dieu, devienne inutile, s’il est démontré qu’il est dangereux par ses autres effets, je demande à quel usage il peut donc servir, et de quels motifs nous pourrions nous appuyer pour en prolonger l’existence ? Me dira-t-on que nous ne sommes pas assez mûrs pour consolider encore notre révolution d’une manière aussi éclatante ? ah, mes concitoyens, le chemin que nous avons fait depuis 89 est bien autrement difficile que celui qui nous reste à faire, et nous avons bien moins à travailler l’opinion dans ce que je vous propose, que nous ne l’avons tourmenté en tout sens, depuis l’époque du renversement de la bastille ; croyons qu’un peuple assez sage, assez courageux, pour conduire un monarque impudent du faîte des grandeurs aux pieds de l’échaffaud, qui dans ce peu d’années sut vaincre autant de préjugés, sut briser tant de freins ridicules, le sera suffisamment, pour immoler au bien de la chose, à la prospérité de la république un phantôme bien plus illusoire encore que ne pouvoit l’être, celui d’un roi. François, vous frapperez les premiers coups, votre éducation nationale fera le reste ; nous travaillez promptement à cette besogne, qu’elle devienne un de vos soins le plus important, qu’elle ait sur-tout pour base cette morale essentielle, si négligée dans l’éducation religieuse ; remplacez les sottises déifiques dont vous fatiguiez les jeunes organes de vos enfans, par d’excellens principes sociaux ; qu’au lieu d’apprendre à réciter de futiles prières qu’il fera gloire d’oublier dès qu’il aura seize ans, il soit instruit de ses devoirs dans la société ; apprenez lui à chérir des vertus dont vous lui parliez à peine autrefois, et qui, sans vos fables religieuses suffisent à son bonheur individuel ; faites lui sentir que ce bonheur consiste à rendre les autres aussi fortunés que nous desirons de l’être nous-mêmes, si vous assayez ces vérités sur des chimères chrétiennes comme vous aviez la folie de le faire autrefois ; à peine vos élèves auront-ils reconnus la futilité des bases, qu’ils feront écrouler l’édifice, et ils deviendront scélérats seulement, parce qu’ils croiront que la religion qu’ils ont culbutée, leur défendoit de l’être. En leur faisant sentir au contraire la nécessité de la vertu uniquement parce que leur propre bonheur en dépend, ils seront honnêtes gens par égoïsme, et cette loi qui régit tous les hommes sera toujours la plus sûre de toutes ; que l’on évite donc avec le plus grand soin de mêler aucune fable religieuse dans cette éducation nationale, ne perdons jamais de vue que ce sont des hommes libres que nous voulons former, et non de vils adorateurs d’un dieu ; qu’un philosophe simple instruise ces nouveaux élèves des sublimités incompréhensibles de la nature, qu’il leur prouve que la connoissance d’un dieu, souvent très-dangereuse aux hommes, ne servit jamais à leur bonheur, et qu’ils ne seront pas plus heureux en admettant comme cause de ce qu’ils ne comprennent pas quelque chose qu’ils comprendront encore moins ; qu’il est bien moins essentiel d’entendre la nature que d’en jouir, et d’en respecter les loix ; que ces loix sont aussi sages que simples, qu’elles sont écrites dans le cœur de tous les hommes, et qu’il ne faut qu’interroger ce cœur, pour en démêler l’impulsion ; s’ils veulent qu’absolument vous leur parliez d’un créateur, répondez que les choses ayant toujours été ce qu’elles sont, n’ayant jamais eu de commencement et ne devant jamais avoir de fin, il devient aussi inutile qu’impossible à l’homme de pouvoir remonter à une origine imaginaire qui n’expliqueroit rien et n’avanceroit à rien, dites-leur qu’il est impossible aux hommes d’avoir des idées vraies d’un être qui n’agit sur aucun de nos sens ; toutes nos idées sont des représentations des objets qui nous frappent ; qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de dieu qui est évidemment une idée sans objet, une telle idée, leur ajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sans cause ? Une idée sans prototipe, est-elle autre chose qu’une chimère ? Quelques docteurs, poursuivrez vous, assurent que l’idée de dieu est innée, et que les hommes [ont] cette idée dès le ventre de leur mère ; mais cela est faux, leur ajouterez-vous, tout principe est un jugement ; tout jugement est l’effet de l’expérience, l’expérience ne s’acquiert que par l’exercice des sens, d’où suit que les principes religieux ne portent évidemment sur rien et ne sont point innés ; comment poursuivrez-vous ; a-t-on pu persuader à des êtres raisonnables que la chose la plus difficile à comprendre étoit la plus essentielle pour eux, c’est qu’on les a grandement effrayés, c’est que quand on a peur, en cesse de raisonner, c’est qu’on leur a sur-tout recommandé de se défier de leur raison et que quand la cervelle est troublée, on croit tout et n’examine rien, l’ignorance et la peur ; leur direz-vous encore, voilà les deux bases de toutes les religions, l’incertitude où l’homme se trouve par rapport à son dieu, est précisément le motif qui l’attache à sa religion, l’homme a peur dans les ténèbres tant au physique qu’au moral, sa peur devient habituelle en lui et se change en besoin ; il croiroit qu’il lui manqueroit quelque chose, s’il n’avoit plus rien à espérer ou à craindre. Revenez ensuite à l’utilité de la morale, donnez-leur sur ce grand objet beaucoup plus d’exemples que de leçons, beaucoup plus de preuves que de livres, et vous en ferez de bons citoyens, vous en ferez de bons guerriers, de bons pères, de bons époux, vous en ferez des hommes d’autant plus attachés à la liberté de leur pays, qu’aucune idée de servitude ne pourra plus se présenter à leur esprit, qu’aucune terreur religieuse ne viendra troubler leur génie ; alors le véritable patriotisme éclatera dans toutes les ames, il y régnera dans toute sa force et dans toute sa pureté, parce qu’il y deviendra le seul sentiment dominant, et qu’aucune idée étrangère n’en attiédira l’énergie. Alors votre seconde génération est sûre et votre ouvrage consolidé par elle va devenir la loi de l’univers ; mais si par crainte ou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis, si l’on laisse subsister les bases de l’édifice que l’on avoit cru détruire, qu’arrivera-t-il ? on rebâtira sur ces bases, et l’on y placera les mêmes colosses, à la cruelle différence qu’ils y seront cette fois cimentés d’une telle force, que ni votre génération, ni celles qui la suivront ne réussiront à les culbuter.
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4/
Les Mœurs.


