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EAN : 9782369143604
896 pages
Libretto (12/12/2016)
4.12/5   143 notes
Résumé :
Consuelo, surnommée la zingara (la bohémienne), est une cantatrice italienne (de Venise), élève du célèbre maître Porpora. Elle fuit Venise après la trahison de son amant Anzoleto, et les tentatives de séduction d'un riche vénitien Zustiani. Son maître Porpora l'envoie alors servir de professeur de chant dans la famille des Rudolstadt, en Bohême. Elle y rencontre le Comte Albert, personnage étrange et tout d'abord inquiétant, servi par Zdenko un bohémien simple d'es... >Voir plus
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C'est l'histoire de Consuelo une chanteuse italienne appelée encore la Singarella ou Porporina. On suit son histoire de son enfance jusqu'à l'éclatement de ses talents de cantatrice dans une vie pleine de vicissitudes surtout dans sa vie amoureuse. Comme George Sand nous présente ici un personnage féminin armé d'un courage redoutable, d'une perspicacité raffinée, d'une fine délicatesse d'esprit, il aura une armure assez solide pour surmonter toutes les épreuves, affronter toutes les tournures ou tous les contours du destin, et même les forces spirituelles pour faire pour sauvegarder son amour, jusqu'à devenir, initiée dans un premier temps et, ensuite une adepte accomplie d'une société secrète les invisibles.

Un livre bon à lire! La vie d'une héroïne à visiter! Une chanteuse née d'une mère chanteuse de rue et mendiante, d'un père inconnu, une moins que rien qui ne survivait que par la mendicité, à dix ans, elle sera récupérée par maître ¨Porpora pour apprendre et embrasser la carrière de chanteuse, celle-là, la mendiante qui deviendra La Comtesse de Rudolstadt...
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ce commentaire est paru dans mon blog : Ma Librairie

Le roman de George Sand Consuelo est un roman fleuve avec lequel on part à l'aventure - à la fois dans le temps et dans l'espace- et où la traversée dure un bon bout de temps!

Consuelo, le personnage éponyme, est bien sûr au centre du récit qui se situe au XVIIIème siècle et nous la suivons de son enfance à l'âge adulte jusqu'à son mariage. Il y a une suite : La comtesse de Rudolstadt que je n'ai pas encore lue.

La première partie du roman a lieu à Venise vers 1744. Consuelo, d'origine espagnole, de père inconnu, élevée sur les grands chemins, au hasard des voyages de sa mère, saltimbanque, vit désormais à Venise où sa mère mourante s'est arrêtée. le grand maître de musique Porpora lui donne des cours et la considère comme sa meilleure élève. Il faut dire que la fillette est dotée d'une voix exceptionnelle et aime la musique avec passion et, si elle n'était pas d'un physique ingrat, son avenir à l'opéra du comte Zustiniani serait assuré. Consuelo se considère comme la fiancée d'un jeune batelier, Anzoleto, qui possède lui aussi une belle voix et les deux adolescents vivent un amour chaste et platonique. Les années s'écoulent. Anzoleto est engagé par le comte Zustiniani et Consuelo devenue une beauté typiquement espagnole chante, elle aussi, sur la scène. Une expérience qui ne lui apportera que des malheurs, la jalousie de la Corilla, cantatrice célèbre de l'époque, la trahison d'Anzoleto, les avances du comte Zustiniani qu'elle est obligée de fuir.

La deuxième partie se passe en Bohême, à la limite de la Bavière, dans le sinistre château féodal des Géants habité par les seigneurs de Rudolstadt. Consuelo, devenue la Porporina, est introduite dans la famille par Porpora pour donner des cours de musique à la baronne Amélie. Elle rencontre là le jeune comte Albert atteint d'une grave maladie nerveuse. Sauvé par Consuelo qui va à sa recherche dans les souterrains du château, il tombe amoureux de la jeune fille en qui il voit sa Consolation (Consuelo en espagnol) et la demande en mariage. Il s'agit d'un mésalliance que Consuelo est trop fière pour accepter. Elle s'enfuit du château pour échapper à l'attrait sexuel qu'exerce sur elle Anzoleto qui l'a retrouvée et pour voir clair dans ses sentiments à propos d'Albert.

