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EAN : 9781909782310
287 pages
Les Éditions de Londres (30/09/2013)
3.5/5   1 notes
Résumé :
« Les naufragés de la Djumna » est un roman d'aventures d'Emilio Salgari publié en 1897 sous le titre original de Il capitano de la Djumna. Ce n'est pas le roman le plus connu de Salgari, auteur notamment des Tigres de Malaisie avec le fameux aventurier Sandokan, mais c'est celui dont nous faisons notre première publication. Et il y en aura d'autres. Nous le devons bien à Salgari. Auteur complètement oublié en France, et inconnu dans le monde anglophone, voici... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Référence absolue du roman d'aventures exotiques en Italie, Emilio Salgari fut l'un des auteurs les plus productifs de la Belle-Époque, et même l'un des rares à continuer à publier des romans près de vingt ans après sa mort, étant sous contrat avec un éditeur peu scrupuleux qui continua à sortir sous le nom de Salgari des romans « à la manière de » écrits par des nègres littéraires.
Aisément comparable à notre Jules Verne national, quoique plus proche du côté "nanardesque" de seconds couteaux comme Paul d'Ivoi ou Louis Boussenard, Emilio Salgari différenciait de ses éminents prédécesseurs français par un point crucial, fort original pour son temps : il était vigoureusement anticolonial.
Il eût été compliqué pour lui de s'attaquer à la colonisation italienne sans risquer la censure, aussi la plupart de ses romans sont-ils situés dans les colonies britanniques, c'est-à-dire principalement dans l'Hindoustan (la région englobant l'Inde, le Pakistan, le Sri Lanka et une partie du défunt empire mongol), ainsi que toute l'Asie du Sud-Est sous domination anglaise (Indonésie, Philippines, Malaisie, etc…).
Il fut l'un des premiers à donner les rôles principaux de ses romans à des indigènes et non à des colons occidentaux, qui ont d'ailleurs souvent le mauvais rôle dans ses récits. Très souvent, même, il chante la résistance héroïque de natifs indépendantistes contre l'occupant colonial, comme ce fut le cas dans son cycle romanesque le plus célèbre, celui du pirate malais « Sandokan », qui fut adapté de très nombreuses fois au cinéma, à la télévision, et même encore il y a quelques années, en dessin animé. « Sandokan » fut relativement populaire en France grâce au feuilleton italo-franco-allemand éponyme, produit en 1976 et diffusé en France sur TF1 jusqu'au début des années 80, mais qui n'est en réalité que l'adaptation du premier des 12 volumes du cycle de « Sandokan », dont uniquement 5 tomes furent publiés en français.
Beaucoup d'éditeurs français tentèrent de traduire les romans de Salgari, mais tous échouèrent à populariser ici cet auteur italien dont, il faut avouer, l'humanisme vibrant ne fait pas oublier un style souvent morne et bâclé. Face à nos propres écrivains dans le genre, souvent plus soignés et plus imaginatifs, Emilio Salgari a toujours fait pâle figure. Ses positions anticoloniales n'ont sans doute pas dû séduire beaucoup les jeunes français, très fiers de leur empire colonial. Mais cet élément est peut-être sans doute plus mineur qu'on ne le pense, puisqu'à partir des années 20, on publia- sans davantage de succès - les "faux" romans posthumes attribués à Emilio Salgari, qui généralement, étaient très favorables au colonialisme, et ne respectaient pas les véritables opinions de l'auteur.
de nature casanière et travaillant exclusivement à partir d'encyclopédies qui n'étaient pas toujours très sérieuses ou vraiment à jour, Emilio Salgari souffrait aussi, par rapport à Jules Verne, Paul d'Ivoi ou Louis Boussenard, d'un contenu pédagogique souvent limité à la simple géographie ou à quelques considérations ethnologiques peu fiables. Aussi, Salgari devient facilement risible quand il s'égare de manière délirante en descriptions botaniques ou en comportements animaliers, mais loin de lui nuire, cet à-peu-près, souvent nourri de naïveté positive, lui a longtemps accordé l'attention d'un public enfantin qui se laissait volontiers prendre à ses candeurs narratives.
C'est aussi pour cela qu'en France, Emilio Salgari fut principalement publié dans des collections pour la jeunesse, bien que ses romans ne s'adressaient à la base à aucun public en particulier. Ce fut le cas pour « Les Naufragés de la Djumna » (1897), qui fut traduit en français en 1902 chez l'éditeur Charles Delagrave, spécialiste de manuels scolaires et de publications diverses destinées à l'enseignement, et toujours en activité de nos jours.