Après avoir démontré que le théïsme ne convient nullement à un gouvernement républicain, il me paroît nécessaire de prouver que les mœurs françaises ne lui conviennent pas davantage. Cet article est d’autant plus essentiel, que ce sont les mœurs qui vont servir de motifs aux lois qu’on va promulguer.

Français vous êtes trop éclairés pour ne pas sentir qu’un nouveau gouvernement va nécessiter de nouvelles mœurs, il est impossible que le citoyen d’un état libre se conduise comme l’esclave d’un roi despote, ces différences de leurs intérêts, de leurs devoirs, de leurs relations entr’eux, déterminent essentiellement une manière toute autre de se comporter dans le monde ; une foule de petites erreurs de petits délits sociaux considérés comme très-essentiels sous le gouvernement des rois, qui devoient exiger d’autant plus, qu’ils avoient plus besoin d’imposer des freins pour se rendre respectables ou inabordables à leurs sujets, vont devenir nuls ici ; d’autres forfaits connus sous les noms de régicide et de sacrilège, sous un gouvernement qui ne connoît plus ni rois ni religion, doivent s’anéantir de même dans un état républicain. En accordant la liberté de conscience et celle de la presse, songez citoyens, qu’à bien peu de chose près, on doit accorder celle d’agir, et qu’excepté ce qui choque directement les bases du gouvernement, il vous reste on ne sauroit moins de crimes à punir, parceque dans le fait, il est fort peu d’actions criminelles dans une société dont la liberté et l’égalité ſont les bases, et qu’à bien peser et bien examiner les choses, il n’y a vraiment de criminel que ce que réprouve la loi, car la nature nous dictant également des vices et des vertus, en raison de notre organisation, ou plus philosophiquement encore en raison du besoin qu’elle a de l’un ou de l’autre, ce qu’elle nous inspire deviendroit une mesure très-incertaine pour régler avec précision ce qui est bien ou ce qui est mal. Mais pour mieux développer mes idées sur un objet aussi essentiel, nous allons classer les différentes actions de la vie l’homme, que l’on étoit convenus jusqu’à présent de nommer criminelles, et nous les toiserons ensuite aux vrais devoirs d’un républicain.

On a considéré de tous temps les devoirs de l’homme sous les trois différens rapports suivans.

1° Ceux que sa conscience et sa crédulité lui impose envers l’être suprême ;

2° Ceux qu’il est obligé de remplir avec ses freres.

