Il est très difficile de donner une note à ce livre. Tout est dans le titre «
La femme lapidée ». On sait d'emblée de quoi il traite et on sait que cela ne va pas être plaisant.
J'ai lu le livre d'une traite. J'ai avalé les 187 pages sans m'en rendre compte si bien que je n'ai pas vu l'heure. J'ai mis à peine plus de trois heures pour le lire, mais il était largement plus de minuit quand je l'ai refermé. Je ne pouvais pas le lâcher, je ne pouvais pas arrêter pour le reprendre le lendemain. Si j'avais fait cela, j'aurais eu le sentiment de trahir Soraya. Je devais l'accompagner jusqu'au bout.
Soraya Manoutchehri est née très exactement le 12 février 1951. Elle a reçu le même prénom que la princesse Soraya Estandiari Bakhtiari qui ce jour-là épousait le Shah d'Iran, Mohammed
Reza Pahlavi. Elle vit dans le village de Koupayeh, non loin d'Ispahan, dans le centre du pays. A dix ans, elle est placée chez un riche propriétaire terrien comme il est de coutume. Elle est alors sa bonne à tout faire. L'homme ne la viole pas mais il se livre à des attouchements durant les trois ans où elle vit chez lui. A treize ans, elle revient chez ses parents et est rapidement mariée à un jeune homme de vingt ans, Ghorban-Ali. Soraya le connaît malheureusement bien : il la brutalisait déjà enfant. Lui par contre ne se souvient pas d'elle. le mariage est célébré dans la plus pire tradition religieuse. Une fois la nuit de noce arrivée, c'est un tout autre homme que Soraya a face à elle : une brute, rustre, sans manières et surtout, sans égards pour elle. Ce soir-là, il la viole. Il agira toujours ainsi. En quatorze ans de mariage naîtront neuf enfants, vivants ou mort-nés.
Les malheurs de Soraya vont crescendo. Son mari est paresseux et il vit de petits larcins. Il est souvent absent car il se rend à la grande ville voisine pour y faire du trafic en tout genre et y fréquenter les prostituées. Quand il revient chez lui c'est pour frapper, encore et encore, sa femme et ses enfants. Il fait régner un climat de terreur. Soraya se tait.
Quelques années plus tard, la mère de Soraya, Shokat, meurt. Elle était appréciée de tous et surtout de son mari Morteza même si celui-ci avait pris une seconde épouse comme il en a le droit quand il avait apprit que la santé fragile de sa première épouse ne lui permettait plus d'avoir d'autres enfants (elle lui en avait déjà donné cinq). Morteza offrit le collier en or de Shokat à sa fille. C'est le seul souvenir qu'elle gardera d'elle.
Les années passent sans que la vie de Soraya ne change vraiment. Sans qu'elle ne s'améliore non plus. Sa dernière fille naît en 1979. ensuite son mari la délaissera totalement, ce qui ne sera pas pour la déranger.
Ghorban-Ali ne veut plus de sa femme. S'il avait eu les moyens d'avoir une seconde épouse il aurait privilégié cette solution. Mais, sans réel travail, il souhaite divorcer pour se remarier avec une jeune femme du village voisin. Il fait sa proposition à Soraya : lui partirait sans rien lui devoir et elle, elle garderait la maison, les meubles et les enfants. Ghorban-Ali et l'iman Hassan trouvent l'accord plutôt juste et équitable et demandent à Soraya d'y songer. L'iman ne perd pas le nord et propose même à Soraya de s'occuper d'elle. Soraya refuse tout. Mais elle se fait deux ennemis. Son mari Ghorban-Ali qui va alors tout faire pour se débarrasser d'elle, et l'iman qui s'est fait éconduire.
Le piège va se refermer doucement mais sûrement sur la pauvre Soraya. Son mari et l'imam l'autorise à se rendre plusieurs fois par semaines chez un homme devenu récemment veuf pour l'aider à tenir sa maison et à s'occuper des enfants. Elle s'acquitte merveilleusement bien de sa tâche et continue de tenir parfaitement sa propre maison.
Un scénario prend vite forme cependant avec la complicité du maire du village, Machdi Ebrahim, un vieil homme effrayé de tout et surtout dotée d'une faiblesse crasse. L'accusation d'adultère éclate au grand jour. Tout le monde se retourne contre elle, tous l'accusent, son mari en tête, et ensuite tout le village.
Sans procès, sans aucun moyen de se défendre, Soraya est condamnée. Pour elle, ce sera la mort par lapidation. Soraya n'a que trente-cinq ans et sa courte vie prendra fin à l'été 1986. Pour tous ces accusateurs, ce sera une libération. le village sera lavé de la honte et de la faute de cette dévergondée.
Ce livre est bouleversant au-delà du fait qu'il raconte une histoire vraie. Il n'est pas question de juger des pratiques ou des coutumes, mais le récit démontre l'enfermement de villageois dans leurs certitudes. Tous, qu'elle que soit leur positionnement, contribuent à la chute inexorable de Soraya. le complot est énorme, les ficelles sont grosses, et pourtant la fin est sans surprise, la sentence est connue d'avance. L'auteur n'épargne pas le lecteur dans la description de la mise à mort, il n'édulcore pas son propos, sûrement pour le choquer et l'édifier. Et le résultat est là. C'est affreux, mais ce livre est diablement utile.
Pour toutes ces raisons, je donne 5 étoiles à "
La femme lapidée".