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EAN : 9782955639108
112 pages
Eric Sagan (15/03/2016)
3.52/5   124 notes
Résumé :
Il était une fois un garçon d'une vingtaine d'années. Qui tombe amoureux d'un mec. D'un mec hétéro. Rien de très original.

Mais ce garçon se met en tête d'écrire une lettre. Dans cette lettre, il va raconter sa vie, son enfance, ses peurs, ses péripéties d'enfant normal, ou presque, péripéties touchantes, souvent drôles, parfois choquantes, toujours humaines.

Cette lettre il la donne à Hervé. Et il la donnera également plus tard à ses... >Voir plus
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C'est toujours un plaisir d'être surprise par un livre, surtout quand sa découverte tient du hasard total. J'ai concocté il y a quelques temps déjà une liste « romans épistolaires et correspondances célèbres », un genre que j'affectionne évidemment, et j'ai reçu un message d'Eric Sagan me suggérant d'ajouter son court récit, puis me proposant de le découvrir.
J'accepte rarement les demandes directes sur le site, mais là, allez savoir pourquoi…une authentique lettre écrite à vingt-quatre ans, une quatrième de couverture qui annonce que ce livre a une histoire, et le parcours de l'auteur pour faire exister ce livre, intégralement auto-édité, bref j'ai accepté et je ne le regrette pas.

Ce récit doux-amer dépeint si bien les difficultés de l'adolescence, quand on cherche sa place, oscillant entre rejet et besoin des autres, entre enfance et âge adulte. À hauteur d'ado, Eric Sagan ramène son lecteur à cette époque, avec une pointe d'humour délicieux…

Certes, l'auteur est gay, et cette lettre a été donnée à Hervé, mais contrairement à ce que semble suggérer le résumé, ce n'est pas selon moi l'essentiel du propos. Sous une forme en apparence anodine et simple, il fait passer un message percutant d'évidence et d'amour. C'est, je crois, ce qui fait le prix de ce texte, tour à tour drôle et réfléchi, mais aussi poignant.

Avant tout, l'amour n'a pas de norme, de barrières, il s'impose et comme le dit si bien Eric :
" On ne peut se passer bien longtemps d'aimer. "
Certains l'ignorent...peut-être...ou préfèrent l'occulter et les ravages causés par cette ignorance sont incalculables.

Tout ce qui peut ouvrir les yeux des ignorants, favoriser la tolérance les uns envers les autres est utile et nécessaire. En ce sens, la lettre à Hervé est belle et nécessaire.
Merci pour l'envoi Eric et bonne route à La lettre à Hervé...
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Mon avis :

Je tiens tout d'abord à remercier ERIC SAGAN, l'auteur lui-même, pour le magnifique travail qu'il a réalisé, un peu seul contre tous, si je puis dire, en éditant lui même son livre, et en y joignant un petit mot avec, ainsi que Babelio, pour cette Masse Critique privilégiée.

Comme le dit l'auteur, "Ce n'est pas une histoire d'amour. C'est l'histoire d'une déclaration d'amour." C'est une simple histoire de vie. C'est surtout l'histoire d'un jeune homme pas comme les autres, un jeune homme qui ne veut pas rentrer dans le moule, un jeune homme qui n'aime ni les filles, ni le sport, et qui ne veut surtout pas leur ressembler, un jeune homme qui aime les hommes, mais qui ne veut pas se l'admettre, un jeune homme qui ne trouve pas sa place parmi les autres, ou encore un jeune homme qui fait le pitre pour être accepté des autres.

À de nombreux moments, je me suis reconnue dans certains passages de cette lettre. Cette lettre à Hervé ... Hervé, cet homme qu'il aime, et à qui il décide de se confier, de tout lui dire, en faisant preuve, le plus possible, de transparence , de son enfance à son adolescence et bien plus encore ... de ce qui a marqué sa vie, de ses expériences passées, de cet amour qu'il ressent. de ses galères et de ses réussites.