3° Enfin ceux qui n’ont de relation qu’avec lui.

La certitude où nous devons être qu’aucun dieu ne s’est mêlé de nous, et que, créatures nécessitées de la nature comme les plantes et les animaux, nous sommes ici parcequ’il étoit impossible que nous n’y fussions pas, cette certitude sans-doute anéantit comme on le voit tout d’un coup la première partie de ces devoirs, je veux dire ceux dont nous nous croyons faussement responsables envers la divinité ; avec eux disparoissent tous les délits religieux, tous ceux connus sous les noms vagues et indéfinis d’impiété, de sacrilège de blasphême, d’athéïsme etc. tous ceux en un mot qu’Athènes punit avec tant d’injustice dans Alcibiade, et la France dans l’infortuné Labarre. S’il y a quelque chose d’extravagant dans le monde, c’est de voir des hommes qui ne connoissent leur Dieu et ce que peut exiger ce Dieu, que d’après leurs idées bornées ; vouloir néanmoins décider sur la nature de ce qui contente ou de ce qui fâche ce ridicule fantôme de leur imagination, ce ne seroit donc point à permettre indifféremment tous les cultes que je voudrois qu’on se bornât, je desirerois qu’il fût libre de se rire et de se moquer de tous, que des hommes réunis dans un temple quelconque pour invoquer l’éternel à leur guise, fussent vus comme des comédiens sur un théatre ; au jeu desquels il est permis à chacun d’aller rire ; si vous ne voyez pas les religions sous ce rapport, elles reprendront le sérieux qui les rend importantes, elles protégeront bientôt les opinions, et l’on ne se sera pas plutôt disputé sur les religions, que l’on se rebattra pour les religions[5] ; l’égalité détruite par la préférence ou la protection accordée à l’une d’elles disparoitra bientôt du gouvernement, et de la théocratie réédifiée, renaîtra bientôt l’aristocratie. Je ne saurois donc trop le répéter, plus de Dieux, français plus de Dieux, si vous ne voulez pas que leur funeste empire vous replonge bientôt dans toutes les horreurs du despotisme, mais ce n’est qu’en vous en moquant que vous les détruirez, tous les dangers qu’ils traînent à leur suite renaîtront aussi-tôt en foule, si vous y mettez de l’humeur ou de l’importance. Ne renversez point leurs idoles en colère, pulvérisez-les en jouant, et l’opinion tombera d’elle-même.

En voilà suffisamment, je l’espere, pour démontrer qu’il ne doit être promulgué aucune loi contre les délits religieux, parce que qui offense une chimere n’offense rien, et qu’il seroit de la dernière inconséquence de punir ceux qui outragent ou qui méprisent un culte dont rien ne vous démontre avec évidence la priorité sur les autres ; ce seroit nécessairement adopter un parti, et influencer dès-lors la balance de l’égalité, première loi de votre nouveau gouvernement.

Passons aux seconds devoirs de l’homme, ceux qui le lient avec ses semblables ; cette classe est la plus étendue sans doute. La morale chrétienne trop vague sur les rapports de l’homme avec ses semblables, pose des bases si pleines de sophismes, qu’il nous est impossible de les admettre ; parce que, lorsqu’on veut édifier des principes, il faut bien se garder de leur donner des sophismes pour bases. Elle nous dit, cette absurde morale, d’aimer notre prochain comme nous-même ; rien ne seroit assurément plus sublime, s’il étoit possible que ce qui est faux, pût jamais porter les caractères de la beauté ; il ne s’agit pas d’aimer ses semblables comme soi-même, puisque cela est contre toutes les loix de la nature, et que son seul organe doit diriger toutes les actions de notre vie ; il n’est question que d’aimer nos semblables comme des frères, comme des amis que le nature nous donne, et avec lesquels nous devons vivre d’autant mieux dans un état républicain, que la disparution des distances doit nécessairement resserrer les liens.