La troisième partie raconte le vagabondage de Consuelo déguisé en garçon et du jeune Joseph Haydn qu'elle a rencontré en chemin et qui se rend à Vienne comme elle pour rencontrer le maestro Porpora installé dans cette ville. Les aventures des deux jeunes gens sous le signe de la musique, les bonnes et les mauvaises rencontres qu'ils vont faire dans un pays sillonné par les recruteurs du roi de Prusse, Frédéric,(Celui de Voltaire), leur arrivée à Vienne où il découvre un Porpora oublié et misérable, les débuts de Consuelo qui se dévoue entièrement à celui qu'elle considère comme son père et aussi de Joseph Haydn, l'amour contrarié de Consuelo pour Albert, forment la trame riche et complexe de ce passage passionnant, mon préféré.

La quatrième partie raconte le voyage de Consuelo avec Porpora vers Berlin où elle a un engagement pour le théâtre royal jusqu'au moment où arrivant à Prague elle est rappelée d'urgence au château des Géants au chevet d'Albert mourant qui lui demande de l'épouser. Après le mariage et la mort de son époux, Consuelo, devenue comtesse de Rudolstadt, renonce à tous ses droits sur l'héritage et repart librement avec son maître.

Ouf! Résumer un bouquin de 1000 pages n'est pas de tout repos. On pourrait même dire que c'est une gageure tellement cette oeuvre est foisonnante, riche en aventures de toutes sortes, tellement l'écrivain fait preuve d'une imagination sans limites. George Sand, elle-même, jugeait qu'il y avait là, la matière de trois ou quatre bons romans. Consuelo est en fait un feuilleton qu'elle écrivait dans l'urgence et sous la contrainte des dates de parution de la Revue indépendante. Aussi, écrit-elle, il va souvent à l'aventure(…) dans une sinuosité exagéré d'évènements (…) une absence de plan (…) qui favorise l'inspiration :

La fièvre est bonne mais la conscience de l'artiste a besoin de passer en revue, à tête reposée, avant de raconter tout haut, les songes qui ont charmé sa divagation libre et solitaire.*

On comprend pourquoi ce roman n'a pas été particulièrement apprécié dans la France de Flaubert, lui-même très critique envers cette oeuvre, dans le monde cartésien de la littérature française.

Moi-même, j'avoue que le passage au château des Géants m'a plutôt laissé perplexe. Si encore il s'agissait d'un roman gothique à la Ann Radcliffe, on pourrait se laisser aller à l'irrationnel -sans y croire vraiment- mais avec un frisson délicieux comme le fait la Catherine de Northanger abbey de Jane Austen. Mais George Sand refuse ces codes et elle le dit nettement. Si bien que le jeune comte Albert qui se croit la réincarnation d'un ancêtre hussite, meurtrier dont il expierait les fautes apparaît comme un fou et semble même dangereux. Toute la spiritualité du jeune homme que Consuelo admire me paraît la confusion d'un esprit en proie au délire. Et comme le mysticisme n'est pas mon fort, j'ai de la peine à croire à l'amour de la jeune fille pour cet homme souvent en proie à une exaltation qui va jusqu'à la violence. Comment penser qu'elle puisse l'aimer alors qu'il lui fait peur et qu'elle le soupçonne de meurtre? Pourtant, au moment où je refuse ce manque de vérité psychologique, je m'aperçois que le comte est pourvu de dons de voyance incontestables, qu'il semble voir le passé réellement, et l'avenir de même. George Sand nous égare donc dans un monde irrationnel qui semble se refuser à lui-même, fidèle à l'esprit des Lumières qui flirte avec le Merveilleux pour mieux le nier. Ce qui peut paraître comme une incohérence devient alors habileté de la part de l'écrivain.

