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EAN : 9782711851263
64 pages
Musée du Louvre (03/03/2006)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Archétype de la sensualité, La Grande Odalisque affiche depuis bientôt deux siècles cette "volupté profonde" (Baudelaire) emblématique des fantasmes que peut susciter le corps féminin. Audacieuse à bien des égards, cette figure à l'érotisme d'autant plus exacerbé qu'il ne sert aucune narration, ne pouvait que provoquer l'incompréhension de ses contemprorains. Evoquant la question complexe de ses diverses versions dessinées, peintes et gravées, réexaminant avec minut... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Avec la collection SOLO, le Louvre et les éditions RMN (Réunion des Musées Nationaux) présentent l'histoire d'une oeuvre. L'ambition n'est autre que de mettre à la portée du public, en une soixantaine de pages, les éléments de connaissance les plus récents et les plus pertinents possible concernant certaines oeuvres emblématiques ou très connues de chaque Département du musée afin de lui permettre d'en renouveler ou d'en enrichir la compréhension. Mission accomplie avec rigueur et érudition pour ce trente et unième volume de la série, paru en 2006 : La Grande Odalisque de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1787-1867) est "épluchée" par Dimitri Salmon, collaborateur scientifique de conservation, après une belle introduction de Vincent Pomarède.

Parcours peu ordinaire et assez mouvementé que celui de ce nu féminin, éreinté par la critique hostile lors du Salon de 1819. On serait presque tenté le concernant d'évoquer avec humour les "Pérégrinations d'une paria". Que d'aventures depuis sa commande en 1813 par Caroline Murat - devenue reine de Naples par la faveur de son illustre frère -, jusqu'à son acquisition pour 60 000 francs par le Louvre, en 1899. La genèse et la réalisation du tableau en 1814 à Rome, où Ingres est installé depuis sept ans, sont très clairement documentées : références à l'antiquité, à la Renaissance et aux oeuvres que l'artiste, formé par Jacques-Louis David (1748-1825), n'a pu méconnaître et qui sont très heureusement représentées ici ainsi que les nombreux dessins préparatoires. De même sont présentées ici les cinq répliques ou variations, dont quatre de la main du maître, qui ont livré tous leurs mystères grâce à la reflectographie infrarouge et permis une connaissance plus approfondie des intentions du peintre. On voit aussi les oeuvres gravées (trait, lithographie, eau-forte) ayant donné lieu à diverses interprétations à partir de 1819, l'Odalisque restant l'oeuvre la plus reproduite du peintre de son vivant.

Ce nu qui a fait tant fait gloser a l'originalité de se montrer de dos avec le visage de trois-quart retourné vers le spectateur. Il est d'abord simplement dénommé l'Odalisque. Elle ne devient "grande" que sous la plume de Charles Baudelaire (1821-1867) qui l'a repérée en 1846, le qualificatif lui étant définitivement acquis par la grâce du catalogue Delaborde en 1870. Sans que l'on sache vraiment si c'est du fait de "ses trois vertèbres de trop" - mot du critique Auguste-Hilarion de Kératry - ou lié à ses qualités plastiques intrinsèques, sans doute un peu des deux, la réception détestable de l'Odalisque conduit en tout cas Ingres, suite à un nouvel échec de la critique en 1834, à se tenir ensuite à l'écart des salons et à obtenir son départ pour l'Académie de France à Rome.

L'étude montre combien le sort de ce tableau reste attaché aux vicissitudes du premier quart du XIXe siècle. Le thème de l'odalisque ou de la baigneuse est récurrent chez Ingres comme le montre Dimitri Salmon qui fournit aux amateurs une hypothèse des plus plausibles et tout à fait séduisante sur la question du modèle ayant servi d'inspiration, que je me garde de dévoiler. Après son retour entre les mains de son créateur pour cause de chute de maison muratienne, le comte James-Alexandre de Pourtalès Gorgier devient le premier propriétaire de l'Odalisque en l'achetant entre 1819 et 1821 pour une bouchée de pain : "12 cents francs", s'insurge déjà Ingres qui s'en sépare malgré tout. Mais le "marché" n'a pas dit son dernier mot et cet aspect de l'étude n'est pas non plus le moins documenté.

Exposée deux mois au Bazar Bonne Nouvelle en 1846 elle est achetée 20 000 francs par l'éditeur d'estampes et marchand de tableaux Adolphe Goupil (1806-1893), en 1854, puis montrée à l'exposition universelle de 1855 dans la section beaux-arts. En 1859, Goupil la troque contre deux tableaux appartenant à Joseph Fau qui la cède un an après, 50 000 francs, au baron Seillière. Ce dernier la lègue à sa fille. La Grande Odalisque fait son entrée en majesté au Louvre en 1899, après d'infinies péripéties. La diffusion par l'estampe participe du retournement de l'opinion et de la critique en sa faveur, et c'est l'un des autres mérites de ce Solo que de s'attarder plus particulièrement sur le rôle majeur tenu par la gravure au XIXe siècle.

Evacuée à Toulouse pendant la première guerre mondiale, réinstallée au Louvre en 1921, repartant en 1939 pour un périple à travers la France, la Grande Odalisque est de retour au musée en 1946. On l'admire aujourd'hui dans la salle Daru où elle est accrochée depuis 1995. A la fin du volume quatre interprétations sont mises en regard et témoignent de la fortune de l'oeuvre au XXe siècle : Picasso en 1907, Martial Raysse en 1964, Pol Bury (monotype numérique sur toile) en 2002 et une photo d'Orlan en Grande Odalisque de 1977.

Un appareil de notes conséquent et instructif, une bibliographie étoffée, on n'en attendait pas moins de la vénérable institution. Ainsi parés, direction salle Daru pour aller regarder avec l'acuité de l'oeil nouvellement initié "cette grande desossée" qu'un journal malveillant défiait de se mettre debout (l'Aristarque).

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Voilà où mène cette science affreuse [l'anatomie], cette horrible chose, à laquelle je ne peux pas penser sans dégoût. - Si j'avais dû apprendre l'anatomie, moi, Messieurs, je ne me serais pas fait peintre.
Jean-Auguste-Dominique Ingres
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