On s'étonnera de cette initiative qui, sans nul doute, coûta fort cher à l'éditeur et ne lui rapporta guère, car « Les Naufragés de la Djumna » fut publié dans une édition "géante" de la taille d'un atlas, avec une couverture renforcée par une plaque rigide (peut-être même métallique) et un luxueux papier singulièrement épais, l'ensemble pesant pas loin de 3 kilos ! C'est quand même très lourd pour les mains d'un enfant, et encore plus lourd pour le brochage, lequel avec le temps, a lourdement souffert du poids de tout ce qu'il était censé retenir. Il est hélas devenu presque impossible de trouver ce volume dans un excellent état, tant, dans sa conception même, sa fabrication luxueuse n'avait pas la solidité requise pour traverser les années.
Mieux encore, on se demande encore ce qui a motivé une édition si luxueuse, avec une maquette de couverture très Art Nouveau et des illustrations crayonnées par le peintre Eugène Trigoulet, car assurément, « Les Naufragés de la Djumna » n'est ni un chef d'oeuvre, ni l'un des meilleurs romans de son auteur.
L'action se situe tout d'abord au Bengale, à Calcutta, alors que deux colons anglais Oliver et Harry, chassent les oies en pleine migration sur la rivière Bhagirati. Oliver parvient à abattre deux de ces volatiles, quand en récupérant l'un d'eux, il trouve sous son aile un petit rouleau de bois contenant un manuscrit, et qui était noué à l'aile de l'oiseau par un fil mince. le manuscrit contient l'appel au secours d'un dénommé Ali Middel, capitaine d'un petit navire de commerce nommé « La Djumna », et qui, si l'on en croit, est victime d'une mutinerie visant à piller le bateau, menée par deux fripouilles, Hungre et Garrovi, qui se sont faits embaucher comme marins à la seule fin de s'emparer du navire. Enfermé dans sa cabine, le capitaine consigne les évènements dans son journal de bord, dont ces pages ont été arrachées.
Tout laisse à croire que « le Djumna » a fait naufrage dans les environs des Îles Adamanes (aujourd'hui appelées Andaman & Nicobar), un petit archipel à l'est de l'Inde qui s'étire du nord au sud, depuis la pointe sud de la péninsule birmane de Rangoun jusqu'à la pointe nord de l'île de Sumatra. Aujourd'hui, la majeure partie de ces îles et îlots sont habités, reliés entre eux par des ponts et traversés par une grande route du nord au sud durant plus de 1000 kilomètres. Depuis le tsunami de 2004, qui les a durement touchées mais a fait parler d'elles, les îles Andaman & Nicobar se sont développées sur le plan touristique, pour faire face à une demande croissante.
Cependant, à la fin du XIXème siècle, cet archipel était encore à l'état sauvage, et habité seulement par des tribus primitives hostiles aux étrangers (du moins au nord, car le sud et la capitale de Port-Blair étaient occupés par les colons britanniques, qui y avaient construit une vaste prison où étaient exilés et enfermés tous les opposants politiques, mais Emilio Salgari semble ne pas avoir eu connaissance de cela, car il situe le naufrage à l'extrême sud, près de l'île dite « Petite Andamane »).
La perspective donc d'un naufrage dans les parages de l'île laisse l'espoir de possibles survivants qui ont pu gagner les îles, mais ont forcément besoin de secours. Oliver et Harry se rendent à « L'Inde Nouvelle », la Compagnie Maritime qui employait le capitaine. Celle-ci avertit la police qui, après une enquête diligente, constate que le fameux Garrovi, l'un des deux mutinés, est revenu à Calcutta, apparemment fort riche, et y vit en pacha.
La police arraisonne le bandit, et le traîne en prison. Là, Garrovi raconte son histoire : il avait corrompu tout l'équipage de Malabares pour pouvoir s'emparer du navire. Seuls le capitaine et Sciapal, son assistant, n'étaient pas du complot. Enfermés dans la cabine, ils ne gênaient pas les mutinés, qui projetaient de détourner « La Djumna » jusqu'à Chandernagor, quand le navire s'est soudainement échoué sur un banc de sable.
« La Djumna » était dotée d'une pinasse, sorte de petit navire à moteur servant de canot de sauvetage amélioré. Il ne pouvait contenir tout l'équipage, mais Garrovi avait son idée. Préparant le soir le repas pour ses complices, il glissa dans leurs assiettes un poison violent, et se retrouva ainsi le seul survivant. Transportant le maximum de marchandises dans la pinasse, il partit à son bord, et après deux semaines, parvint à rejoindre Chandernagor, où il vendit à prix d'or ses marchandises volées, puis il rentra à Calcutta pour y mener la belle vie.