La culture de George Sand au niveau historique et son érudition musicale qui nous transportent d'un pays à l'autre est un des plaisirs du roman. Mises à part quelques longueurs et répétitions dans le récit, j'ai aimé son aspect initiatique et picaresque quand les deux jeunes gens sont sur les routes et gagnent leur vie en chantant et en jouant de la musique. Les personnages qu'ils rencontrent sont bien campés. George Sand a l'art du portrait satirique aussi bien sur le plan physique que moral. Elle sait mettre en avant avec beaucoup d'humour le trait caricatural, les travers, les faiblesses, les vanités de chacun tout en rendant la complexité de l'âme humaine : je pense au chanoine épris de musique, de fleurs et de bonne chère, si lâche quand il risque de perdre ses bénéfices et pourtant capable de courage dans les moments importants; les nobles ne sont pas épargnés ainsi le comte Hodiz qui se pique d'être musicien et offre à son épouse La Margrave une fête grandiose mais absurde et ridicule.

Les thèmes principaux du roman, étroitement liés, sont celui de la musique ou plus généralement de l'art et celui de l'égalité, de la liberté sociales. le socialisme de Sand s'exprime ici non sans quelque idéalisme et utopie. Face aux nobles, George Sand peint une héroïne roturière, la plus humble possible mais fière, droite et qui a le sens de sa dignité. Même devant la reine d'Autriche, Marie Thérèse, Consuelo refuse de s'abaisser, de flatter ou de mentir. Que l'on soit roi ou comte ne lui en impose pas. le ministre Kauniz lui-même, conseiller de Marie Thérèse, lui apparaît comme une vieille commère peu préoccupé des affaires de l'Etat.

"Je méprise les avantages que l'on n'acquiert pas par son propre mérite" déclare-t-elle à Porpora et elle le prouve en refusant le mariage avec Albert :
Je n'étais pas faite pour être la femme du comte Albert pour la seule raison que je ne m'estime inférieure à personne devant Dieu, et que je ne voudrais recevoir de grâce et de faveur de qui que ce soit devant les hommes.

Consuelo est très sensible à l'injustice, à la misère du peuple dont elle est issue. Les accents du socialisme utopique de Sand ne sont jamais aussi forts que lorsque Consuelo et Haydn sont accueillis par des laboureurs lors de leur voyage vers Vienne. La conception rousseauiste des bons laboureurs, ces braves gens fatigués par une longue journée de travail, cède vite la place à la vision de la misère, de la saleté, de la promiscuité dans cette chambre unique où tous vont s'entasser pour la nuit.. Mais c'est en voyant le sort des femmes qu'elle s'émeut le plus.

"Pauvres gens", dit Consuelo à propos de ces paysans. "Si j'étais riche, je voudrais tout de suite leur faire bâtir une maison et si j'étais reine, je leur ôterais ces impôts, ces moines et ces juifs qui les dévorent."

"Si vous étiez riche vous n'y penseriez pas, et si vous étiez née reine vous ne le voudriez pas! Ainsi va le monde", lui répond Joseph Haydn.

Elle rencontre en Albert un fervent défenseur de l'égalité qui pour lui est sainte car voulu par Dieu. Albert a sa propre réponse quand il donne sa fortune aux pauvres. Pour Consuelo, la solution à l'inégalité et l'injustice se trouve dans l'art. La musique conçue comme un art exigeant, entier, dévorant et saint, est un don de Dieu qui permet l'élévation de l'âme et place l'artiste au-dessus de tous "car quiconque est né artiste a le sens du beau et du bien, l'antipathie du grossier et du laid."

Face aux seigneurs propriétaires de la terre et aux laboureurs qui en sont esclaves, Consuelo se dit qu'il vaut mieux être" artiste ou bohémien que seigneur ou paysan puisque à la morne possession d'une terre comme à celle d'une gerbe de blé s'attachaient où la tyrannie injuste, ou le morne assujettissement de la cupidité."

