La conférence de Cintegabelle

« La conférence de Cintegabelle » Lydie Salvayre (Seuil, 125 pages).
Cintegabelle a connu une notoriété médiatique pour avoir été le fief électoral où Lionel Jospin s'était fait parachuter, une marche de plus vers l'ascenseur qui le conduira où l'on sait, mais le texte de Lydie Salvayre n'a, semble-t-il, rien à voir. Je dis texte plus que roman ; un homme, la soixante donne dans cette belle bourgade de Haute Garonne une conférence sur l'Art de la Conversation, qui pour lui se perd. C'est donc un (parfois un peu long) monologue qui s'adresse à un public dont on ne sait rien, où se mêlent considérations sur l'art de la conversation, la taille éléphantesque de sa femme disparue depuis peu, l'argumentaire amoureux, le discours politique, le tout dans un langage châtié. On le devine, c'est complètement hurluberlu, loufoque, délirant, ça ressemble à un exercice de style littéraire, à une épreuve oulipienne gratuite, pour la beauté de la forme, et ça a en a eu, pour moi, les limites. Ce qui m'a accroché au texte, c'est que dès les premières pages, l'image de Claude Piéplu en train de faire cette conférence s'est imposée à moi, et, bercé par le son imaginaire de cette voix exceptionnelle, je me suis un peu amusé. Sans plus. (NB : Pour les jeunes générations, Claude Piéplu est sans doute un nom qui ne dira rien ; les plus âgés n'auront pas besoin de Wikipédia pour retrouver le pince-sans-rire, le timbre et le phrasé inimitables du diseur des Shadocks).

Un nouveau veuf conférencier veut rendre vie à la conversation, poussant un cri d'alarme contre cette époque au langage technologique où plus l'on communique moins on se parle. Son deuil le fait s'épancher sur sa vie de couple qui le rend pathétique et rabelaisien tout en critiquant les pratiques littéraires, éditoriales, journalistiques, sociales et politiques.
Sur un sujet profond, Sylvie Salvayre a fait quelque chose de drôle, inquiétant pour l'avenir. Déjà lu à sa sortie en 1999.

Pour même pas la moitié d'une consultation chez le plus mauvais toubib de Cintegabelle ,le Docteur Salvaire vous offre une cure de désintoxication médiatique ,de protection contre la sottise journalistique et la bêtise des intellectuels du système .A utiliser aussi souvent que nécessaire jusqu'à guérison complète.Chaque page réserve son lot de formules littérairement pures,de néologismes parlants ,de ruses ,de galipettes ,d'axiomes à avaler tout crus.Chacun mettra derrière Tribulet ,Balin,Féfé les dizaines de marsouins qui polluent nos esprits et aura à coeur de retrouver les joies des vraies conversations selon les méthodes Salvayre.Un livre vraiment précieux.....Oui les Précieuses ridicules et les Femmes savantes ne sont pas loin !!!

Le conférencier pérore, assène, enseigne (du moins le croit-il)… l'art de la conversation, qu'il veut sauver des dangers de la communication, au sens contemporain et désincarné du terme.

La causerie ronronne par moments, elle est un peu trop longue, comme c'est souvent le cas… mais cette Défense et illustration du dialogue ou du bavardage nous touche, nous divertit, nous convainc au détour d'un aphorisme : « La fin de la conversation sonne le glas de l'amour ». Par ailleurs, en arrachant les humains « au football patriotique, au spectacle du sang et autres dérivatifs où leur tristesse s'étourdit », cette activité les sauve de l'hypocondrie, conséquence « d'une attention trop exclusive portée aux organes mous ». CQFD !

L'humour de Lydie Salvayre mais aussi un livre très vrai sur les relations entre les personnes