C'est avec parfois un brin de tristesse, ou encore d'humour que l'auteur nous conte son histoire. Cette lettre, d'à peine 100 pages, que l'on aurait certainement aimé poursuivre encore et encore, tant l'écriture est simple, fluide et agréable. Mais cela reste une lettre, et non un roman. L'auteur ne pouvait certainement pas en garder l'authenticité et nous rajouter des pages à n'en plus finir, afin de satisfaire la gourmandise de tous ses lecteurs. Cette lettre qui se dévore, et ce final ... Ah ce final, je n'ai pas de mots pour le décrire... Il est tout à la fois, beau, triste, fort, dur, plein d'espoir et d'amour ...

Que dire de plus sur cette lecture. Une lecture peu commune, pas comme les autres, une lecture sincère et entière. Je recommande bien évidemment cette "Lettre à Hervé".


Petit entretien avec l'auteur :


• Bonjour Eric.
Tout d'abord, merci pour votre envoi, pour ce partage. Merci de nous faire suffisamment confiance, à nous lecteurs, pour nous envoyer la prunelle de vos yeux et accepter quelque part de vous mettre à nu devant nous.
C'est la première fois sur ce blog, que j'ai la chance de pouvoir interviewer un homme, j'en suis très contente.
Comment et pourquoi avez-vous eu envie de publier cette lettre à Hervé ? Qu'est-ce qui vous y a réellement poussé ? le fait de la retrouver au fin fond d'un tiroir il y a peu ?

J'ai pris la décision de publier ce texte sans vraiment réfléchir, fin décembre 2015, en retombant presque par hasard sur cette lettre écrite 24 ans plus tôt. Cela m'est alors apparu comme une évidence, une nécessité. Je n'en attendais rien de précis, à part peut-être laissé une trace de cette histoire… Une trace qui pourrait continuer à vivre sa propre vie, mêlée à d'autres vies, à d'autres histoires, celles de gens que le livre aurait touché… Sur ce plan, les témoignages que j'ai reçus depuis ont dépassé mes espérances… Certains m'ont fait pleurer. Tous m'ont communiqué une reconnaissance incroyable.

• Vous avez publié vous-même votre livre. Pour quelles raisons ? Peut-on dire qu'il est difficile de trouver une maison d'édition ?

Pour être franc, je ne sais absolument pas s'il est facile de trouver une maison d'édition : je n'ai même pas essayé. Lorsque j'ai décidé de publier cette lettre, il était hors de question pour moi d'attendre des semaines, des mois, de chercher à « vendre » ce récit à un éditeur, de l'écouter me conseiller des modifications… Cette publication répondait à une forme « d'urgence » pour moi. Seule l'autoédition permettait cela.

Depuis, j'ai été contacté par des maisons d'édition… Pour ce livre, il est trop tard…

• Avez-vous envie de continuer à écrire ? Prévoyez-vous de publier un autre livre ?

Beaucoup de lecteurs m'ont écrit pour m'encourager à continuer à écrire, certains me réclament « la suite de l'histoire »… Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une suite à ce livre, du moins une suite au sens classique du terme.

Mais je repense à une interview de Jacques Brel, au cours de laquelle Jacques affirmait connaître des milliers de personnes répétant, chaque année, « bon, encore un an à vendre des chaussettes, puis j'écris un livre… » . Il y a encore trois mois, tristement, je ne pouvais que constater que je rentrais dans cette catégorie… Une espèce de zéro janvier, rêvant d'être un artiste, mais qui, contrairement à ce sombre héros de Starmania, ne savait pas chanter…

Aujourd'hui, assurément, cette aventure m'a communiqué l'irrésistible envie de continuer à écrire, à partager des émotions…

• Comment peut-on se procurer votre livre actuellement ?