C'est la musique qui permet de supporter le mal autour de nous, c'est l'art qui permet aux hommes d'évoluer :

"L'art peut donc avoir un but bien sérieux, bien utile pour les hommes?" demande Haydn et Consuelo de répondre :

"Si les malheureux avaient tous le sentiment et l'amour de l'art pour poétiser la souffrance et embellir la misère, il n'y aurait plus de malpropreté, ni découragement, ni oubli de soi-même, et alors les riches ne se permettraient pas de tant fouler et mépriser les misérables."

"Faire comprendre l'art et le faire aimer" est donc le rêve de Consuelo.

* Préface de George Sand
Lien : http://claudialucia.blog.lem..
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Victor Hugo rend hommage à George Sand (Aurore Dupin ), dans son éloge funèbre, en 1876 : « Dans ce siècle qui a pour loi d'achever la Révolution française et de commencer la Révolution humaine, l'égalité des sexes faisant partie de l'égalité des hommes, il fallait une forte femme.»
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La brocante m'a permis une très belle découverte de cette écrivaine, précurseure du féminisme.
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Vienne, 1750 : Marie-Thérèse de Habsbourg, impératrice, est une des trois femmes les plus puissantes de l'Europe. Elle écoute, puis rencontre la cantatrice vénitienne Consuelo, la Porporina, protégée de maître Porporino, compositeur et pédagogue. L'impératrice lui refuse l'entrée au théâtre national, car elle n'est pas amoureuse du futur célèbre Joseph Haydn, et "elle veut rester fille", car elle est engagée avec le comte Albert dans les tomes précédents....
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Je n'ai que le tome 3, c'est dû aux hasards de la brocante, mais quelle découverte ! Je me doutais que Consuelo, jeune femme de caractère déguisée en jeune homme au début du livre, "était", quelque part, George Sand, avec son énergie, son déterminisme, ses valeurs d'égalité homme / femme. La lecture de la biographie de l'auteure m'a non seulement confirmé ma pensée, mais fait découvrir toute la richesse de sa vie dans ce siècle formidable !
Là encore, non seulement ce livre est un roman avec une belle intrigue amoureuse, mais je découvre les enjeux mesquins du théâtre, où parfois l'art n'a pas sa place ; je m'enrichis encore d'une partie de l'Histoire de l'Europe, où, pendant que règnent en France la Pompadour et Louis XV, on découvre le caractère "commère" de Marie-Thérèse d'Autriche, et l'aspect inquisiteur et guerrier du roi Frédéric de Prusse.
La partie sociale du roman découvre l'hypocrisie et l'attachement aux valeurs matérielles des autres cantatrices ainsi que du docteur qui soigne Albert, objectifs qui pourrissent les relations sociales.
Consuelo, comme Aurore Dupin, Baronne Dudevant, d'origine mixte (noble et paysanne ) méprise toutes ces valeurs, ce qui me plaît !
Une des multiples rencontres de George Sand, le philosophe Pierre Leroux, a sensibilisé l'auteure, et donc Consuelo à l'immortalité de l'âme :
"Consuelo continuait à aimer Albert, non comme un mort qu'on pleure parce qu'on va s'en détacher, mais comme un vivant dont on respecte le repos en attendant qu'on lui sourie à son réveil".
Et là dessus, ceux qui commencent à me connaître savent que je suis d'accord avec Consuelo .... et George !
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Magnifique roman, paru en feuilleton au XIXe siècle et, sans doute, l'oeuvre principale de son autrice, George Sand.

L'histoire se déroule au XVIIIe siècle. Louis XV règne sur la France (aucun rôle dans ce roman), Marie-Thérèse sur l'Autriche, Frédéric II sur la Prusse. La guerre de trente ans qui a déchiré l'Europe se termine.

Sans nom de famille l'héroïne est dotée de plusieurs prénoms : Consuelo, Zingara (la bohémienne) Singarella, et Porporina.