Que l’humanité, la fraternité, la bienfaisance cous prescrivent d’après cela nos devoirs réciproques, et remplissons-les individuellement dans le simple degré d’énergie que nous a sur ce point donné la nature, sans blâmer et surtout sans punir ceux qui, plus froids on plus attrabilaires, n’éprouvent pas dans ces liens néanmoins si touchans toutes les douceurs que d’autres y rencontrent ; car on en conviendra, ce seroit ici une absurdité palpable que de vouloir proscrire des loix universelles ; ce procédé seroit aussi ridicule que celui d’un général d’armée qui voudroit que tous ses soldats fussent vêtus d’un habit fait sur la même mesure ; c’est une injustice effrayante que d’exiger que des hommes de caractères inégaux se plient à des loix égales ; ce qui va à l’un ne va point à l’autre, je conviens que l’on ne peut pas faire autant de loix qu’il y a d’hommes ; mais les loix peuvent être si douces, en si petit nombre, que tous les hommes de quelque caractère qu’ils soient, puissent facilement s’y plier, encore exigerois-je que ce petit nombre de loix fût d’espèce à pouvoir s’adapter facilement à tous les différens caractères ; l’esprit de celui qui la dirigeroit, seroit de frapper plus ou moins, en raison de l’individu qu’il faudroit atteindre ; il est démontré qu’il y a telle vertu dont la pratique est impossible à certains hommes, comme il y a tel remède qui ne sauroit convenir à tel tempérament : or quel sera le comble de votre injustice, si vous frappez de la loi celui auquel il est impossible de se plier à la loi ; l’iniquité que vous commettriez en cela, ce seroit-elle pas égale à celle dont vous vous rendriez coupable, si vous vouliez forcer un aveugle à discerner les couleurs ? de ces premiers principes, il découle, on le sent, la nécessité de faire des loix douces, et sur-tout d’anéantir pour jamais l’atrocité de la peine de mort, parce que la loi qui attente à la vie d’un homme, est impraticable, injuste, inadmissible ; ce n’est pas, ainsi que je le dirai tout-à-l’heure, qu’il n’y ait une infinité de cas où, sans outrager la nature (et c’est ce que je démontrerai), les hommes n’aient reçu de cette mère commune l’entière liberté d’attenter à la vie les uns des autres, mais c’est qu’il est impossible que la loi puisse obtenir le même privilège, parce que la loi froide par elle-même ne sauroit être accessible aux passions qui peuvent légitimer dans l’homme la cruelle action du meurtre ; l’homme reçoit de la nature les impressions qui peuvent lui faire pardonner cette action, et la loi au contraire toujours en opposition à la nature, et ne recevant rien d’elle, ne peut être autorisée à se permettre les mêmes ècarts ; n’ayant pas les mêmes motifs, il est impossible qu’elle ait les mêmes droits, voilà de ces distinctions savantes et délicates qui échappent à beaucoup de gens, parce que fort peu de gens réfléchissent ; mais elles seront accueillies des gens instruits à qui je les adresse, et elles influeront, je l’espère, sur le nouveau code que l’on nous prépare.
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2/
Ô vous qui avez la faux à la main, portez le dernier coup à l’arbre de la superstition, ne vous contentez pas d’élaguer les branches, déracinez tout-à-fait une plante dont les effets sont si contagieux ; soyez parfaitement convaincus que votre systême de liberté et d’égalité contrarie trop ouvertement les ministres des autels de Christ, pour qu’il en soit jamais un seul, ou qui l’adopte de bonne foi, ou qui ne cherche pas à l’ébranler s’il parvient à reprendre quelqu’empire sur les consciences ; quel sera le prêtre qui comparant l’état où l’on vient de le réduire, avec celui dont il jouissoit autrefois, ne fera pas tout ce qui dépendra de lui pour recouvrer et la confiance, et l’autorité qu’on lui a fait perdre ? Et que d’êtres foibles et pusillanimes redeviendront bientôt les esclaves de cet ambitieux tonsuré ; pourquoi n’imagine-t-on pas que les inconvéniens qui ont existé peuvent encore renaître ? Dans l’enfance de l’église chrétienne, les prêtres n’étoient-ils pas ce qu’ils sont aujourd’hui ? Vous voyiez où ils étoient parvenus, qui pourtant les avoit conduit là : n’étoit-ce pas les moyens que leur fournissoit la religion ? Or si vous ne la défendez pas absolument cette religion, ceux qui la prêchent ayant toujours les mêmes moyens, arriveront bientôt au même but. Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jour votre ouvrage ; songez que le fruit de vos travaux n’étant réservé qu’à nos neveux, il est de votre devoir, de votre probité, de ne leur laisser aucun de ces germes dangereux qui pourroient les replonger dans le chaos dont nous avons tant de peine à sortir ; déjà nos préjugés se dissipent, déjà le peuple abjure les absurdités catholiques, il a déjà supprimé les temples, il a culbuté les idoles, il est convenu que le mariage n’étoit plus qu’un acte civil, Les confessionnaux brisés servent aux foyers publics les prétendus fidèles, désertant le banquet apostolique, laissent les dieux de farine aux souris. Français, ne vous arrêtez point, l’Europe entière, une main déjà sur le bandeau qui fascine ses yeux, attend de vous l’effort qui doit l’arracher de son front ; hâtez-vous, ne laissez pas à Rome La sainte, s’agitant en tout sens pour réprimer votre énergie, le tems de te conserver peut-être encore quelques prosélites. Frappez sans ménagement sa tête altière et frémissante, et qu’avant deux mois l’arbre de la liberté, ombrageant les débris de la chaire de Saint-Pierre, couvre du poids de ses rameaux victorieux, toutes ces méprisables idoles du christianisme effrontément élevées sur les cendres et des Catons et des Brutus. Français, je vous le répète, l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et de l’encensoir ; songez qu’il vous est impossible de l’affranchir de la tyrannie royale, sans lui faire briser en même tems les freins de la superstition religieuse ; les liens de l’une sont trop intimement unis à l’autre, pour qu’en en laissant subsister un des deux, vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui que vous