Pour l'instant, « Lettre à Hervé » est surtout vendu en ligne chez Amazon, en version papier (6,90 €) ou numérique pour Kindle (3,40 €).

Mais on peut le trouver également en rayon à la librairie « Les mots à la bouche » à Paris, ainsi qu'à la librairie "Develay"c, à Villefranche-sur-saône.
À partir de fin mars, il devrait être possible de le commander dans n'importe quelle librairie et depuis n'importe quel site de vente en ligne en France…

• Votre livre fait partit du top 10 des dernières nouveautés littéraires sur Amazon ? Qu'est-ce que cela vous fait ? Aviez-vous imaginer un tel succès ?

Honnêtement, on m'aurait dit lorsque j'ai pris la décision de publier ce livre qu'il allait figurer pendant un mois dans le top 100 des plus fortes ventes en littérature sur Amazon, je ne l'aurais jamais cru… Car, vous l'avez compris, ce texte n'était, à l'origine, aucunement destiné à être publié. 80 % du texte est issu d'une vraie lettre que j'ai écrite à 24 ans, lettre qui n'était alors destinée qu'à une seule personne : Hervé. Sans le soutien d'une maison d'édition, sans aucun appui médiatique, être parvenu à conquérir autant de lecteurs avec un livre aussi particulier, c'est juste incroyable…

Depuis sa publication, j'ai reçu des dizaines de témoignages de jeunes, de moins jeunes, d'hommes, de femmes, gays ou hétéros, qui m'ont dit, parfois en pleurant, que ce texte les avait aidées…

Certains, en particulier, m'ont marqué. Je pense par exemple à celui d'une jeune femme, hétéro, qui me raconte avoir perdu son meilleur ami, gay, deux ans auparavant, après qu'il se soit suicidé… Elle m'écrit : « Si j'avais lu ce texte à l'époque, j'aurais sûrement mieux compris ce qu'il ressentait… Lui aurait très certainement été heureux de lire votre récit… ».

Un autre également, celui d'un père, hétéro à 200 %... Il m'a dit : « Si mon fils m'avait donné cette lettre, j'aurais été très fier. Car je me serais rendu compte qu'il était capable d'aimer, vraiment. À vingt ans, je ne pensais qu'aux filles, au sexe. Je me sentais incapable d'aimer. Alors, voir que mon fils y parvenait mieux que moi, cela m'aurait rendu heureux. »…

Quelle plus belle reconnaissance pouvais-je espérer ? Quel plus beau cadeau pouvais-je rêver obtenir ?

Je me dis même parfois que c'est trop, que ce texte ne mérite pas ça, que je mérite d'autant moins ce succès que je ne comprends même pas vraiment comment une telle magie parvient à s'opérer… Je suis tellement conscient des imperfections, des problèmes de style : cette lettre, lorsqu'elle est née, n'avait aucunement l'ambition d'être vue comme de la littérature…

Et puis, je me suis dit que la magie, cela ne s'explique pas, que cela marche encore moins si l'on cherche à l'expliquer. Que cette magie, elle ne vient pas du texte seul, mais de la rencontre de ce texte avec la propre histoire des gens… En le lisant, chaque lecteur fabrique une nouvelle histoire qui lui est propre, interprète le texte à la lumière de sa propre vie, de sa propre expérience…

Je crois que ce qui fait la force de cette lettre, c'est qu'elle ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit. Elle raconte une histoire vraie, elle présente un personnage qui, même s'il cherche parfois à se justifier, va au final comprendre une chose essentielle : peu importe le « pourquoi »… Il est comme il est, cela ne se discute pas, il aime, peu importe que ce soit une fille ou un garçon. Il est vivant, il est libre de faire ce qu'il veut de sa vie… Je crois que c'est ce message qui, à travers ce récit, aide les gens.