Consuelo, est une toute jeune fille pauvre. Née de père inconnu, sa mère, chanteuse de rue, décède à Venise alors qu'elle est encore très jeune. Protégée par Anzoleto, aussi pauvre qu'elle, elle est remarquée par Nicola Porpora, compositeur et maître de chant, pour la qualité exceptionnelle de sa voix. Elle débute une carrière de chanteuse lyrique.

Suite à la trahison d'Anzoletto elle quitte Venise pour les monts Carpates au château des Géants, habité par la famille Rudolstadt. Elle vient en qualité de professeur de musique de la jeune baronne Amélie. Elle rencontre Albert, fils unique du comte "doué d'une forte constitution ; mais comme il le dit lui-même, le mal est dans son âme, et ce mal a été toujours en augmentant. Dès sa première enfance, il eut l'esprit frappé d'idées bizarres et superstitieuses".
Par son influence sur Albert, Consuelo l'aide à sortir de sa maladie nerveuse. Il souhaite l'épouser. Craignant de plonger la famille Rudolstadt dans la mésalliance, Consuelo s'enfuit pour Vienne.
Sans argent elle fait le trajet à pied en compagnie d'un jeune homme, Joseph Haydn. Ils connaissent de nombreuses aventures durant leur périple. Arrivée à Vienne elle loge chez Porpora. Comme à Venise elle se produit avec succès sur scène et est confrontée à sa rivale Corilla.

Afin de l'éloigner de son attachement pour Albert, Porpora décroche auprès de l'opéra de Berlin un contrat pour lui comme pour elle.
Sur la route de Berlin, elle est informée de l'état de santé d'Albert. Elle se rend au Château des Géant. Albert décède immédiatement après la célébration de leur mariage.

Difficile de résumer les 900 pages de cet ouvrage.
Difficile d'évoquer le rôle des très nombreux protagonistes, qu'ils soient fictionnels ou réels,
Difficile d'expliquer la personnalité complexe de Consuelo.

J'ai découvert ce roman par hasard en lisant une critique sur Babélio. Des oeuvres de George Sand , en dehors de la Mare au Diable, je constate mon ignorance. Je viens d'ajouter à ma PAL le tome 2 "la Comtesse de Rudolstadt".



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Cette édition comporte à la fois Consuelo et la Comtesse de Rudolstadt, qui en est la suite. C'est un très long roman, qu'on suit à mesure, comme il a été écrit. le XIXe siècle offre cette délicieuse littérature de feuilletons, où l'écrivain devait peiner à se souvenir à la fin de ce qu'il avait écrit au début. de ce fait, on va ici de façon désordonnée et on change de ton sans cesse. Une bluette à Venise, un moment gothique dans les Carpathes, un roman de moeurs en Autriche, une prison romantique en Prusse, une fin illuminée.

Mais cette évolution permanente d'épreuve en épreuve est aussi la démarche du roman d'apprentissage du romantisme allemand et Consuelo est un des rares authentiques exemples de ce genre que nous ayons en France : avec le théâtre, emblème du rôle social qu'il faudra tenir ; avec les différents hommes entre lesquels il faudra choisir ; avec le don qu'on a et qu'il faudra savoir utiliser à bon escient.

Cette progression signifie un apaisement par rapport à Lélia et son impuissance à vivre (écrit en 33 et remaniée déjà de façon plus paisible en 39, cinq ans avant). J'ai beaucoup de mal à lire Lélia, je le fais par bribes. Ce roman-là se lit d'un trait : c'est un pur concentré de romanesque. Les hommes se font poursuivre à travers des grottes labyrinthiques, ils apparaissent sous des formes sombres et mystérieuses, menacent de mourir, meurent d'ailleurs à l'occasion, vous libèrent de prison, vous transportent, masqués, à travers des torrents ou au galop des diligences, vous embrassent (toujours masqués) au son des feux d'artifice. C'est un tel plaisir ! Et c'est conçu comme tel, pour aboutir à séduire enfin la petite Consuelo, qui est une dure à cuire.