aurez négligé de dissoudre ; ce n’est plus ni aux genoux d’un être imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur, qu’un républicain doit fléchir ; ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. Rome disparut dès que le christianisme s’y prêcha ; et la France est perdue s’il s’y révère encore. Qu’on examine avec attention les dogmes absurdes, les mystères effrayans, les cérémonies monstrueuses, la morale impossible de cette dégoûtante religion, et l’on verra si elle peut convenir à une République ; croyez-vous de bonne foi que je me laisserois dominer par l’opinion d’un homme que je viendrois de voir aux pieds de l’imbécille prêtre de Jésus ? non, non certes, cet homme toujours vil tiendra toujours par la bassesse de ses vues aux atrocités de l’ancien régime ; dès qu’il peut se soumettre aux stupidités d’une religion aussi plate que celle que nous avions la folie d’admettre, il ne peut plus ni me dicter des lois, ni me transmettre des lumières, je ne le vois plus que comme un esclave des préjugés et de la superstition ; jettons les yeux, pour nous convaincre de cette vérité, sur le peu d’individus qui reste attaché au culte incensé de nos pères, nous verrons si ce ne sont pas tous des ennemis irréconciliables du systême actuel, nous venons si ce n’est pas dans leur nombre qu’est entièrement comprise cette caste si justement méprisée de royalistes et d’aristocrates. Que l’esclave d’un brigand couronné fléchisse s’il le veut aux pieds d’un idole de pâte, un tel objet est fait pour son ame de boue, qui peut servir des rois doit adorer des dieux : mais nous, Français, mais nous mes compatriotes, nous ramper encore humblement sous des freins aussi méprisables, plutôt mourir mille fois que de nous y asservir de nouveau ; puisque nous croyons un culte nécessaire, imitons celui des romains ; les actions, les passions, les héros, voilà quels en étoient les respectables objets ; de telles idoles élevoient l’ame, elles l’électrisoient, elles faisoient plus, elles lui communiquoient les vertus de l’être respecté ; l’adorateur de Minerve vouloit être prudent. Le courage étoit dans le cœur de celui qu’on voyoit aux pieds de Mars, pas un seul dieu de ces grands hommes n’étoient privé d’énergie, tous faisoient passer le feu dont ils étoient eux-mêmes embrâsés dans l’ame de celui qui les vénéroit, et comme on avoit l’espoir d’être adoré soi-même un jour, on aspiroit à devenir au moins aussi grand que celui qu’on prenoit pour modèle. Mais que trouvons-nous au contraire dans les vains dieux du christianisme, que vous offre je le demande, cette imbécille religion[1] ? le plat imposteur de Nazareth vous fait-il naître quelques grandes idées ? sa sale et dégoûtante mère, l’impudique Marie, vous inspire-t-elle quelques vertus ? et trouvez-vous dans les saints dont est garni son Élysée, quelque modèle de grandeur, ou d’héroïsme ou de vertus ? Il est si vrai que cette stupide religion ne prête rien aux grandes idées, qu’aucun artiste n’en peut employer les attributs dans les monumens qu’il élève ; à Rome même la plupart des embellissemens ou des ornemens du palais des papes ont leurs modèles dans le paganisme, et tant que le monde subsistera, lui seul échauffera la verve des grands hommes.
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3/
Serra-ce dans le theisme pur que nous trouverons plus de motifs de grandeur ou d’élévation ? sera-ce l’adoption d’une chimère, qui donnant à notre ame ce degré d’énergie essentiel aux vertus républicaines, portera l’homme à les chérir, ou à les pratiquer ? ne l’imaginons pas, on est revenu de ce phantôme, et l’athéïsme est à présent le seul systême de tous les gens qui savent raisonner ; à mesure que l’on s’est éclairé, on a senti que le mouvement étant inhérent à la matière, l’agent nécessaire à imprimer ce mouvement devenoit un être illusoire, et que tout ce qui existoit devant être en mouvement par essence, le moteur étoit inutile ; on a senti que ce dieu chimérique prudemment inventé par les premiers législateurs, n’étoit entre leurs mains qu’un moyen de plus pour nous enchaîner, et que sa réservant le droit de faire parler seul ce phantôme, il sauroit bien ne lui faire dire que ce qui viendroit à l’appui des lois ridicules par lesquelles ils prétendoient nous asservir. Licurgue, Numa, Moïse, Jésus Christ, Mahomet, tous ces grands fripons, tous ces grands despotes de nos idées, surent associer les divinités qu’ils fabriquoient à leur ambition démesurée, et certains de captiver les peuples avec la sanction de ces dieux, ils avoient, comme on sait, toujours soin ou de ne les interroger qu’à propos, ou de ne leur faire répondre que ce qu’ils croyoient pouvoir les servir. Tenons donc aujourd’hui dans le même mépris, et le dieu vain que des imposteurs ont prêché, et toutes les subtilités religieuses qui découlent de sa ridicule adoption, ce n’est plus avec ce hochet qu’on peut amuser des hommes libres ; que l’extinction totale des cultes entre donc dans les principes que nous propageons dans l’Europe entière, ne nous contentons pas de briser les sceptres, pulvérisons à jamais les idoles ; il n’y eut jamais qu’un pas de la superstition au royalisme[2], il faut bien que cela soit sans doute, puisqu’un des premiers articles du sacre des rois, étoit toujours le maintien de la religion dominante, comme une des bases politiques qui devoit le mieux soutenir leur trône, mais dès qu’il est abattu ce trône, dès qu’il l’est heureusement pour jamais, ne redoutons point d’extirper de même ce qui en formoient les appuis ; oui, citoyens, la religion est incohérente au systême de la liberté ; vous l’avez senti, jamais l’homme libre ne se courbera près des dieux du christianisme, jamais ses dogmes, jamais ses rites, ses mystères ou sa morale ne conviendront à un républicain ; encore un effort, puisque vous travaillez à détruire tous les préjugés, n’en laissez subsister aucun, s’il n’en faut qu’un seul pour les ramener tous ; combien devons-nous être plus certain de leur retour, si celui que vous laissez vivre est positivement le berceau de tous les autres ?