• Eric, merci de m'avoir accordé ce petit moment de partage, il est toujours agréable de pouvoir rentrer en contact avec l'auteur, de comprendre le comment du pourquoi, ou tout simplement d'en savoir plus. Je suis une véritable curieuse et suis très contente de pouvoir avoir ce genre d'échanges avec les auteurs. Merci encore, et bonne continuation pour la suite.

Lien : http://libebook81.blogspot.f..
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C'est une lettre écrite par un jeune homme tombé amoureux d'un mec (a priori hétéro), un texte court, qui se lit très vite, d'une traite, même si, pour une lettre, c'est long. Car Eric choisit d'expliquer à Hervé qui il est, en racontant sa vie ou plutôt quelques moments de sa vie (en ordre chronologique). L'écriture est simple et fluide, le ton est nature, non dénué d'humour. Bien sûr ce texte a quelques défauts, mineurs, il est difficile de le qualifier d'oeuvre littéraire, et cependant tous ces petits défauts involontaires contribuent à rendre ce texte touchant. Et c'est ce qui lui donne toute sa valeur, toute sa portée. « Ce livre, c'est juste une lettre. Puis une deuxième. » comme le dit l'auteur, mais la deuxième est digne du meilleur twist final d'un roman. Quant à la première, difficile de trouver plus beau texte sur l'homosexualité, comme il est écrit en préambule il ne pouvait écrire meilleur texte pour expliquer qui il est, la nature de ses sentiments, en quoi il est différent (et aussi et surtout en quoi il est pareil). A lire absolument !
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Une lettre qui débute par le récit des jeunes années d'un garçonnet, entre les souvenirs scolaires et les repéres familiaux. C'est une lecture agréable, entre nostalgie et humour, agrémentée de quelques vérités "bonnes à dire" pour donner du piment au récit et régler quelques comptes envers l'éducation reçue.

Tout en prenant plaisir à suivre l'apprentissage à la vie d'un adolescent, je me suis interrogée sur la nécessité de ce livre, au fond assez convenu, porté par une écriture aisée et fluide. En dépit d'anecdotes amusantes, c'est plus un recueil de souvenirs évoquant l'enfance qu'une prise de conscience concernant l'homosexualité ( il faut atteindre la page 72 sur un total de 94 pour arriver au coeur du sujet). Etant plutôt hermétique aux récits personnels et sentimentaux, j'ai lu avec beaucoup de distance, appréciant néanmoins la plume spontanée et désirant être à la hauteur de la confiance du partage proposé par Eric Sagan.

Ceci dit et constaté, ce petit livre reste un agréable récit, suscitant émotions et réflexions sur la construction d'un individu. Un court récit qui offre une chute inattendue par les révélations diaphanes de la dernière lettre.

Merci à Babelio et à l'auteur pour cette lecture.

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Lettre à Hervé était dans ma PAL depuis décembre 2016, quand Babelio a souligné « le succès inattendu de ce livre sur l'enfance d'un garçon ordinaire, ou presque ». Les questions liées à l'homophobie m'interpellent, me révoltent et naturellement, je désirais lire ce texte…

Il n'est pas aisé de faire une critique d'un livre qui transmet une histoire vraie, un vécu douloureux ou un témoignage, surtout si le livre est auto édité : de quel droit porter un jugement, donner un avis sur la forme ou sur le fond ? Éric Sagan est très clair dans son préambule sur l'exposé de ses motivations : « ce livre ne prétend rien expliquer, rien démontrer ». Cette publication était essentielle pour lui : il fallait mettre en lumière son « avant » pour construire et réussir sa vie d' « après »…

Que ceux qui ne se sentent pas concernés ou touchés passent leur chemin et se taisent ! Moi, je vais juste dire mon ressenti…

