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Critique de Chestakova


Le Japon est un pays que son histoire condamne aux mystères, ceux que peuvent susciter les transformations brutales, sur ce que la mémoire collective garde encore du passé.
« La légende des filles rouges » nous fait sillonner la deuxième moitié du vingtième siècle, des lendemains de la guerre au tournant du 21ème siècle, à travers la saga de trois générations de filles d'une même famille, comme autant de miroirs de l'évolution économique et sociale du pays, dans une fuite en avant sans retour possible sur le Japon ancestral des mythes et des légendes. Structuré en trois parties autour de ces trois figures, la narration traduit avec chacune d'elle, la permanence et la force du passé, les ruptures profondes, et l'acceptation finale du Japon contemporain dans ses failles et ses doutes.
Nous voilà donc transportés dans une plaine étroite, coincée entre les Monts Chugoku et la mer du Japon, dans le village de Benimidori, microcosme des transformations du pays tout entier. Many'o a dix ans quand commence le récit, sa présence au village est un premier mystère car le peuple des montagnes, l'y a déposé un matin. Ce peuple figure le Japon des légendes, invisible et pourtant présent, dans la prise en charge de la mémoire des morts que la société rejette, cette part de magie, Many'o la fait vivre à sa manière avec ses visions hallucinées qui lui laissent entrevoir des petits morceaux de l'avenir de ceux qui l'entourent. Ses visions d'avenir, toujours violentes, éclatent dans une société qui s'éloigne doucement des fondements du Japon d'hier. le village de Benimidori voit ainsi se développer les chantiers navals qui transforment la région côtière et l'aciérie, plus haut sur les pentes, qui petit à petit fait mourir les vieilles traditions de fabrication du fer. le beau personnage de l'ouvrier Toyo figure lui aussi ces transformations. Les grandes familles propriétaires des usines encadrent ainsi en rouge et noir le petit peuple des ouvriers qui va passer des maisons de bois aux cités de béton. C'est le poids de la magie et de la tradition qui fait entrer Many'o dans la puissante famille des Akakuchiba, maîtres des forges et de l'acier rouge. La lignée est lancée. Kemari la première fille de Many'o fait avancer l'histoire du Japon dans ses années de transformation brutale, industrialisation, croissance et mirage de la consommation, une violence sociale que réussit à traduire la littérature des mangas, bien connue par l'auteur elle-même et dans laquelle Kemari finira par se plonger. La violence de Kemari, hurlante sur sa moto à la tête de son gang de filles, est à la hauteur des transformations violentes que le pays connait. La mort de Kemari, celle de Many'o annoncent une troisième période, sous le signe de l'éclatement de la bulle financière, dans une nouvelle phase récente de la croissance japonaise. Toko, la petite dernière se replonge dans le passé de sa grand-mère et semble enfin symboliser le retour à une certaine sérénité.
Une belle découverte que ce récit très vivant où se mêlent le réel et l'imaginaire à la façon d'un Murakami. Je vous invite fortement à tenter l'aventure.
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