Une telle série de crimes mérite amplement la mort en Inde, mais Oliver et Harry, appuyés par le directeur de « L'Inde Nouvelle », proposent au condamné une alternative : monter une expédition de sauvetage, guidée par Garrovi, pour secourir Ali Riddel. En échange de sa participation, Garrovi aura droit à la vie sauve. Pour autant, il ne sera pas en croisière de plaisance, et voyagera à fonds de cale, surveillé par des policiers. le fourbe accepte sa proposition mais encore une fois, il a son idée.
le bateau affrété par « l'Inde Nouvelle » part donc un matin en direction de la Petite Adamane. Comme prévu, Garrovi reste enfermé dans la cale jusqu'à ce qu'on ait besoin de lui. On lui a juste mis à disposition sa malle de vêtements qu'il avait réclamée. Mais cette malle ne contient pas que des vêtements : il y a aussi dedans une petite fille, une petite orpheline bengalaise que Garrovi avait recueilli dans la misère, et dont il a fait son âme damnée. Narsinga est petite et très menue. Elle parvient à se glisser par les tuyaux d'aération, et à s'évader nuitamment de la cale afin de saboter le navire. Elle finit par créer un incendie, qui dévore une grande partie du bateau. Par charité, on délivre Garrovi de la cale. Alors, prenant Narsinga sous son bras, il court vers le pont, et se jette par-dessus bord. Il sait mieux que personne que le navire va couler, grâce aux bons soins, pas encore découverts, de Narsinga, et tient à gagner l'île avant eux, afin de leur tendre des pièges, et de tous les éliminer.
Hélas pour lui, au cours de son plongeon, Garrovi se blesse grièvement la jambe. Il parvient à gagner l'île, mais marche difficilement, et doit rester immobile en permanence. Narsinga est envoyée quotidiennement à la cueillette des fruits et des baies, afin de que le père et la fille puissent se nourrir.
C'est à ce moment-là que le récit quitte, temporairement, le naufrage de l'expédition de secours, pour revenir, quelques mois plus tôt, au premier naufrage, celui de « La Djumna », navire échoué et abandonné, avec tous ses cadavres, dont le capitaine Ali Riddel, son chien fidèle, et Sciapal, qui s'était dissimulé dans la cale, sont désormais les seuls naufragés en vie. Ils gagnent l'île toute proche, et dès lors, leur quête pour survivre, contre les animaux sauvages, les pièges de la nature et les tribus hostiles, devient l'unique sujet du livre, presque jusqu'à ses dernières pages. Puis les deux hommes rencontrent la petite Narsinga, sympathisent avec elle, et grâce à eux, elle comprend que son père adoptif est un méchant homme auquel elle a eu tort d'obéir. le lien finira par se faire, après moults aventures, avec la nouvelle équipe de naufragés, et tous ensemble, au fil des jours, ils dégageront « La Djumna » de son banc de sable, et repartiront tous ensemble dessus. Quant à Garrovi, dont Salgari ne sait finalement plus quoi faire après l'avoir rendu impotent et donc inutile, il est retrouvé par le chien d'Ali Riddel, et tout bonnement égorgé par l'animal. Et voilà !
Bien qu'assez ouvertement inspiré des « Enfants du Capitaine Grant » de Jules Verne, et quoi qu'il soit en majeure partie une robinsonnade un peu éculée, « Les Naufragés de la Djumna » aurait pu être un excellent livre si Emilio Salgari avait su trouver le rythme parfait pour son récit. Mais tout cela nous est raconté très platement, pour ne pas dire distraitement, et quelque peu alourdi par une traduction française un peu trop méridionale, où sont placés dans la bouche de Bengalais quelques expressions ou formules plus typiques de Perpignan que de Calcutta. Néanmoins, il y a quelques passages très réussis, dont la scène mythique où Ali Riddel et son assistant Sciapal se retrouvent cernés dans une clairière par une meute de serpents (car vous n'êtes pas sans ignorer, j'en suis certain, que les serpents chassent en troupeaux) et n'ont que le temps de se réfugier dans un arbre, tandis que les reptiles en font le siège avec un assez admirable sens de l'organisation. Bien que totalement farfelue, cette scène, qui s'étale quand même sur plus d'une dizaine de pages, est rédigée avec un certain sens du suspense, et une grande énergie narrative, laquelle réveille à temps le lecteur en train de s'assoupir.
Toutefois, si le roman ne tient pas toutes ses promesses, il se laisse agréablement lire, et se révèle très moral et très pédagogique, dans le sens où le jeune lecteur ou la jeune lectrice profite de la leçon de vie donnée à la petite Narsinga, qui apprend que ce n'est pas parce qu'on aime les gens de sa famille qu'ils ne sont pas des êtres méprisables, et qu'il faut juger les autres sur leurs actes et non pas sur la place qu'ils ont dans notre vie (Ce n'était pas dans la Bibliothèque Rose qu'on pouvait lire quelque chose comme ça).
À noter enfin que les Éditions de Londres ont réédité ce roman en 2013 en format numérique, avec la plupart des illustrations d'Eugène Trigoulet, agrémenté d'une préface instruite, quoique tissant des liens plus que discutables avec les oeuvres d'Hugo Pratt ou de Sergio Leone, mais qui a le mérite de rendre ce texte disponible pour quelques euros, ce qui est toujours appréciable vu la rareté et la cotation de l'ouvrage d'origine.
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