Une lettre est une volonté d'échange de points de vue à un moment donné, en décalage par rapport aux évènements décrits. Ici, c'est un échange à sens unique car la réponse du destinataire ne nous est pas donnée à lire ; par contre, la lettre archivée voyage dans le temps, sert de passerelle entre les générations, d'outil pédagogique.
Cette lettre est un récit d'enfance et d'adolescence et je me reconnais dans certains souvenirs évoqués (le catéchisme, l'école privée, la difficile confrontation avec les autres…) au delà des clivages autour de sexe et de l'éveil de la puberté… Cette lettre dit avec des « putains de mots » simples, naturels que les homos sont des gens comme tout le monde, qu'ils ont été des enfants comme les autres, qu'on n'a pas le droit de définir quelqu'un selon sa sexualité. Découvrir que son enfant est homosexuel ne doit plus être vécu comme une catastrophe, mais comme un élément factuel.

Puisse ce livre servir à gommer les différences, estomper ce « presque » normal, « presque » pareil qui altère notre diversité. Merci Eric Sagan.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Je croyais alors sans le moindre doute, avec une foi totale, comme seul en est capable un gosse à qui un adulte inculque une vérité absolue. Mais Dieu m’apparaissait comme un personnage confus, ambivalent : il y avait d’un côté Jésus-le-bienveillant, ses actes d’abnégation, de pardon, sa bonté inconditionnelle... celui qui tendait l’autre joue. Et, dans le même temps, il y avait le Dieu vengeur, celui de l’Apocalypse, celui qui n’hésitait pas à noyer l’humanité sous un déluge, celui qui faisait pousser des pommiers sous le nez de ses créatures tout en interdisant d’en manger les fruits, qui décidait d’envoyer les gens souffrir en enfer pour l’éternité... Il y avait aussi le Saint- Esprit, dont le rôle m’échappait totalement, mais que nous devions vénérer. Et l’on nous répétait que ces trois personnages, le gentil, le méchant, et l’inconsistant, ne faisaient qu’un. Cela me plongeait dans une forme de désarroi craintif, face à cet être aux trois visages, à la puissance absolue, aux réactions imprévisibles. Car Dieu savait tout, voyait tout. Il savait même ce que je pensais. Il avait accès à mon cerveau, guettant mes moindres faux pas.

[…]

Ah oui, j’ai oublié de préciser. Je ne concevais absolument pas mon attirance pour Michel comme de l’homosexualité. Comme tout le monde, j’avais en tête l’image ridicule du pédé de la Cage aux folles. Je ne me sentais vraiment pas comme ça. Je ne voulais en aucun cas ressembler à « ça ». Déjà que je n’aimais pas la manière d’être des filles... Alors ressembler à la caricature d’une fille, cela me dégoûtait profondément. Encore aujourd’hui, du haut de mes vingt-quatre ans, je le confesse honteusement, je ressens une forme de dégoût pour ces hommes. Le même genre de dégoût que l’on peut ressentir devant un tableau aux couleurs trop vives, écœurantes, un peu comme ces sauces anglaises. Ils n’y sont pour rien, mais je leur en veux, à tous ces pédés, de transformer, aux yeux des hétéros, l’amour vrai, sincère et total qu’un homme peut ressentir pour un autre, en une caricature grotesque, ridicule et vulgaire, dont on fait des films comiques. Oui, je sais qu’ils n’y sont pour rien. Si cela devait être la faute de quelqu’un, c’est évidemment celle des gens « normaux », en tout cas majoritaires, qui ne peuvent s’empêcher de ridiculiser ce qui ne leur ressemble pas, ceux qu’ils ne comprennent pas. Ces gens normaux qui sont même parvenus à me faire ressentir du dégoût pour des mecs qui, comme moi pourtant, aiment d’autres garçons. Qui sont parvenus à me faire croire que je n’étais pas gay. Mais si je n’étais pas gay et que je n’étais pas hétéro... j’étais quoi ? J’étais amoureux de Michel.

