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Saint-Simon, ça permet de voir la Macronie autrement.
Pourquoi je dis ça moi ? Parce que j'ai parfois l'impression de vivre dans une Monarchie absolue. Pas vous ?
Bruno le Maire, Ministre de l'Economie et des Finances (tout de même) a la même impression que moi. Ecoutez-le donc parler ce cher (il est forcément cher
le Ministre des Finances) Ministre sur le plateau de Public Sénat : https://www.youtube.com/watch?v=8LXTbIesqlU&t=664s Je résume un peu.
Bruno le Maire voit une certaine continuité entre la Monarchie Absolue et la Vème République. Il compare le fonctionnement politique de la Cour du
Roi Louis XIV et notre fonctionnement actuel. Il relève des traits culturels français, toujours présents « Chaque modèle politique a ses propres traits culturels » Il parle de la Cour et des courtisans … et il compare la colère du Roi à la colère du Président, mais il compare surtout les courtisans du Roi aux courtisans du Président. Et il nous fait comprendre qu'en France, actuellement, c'est toujours, non pas la Monarchie, certes, mais un Pouvoir Absolu.
Bruno le Maire se compare ensuite à
Saint-Simon et se pose comme observateur de la Cour d'
Emmanuel Macron, alors même qu'il est, comme
Saint-Simon, un homme de Cour. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est tout de même orgueilleux de se comparer à
Saint-Simon. Mais il m'est revenu en mémoire qu'il est toujours affaire d'orgueil dans les
Mémoires de
Saint-Simon et que
Saint-Simon lui-même n'est pas exempt d'orgueil ( bien qu'il s'agisse d'un orgueil blessé).
Si vous n'êtes toujours pas convaincu par ma comparaison entre la Monarchie Absolue et la Macronie ( ce n'est pourtant pas pour rien qu'on l'appelle la Macronie, et qu'on surnomme Macron Jupiter, lui-même s'étant présenté comme un Président, je cite « Jupitérien »), vous apprécierez sans doute tous ces journalistes qui comparent cette fois-ci Macron à un autre
Saint-Simon.
Ces journalistes qui lisent
Saint-Simon avec le filtre des penseurs de la politique, comme Marx par exemple, qui a lu, lui,
Saint-Simon, et en Français, et qui a qualifié le saint-simonisme de socialisme utopique. le saint-simonisme comme doctrine donc … On lit dans
Le Figaro, je cite, que
« cette doctrine qui n'en est pas une, pourrait se résumer ( bien que
Saint-Simon n'emploie pas ces termes) en une combinaison de socialisme et de libéralisme ; ou mieux encore, en la qualifiant de progressisme : un progressisme qui voit dans le développement de la science, de la technique, du commerce et de l'industrie, le moteur déterminant de l'émancipation et du bien-être universels. »
Selon les adeptes fervents de cette doctrine et selon les défenseurs du progrès (qui n'ont toujours pas compris ce qu'est le progrès, mais passons), Macron serait donc celui qui abolit l'ancien monde, au nom du progrès, justement. Mais quel ancien monde ? Quel monde ( ou quel pays, soyons modeste) cherche-t-il à détruire ? C'est la question que je poserais bien volontiers au journaliste du Figaro. Ne désirant pas particulièrement m'adresser directement à Macron.
Allez je cite encore des journalistes – au sujet du saint-simonisme et toujours de Macron – des journalistes du Figaro ou du Monde cette fois-ci, je ne sais plus, pour la forme :
« Les saint-simoniens vont être en effet les principaux acteurs de l'industrialisation de la France, de l'essor du machinisme et du développement des réseaux, réseaux de transports (canaux, chemins de fer), réseaux financiers (grande banque, crédit) et réseaux humains (urbanisation, etc ): bref, ils seront les initiateurs d'une modernisation à marche forcée poursuivie avec d'autant plus d'énergie qu'ils lui donnent une valeur à la fois économique, politique, sociale et morale (le travail est sanctifié, car lui seul permet à l'homme de s'accomplir et de se libérer). Et ce, justement, parce que le saint-simonisme ne constitue pas une doctrine au sens strict, rigide, complète et donc forcément datée et obsolète, mais bien plutôt une façon de voir, une orientation, une sensibilité. Pour
Emmanuel Macron, le saint-simonisme n'est pas un modèle qu'il faudrait reproduire tel quel, en le plaquant sur le réel, mais plutôt une sorte de matrice - de la même manière que le marxisme en constituait une pour
François Mitterrand dans les années 1970-1980. Dans le cas d'
Emmanuel Macron, il s'agit d'une matrice peut-être inconsciente: comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, lui fait du saint-simonisme sans le savoir, ou du moins sans avoir besoin de le dire. Il ne s'agit pas d'un vernis, qui est là pour être vu tout en restant superficiel, mais au contraire d'une sorte de colonne vertébrale idéologique invisible au premier regard, mais qui éclaire de l'intérieur le «Macron profond»: celui qui se présente, avec une sincérité dont on n'a pas de raison de douter [… là je lève les yeux au ciel, mais pardon je me tais … ], comme le héraut du progressisme, le chantre du monde nouveau et de l'Europe souveraine. Ainsi est-ce en héritier du saint-simonisme qu'il opposait, le 14 septembre dernier, le camp du bien à celui du mal : l'implantation de la 5G, associée au Progrès et aux Lumières, au «modèle Amish» de la lampe à huile et aux écologistes conservateurs qui prétendent faire prévaloir la nature sur le développement économique et technologique. »
Que dire ? Sommes-nous toujours à l'ère de l'industrialisation ? Sommes-nous restés coincés au XIXème siècle ? N'avons-nous rien appris du XX ème siècle ? Pourquoi faire du travail la valeur clé de notre civilisation ? Sommes-nous marxistes en France ? Pourquoi ai-je l'impression que nous n'avons pas évolué alors même qu'il s'agirait d'évolution (technologique ou que sais-je encore?) ? Nous présenter Macron comme l'héritier de la doctrine saint-simonienne, c'est aussi, quelque part, le présenter comme l'héritier du socialisme utopique, pour reprendre les termes de Marx, et cela ne choque personne ? Enfin, n'y-a-t-il pas une certaine contradiction entre Macron, digne héritier de la doctrine saint-simonienne et Macron, Président Absolu ? La contradiction ne serait-elle qu'apparente ?
En vérité, je me demande ce que c'est, la politique. S'agit-il vraiment de la « polis », de la cité, de son organisation voire de son autogestion comme chez les Grecs Antiques ? Ou s'agit-il de l'exercice du pouvoir et de la fascination qu'ont les hommes (et les femmes) pour le pouvoir ?
PS : Oui, je note très mal
Saint-Simon parce qu'à l'époque où je l'ai lu, j'ai énormément souffert de cette lecture, parce que je devais absolument tout lire. Mais je recommande tout de même cette lecture, ne serait-ce, comme je le disais au début, que pour comprendre un peu mieux la Macronie.