En mineur, il y a des moments idylliques de promenades, de jardins découverts à la tombée du jour comme dans les contes, de longs cheminements amicaux où l'on chante ensemble. C'est d'ailleurs cet "ensemble" qui est le plus important, non pas tant l'amour - que George Sand considérait comme un "égoïsme à deux" - mais le fait de chanter avec d'autres et pour les autres, le fait de se partager la coupe, comme les hussites de Bohême, le fait de partager son art avec d'autres (avec le public, avec le "peuple" espéraient Sand et Liszt), d'accéder à la "bonne pauvreté" qui consiste essentiellement en un idéal artistique rêvé où l'on vous donne à manger sur le chemin en échange d'un moment de beauté.
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Citations et extraits (92) Voir plus Ajouter une citation
Déjà nous séparer ! déjà quitter cet asile sacré où Dieu seul est entre nous, cette cellule que je chéris depuis que tu m'y es apparue, ce sanctuaire d'un bonheur que je ne retrouverai peut-être jamais, pour rentrer dans la vie froide et fausse des préjugés et des convenances ! Ah ! pas encore, mon âme, ma vie ! encore un jour, encore un siècle de délices. Laisse moi oublier ici qu'il existe un monde de mensonges et d'iniquité, qui me poursuit comme un rêve funeste ; laisse moi revenir lentement et par degrés à ce qu'ils appellent la raison. Je ne me sens pas encore assez fort pour supporter la vue de leur soleil et le spectacle de leur démence. J'ai besoin de te contempler, de t'écouter encore. D'ailleurs, je n'ai jamais quitté ma retraite par une résolution soudaine et sans de longues réflexions ; ma retraite affreuse et bienfaisante, lieu d'expiation terrible et salutaire, où j'arrive en courant et sans détourner la tête, où je me plonge avec une joie sauvage, et dont je m'éloigne toujours avec des hésitations trop fondées et des regrets trop durables ! Tu ne sais pas quels liens puissants m'attachent à cette prison volontaire, Consuelo ! tu ne sais pas ce qu'il y a ici un moi que j'y laisse et qui est le véritable Albert, et qui n'en saurait sortir ; un moi que j'y retrouve toujours et dont le spectre me rappelle et m'obsède quand je suis ailleurs. Ici est ma conscience, ma foi, ma lumière, ma vie sérieuse en un mot. J'y apporte le désespoir, la peur, la folie ; elles s'y acharnent souvent souvent après moi et m'y livrent une lutte effroyable. Mais vois-tu, derrière cette porte, il y a un tabernacle où je les dompte et où je me retrempe. J'y entre souillé et assailli par le vertige ; j'en sors purifié, et nul ne sait au prix de quelles tortures j'en rapporte la patience et la soumission. Ne m'arrache pas d'ici, Consuelo ; permets que je m'en éloigne à pas lents...
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On a dit avec raison que le but de la musique, c'était l'émotion. Aucun autre art ne réveillera d'une manière aussi sublime le sentiment humain dans les entrailles de l'homme; aucun autre art ne peindra aux yeux de l'âme, et les splendeurs de la nature, et les délices de la contemplation, et le caractère des peuples, et le tumulte de leurs passions, et les langueurs de leurs souffrances. Le regret, l'espoir, la terreur, le recueillement, la consternation, l'enthousiasme, la foi, le doute, la gloire, le calme, tout cela et plus encore, la musique nous le donne et nous le reprend, au gré de son génie et selon toute la portée du nôtre. Elle crée même l'aspect des choses, et, sans tomber dans les puérilités des effets de sonorité, ni dans l'étroite imitation des bruits réels, elle nous fait voir, à travers un voile vaporeux qui les agrandit et les divinise, les objets extérieurs où elle transporte notre imagination.
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Alors, ne pouvant être monarques, nous sommes artistes, et nous régnons encore. Nous chantons la langue du ciel, qui est interdite aux vulgaires mortels; nous nous habillons en rois et en grands hommes, nous montons sur un théâtre, nous nous asseyons sur un trône postiche, nous jouons une farce, nous sommes des histrions ! Par le corps de Dieu ! le monde voit cela, et n'y comprend goutte ! Il ne voit pas que c'est nous qui sommes les vraies puissances de la terre, et que notre règne est le seul véritable, tandis que leur règne à eux, leur puissance, leur activité, leur majesté, sont une parodie dont les anges rient là-haut, et que les peuples haïssent et maudissent tout bas. Et les plus grands princes de la terre viennent nous regarder, prendre des leçons à notre école; et, nous admirant en eux-mêmes, comme les modèles de la vraie grandeur, ils tâchent de nous ressembler quand ils posent devant leurs sujets. (...)