[…]

Ai-je changé ? Oui, j’ai appris à apprécier la féminité. De la même façon qu’un certain nombre de mecs finissent par accepter qu’ils ont aussi besoin de l’affection d’un homme, j’ai fini par accepter que j’avais aussi besoin des femmes. J’ai même fini par admettre qu’une femme n’est pas moins intelligente qu’un homme, c’est dire.

[…]

J’ai besoin d’espace, d’imprévus, de défis, de quelqu’un d’assez taré pour avoir envie de courir un marathon, de partir en moto, sous la pluie, faire une randonnée dans les Alpes en hiver. J’ai besoin de... toi, emporté par le rythme enivrant de ton cœur qui bat, toi, rescapé du flux anesthésiant de ta télé, toi, attiré par l’horizon, la nature, l’aventure, toi dont le regard porte au-delà des pubs, des modes et de ton revenu annuel brut, toi qui réchauffes le sens du mot amitié, toi... J’ai besoin...

[…]

Il y aurait plein de choses à raconter. Mais je me rends compte qu’il était bien plus facile de parler de cet enfant qui allait devenir moi, de cet enfant proche mais déjà lointain, que de ces années récentes encore bien vivaces, ces années dans lesquelles tu ne vas pas tarder à apparaître, toi, Hervé. Je réalise aussi que ça fait déjà depuis de trop nombreuses pages que je te gonfle avec mes histoires. Des pages où je ne parle que de moi, comme si j’étais un sujet tellement intéressant que je mérite un livre. J’étais parti pour écrire une lettre, une ou deux pages, et voilà que je me lance dans un roman, je ne me rendais pas compte. Je ne voulais pas ça. Je voulais simplement dédramatiser cette histoire dans laquelle la vie nous avait projetés. Je voulais te montrer que je n’étais, ni plus, ni moins, qu’un type comme les autres. Comme tout le monde, une goutte d’eau dans l’océan. Comme tout le monde, un océan dans une goutte d’eau. Ni plus, ni moins, un type comme les autres.

[…]

Mais non. Voilà que cela s’infiltre hors de toi, déformé, atrophié, à travers des mots. Putain de mots. Si je pouvais m’ouvrir le ventre pour le laisser exploser au grand air, ce truc, si je pouvais le prendre délicatement pour le coucher sur une feuille blanche, encore plein de sang, encore vivant, encore palpitant... Je le mettrais là, juste après ce paragraphe. Mais non, des mots, encore des mots... Des feuilles blanches noircies... Putain de mots. Je...

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La vie d'un gosse est riche de ces humiliations dont on pense ne jamais se relever. Il y a alors ceux qui cherchent à continuer à faire partie du groupe, soit en acceptant leurs infériorité, soit en relevant le défi et en tentant, cette fois ci, de le remporter. Et puis il y a ceux qui répondent au mépris par le mépris. Et qui, ce faisant, s"excluent du groupe.
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Les écoles privées, c'est génial. Tout y est interdit ou réglementé. Les sentions sont plus sévères. Et c'est alors autrement plus excitant d'y enfreindra la loi, de passer par les couloirs réservés aux profs sans se faire remarquer, de sortir de l'enceinte de l'école pendant les heures d'études, de mettre de la colles sur les chaises... On y rigole bien plus que dans les écoles publiques, ou tout est permis.
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C'est tellement plus simple de parler à du papier. C'est gentil le papier, ça absorbe l'encre bien noire, gentiment, sans rien dire. Ça ne dit rien, ça accepte tout.
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Cette impression d'avoir quelque chose en toi d'extraordinaire, de tellement démesuré, de tellement beau qu'il te faut absolument l'exprimer. Un truc fou et merveilleux qui s'agite, qui te triture l'estomac, qui cherche dans toutes les directions, qui te donne envie de crier, de hurler, d'éclater pour le laisser sortir. Cette sensation de pouvoir changer le monde, d'exploser de bonheur, d'irradier de joie si tu parviens à l'exprimer, si tu parviens à le donner.
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