Pour la plupart, les gens répugnent à la sincérité. Il faut du courage, ou encore plus de faiblesse, pour aller au bout d’un aveu… soit le courage des gagnantes, soit la débilité de ceux qui ont déjà perdu et dédaignent le recours au bluff. Bien entendu, vous ne pouvez comprendre cela. En bonne santé, on ne réfléchit guère.
Tout apprentissage comporte des déboires, sachez qu’un homme ne dit pas toujours des choses plaisantes. Certains sont inconscients de la maladresse. Pour quelques autres, c’est plus compliqué. Faire souffrir, cela les défoule…
Ce n’est pas ce que les gens croient… aimer. L’amour, pour eux, un supplément : comme un dessert ou une bonne bouteille. Un jour, du champagne, un autre jour, l’apéritif Machin. Vous, envers Morakis, c’est « la vraie amour », l’irremplaçable, pas de recours possible aux ersatz. C’est ce manque qui vous donne froid...
C’est une manie chez vous, les questions directes, auxquelles il faudrait répondre par oui ou par non, par blanc ou noir. Rien n’est si simple. La ligne droite considérée comme le plus court chemin d’un point à un autre, c’est faux ici.
La sensiblerie n’est pas de mise en cette contrée. Ailleurs, a-t-on le cœur plus généreux ? Celui qui se noie devant Macao, c’est qu’il n’avait pas réussi à construire un sampan assez solide, sa chance est qu’il mettra peu de minutes à mourir. En Europe, il se trouverait un héroïque sauveteur pour plonger et ramener le malheureux sur la berge… En Europe, l’accident émeut les bonnes consciences, lesquelles ne sont qu’exceptionnellement perturbées par la très lente agonie qu’est l’existence des plus pauvres.