Oh ! quand je suis au théâtre, je vois clair, moi! L'esprit de la musique me dessille les yeux, et je vois derrière la rampe une véritable cour, de véritables héros, des inspirations de bon aloi; tandis que ce sont de véritables histrions et de misérables cabotins qui se pavanent dans les loges sur des fauteuils de velours. Le monde est une comédie, voilà ce qu'il y a de certain, et voilà pourquoi je te disais tout à l'heure : Traversons gravement, ma noble fille, cette méchante mascarade qui s'appelle le monde.
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Moi, je m'imagine qu'une belle fleur ne végète pas stupidement, sans éprouver des sensations délicieuses. Passe pour ces pauvres petits chardons que nous voyons le long des fossés, et qui se traînent là poudreux, malades, broutés par tous les troupeaux qui passent ! Ils ont l'air de pauvres mendiants soupirant après une goutte d'eau qui ne leur arrive pas ; la terre gercée et altérée la boit avidement sans en faire part à leurs racines.
Mais ces fleurs de jardin dont on prend si grand soin, elles sont heureuses et fières comme des reines. Elles passent leur temps à se balancer coquettement sur leurs tiges, et quand vient la lune, leur bonne amie, elles sont là toutes béantes, plongées dans un demi-sommeil, et visitées par de doux rêves. Elles se demandent peut-être s'il y a des fleurs dans la lune, comme nous autres nous nous demandons s'il s'y trouve des êtres humains. Allons, Joseph, tu te moques de moi, et pourtant le bien-être que j'éprouve en regardant ces étoiles blanches n'est point une illusion. Il y a dans l'air épuré et rafraîchi par elles quelque chose de souverain, et je sens une espèce de rapport entre ma vie et celle de tout ce qui vit autour de moi.
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Nul ne sait où je suis! Certes c'est une pensée d'isolement qui a son charme, un charme inexprimable, féroce en apparence, légitime et doux dans le fond. Nous sommes faits pour vivre de la vie de la réciprocité. La route du devoir est longue, rigide et n'a d'autre horizon que la mort, qui est peut-être à peine le repos d'une nuit. Marchons donc, et sans ménager nos pieds ! Mais si, dans des circonstances rares et bienfaisantes, où le repos peut être inoffensif, et l'isolement sans remords, un vert sentier s'offre sous nos pas, mettons à profit quelques heures de solitudes et de contemplation. Ces heures nonchalantes sont bien nécessaires à l'homme actif et courageux pour retremper ses forces; et je dis que, plus votre coeur est dévoré du zèle de la maison de Dieu (qui n'est autre que l'humanité), plus vous êtes propre à apprécier quelques instants d'isolement pour rentrer en possession de vous-même. L'égoïste est seul et toujours partout. Son âme n'est jamais fatiguée d'aimer, de souffrir, de persévérer; elle est inerte et froide, et n'a pas plus besoin de sommeil et de silence qu'un cadavre. Celui qui aime est rarement seul, et, quand il l'est, il s'en trouve bien. Son âme peut goûter une suspension d'activité qui est comme le profond sommeil d'un corps vigoureux. Ce sommeil est le bon témoignage des fatigues passées, et le précurseur des épreuves nouvelles auxquelles il se prépare.
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Vidéo de George Sand
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel ! Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart, du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la première fois. Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly, Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes, hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes d'affaires... On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876, quelques jours avant sa mort. Les auteurs : George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps. Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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George Sand est un pseudonyme pour :

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