Cessons de croire que la religion puisse être utile à l’homme, ayons de bonnes lois, et nous saurons nous passer de religion. Mais il en faut une au peuple, assure-t-on, elle l’amuse, elle le contient, à la bonne heure ; donnez-nous donc, en ce cas, celle qui convient à des hommes libres. Rendez-nous les dieux du paganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou Pallas, mais nous ne voulons plus du fabuleux auteur d’un univers qui se meut lui-même, nous ne voulons plus d’un dieu sans étendue et qui pourtant remplit tout de son immensité, d’un dieu tout-puissant, et qui n’exécute jamais ce qu’il désire, d’un être souverainement bon, et qui ne fait que des mécontens, d’un être ami de l’ordre, et dans le gouvernement duquel tout est en désordre. Non, nous ne voulons plus d’un dieu qui dérange la nature, qui est le père de la confusion, qui meut l’homme au moment où l’homme se livre à des horreurs ; un tel dieu nous fait frémir d’indignation, et nous le reléguons pour jamais dans l’oubli d’où l’infâme Robespierre voulut le sortir[3].
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Grâce à un mécénat exceptionnel d'Emmanuel Boussard, la bibliothèque de l'Arsenal qui conserve les archives de la Bastille, a pu voir entrer dans ses collections le manuscrit autographe des 120 Journées de Sodome, exposé au musée de la BnF à partir de cet automne. Une journée d'étude interroge les différentes facettes de la figure du marquis Sade et revient sur l'histoire rocambolesque de cette oeuvre mythique, rédigée pendant sa captivité.
Plus d'informations : https://www.bnf.fr/fr/agenda/de-quoi-sade-est-il-le-nom-vers-leclipse-du-soleil-noir-le-rouleau-des-120-journees-dans-les
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