Pourquoi faut-il souffrir toujours d'un désir de bien-être qui se révèle sous la forme du beau et qui plane dans tous nos rêves sans se poser jamais à terre?
Ô vie, ô tourment! Tout aspirer et ne rien saisir, tout comprendre et ne rien posséder! Arriver au scepticisme du cœur, comme Faust au scepticisme de l'esprit!
J'accuse la grande loi du temps, qui veut que tout s'épuise et prenne fin. Ne voyez-vous pas que le flot des siècles nous emporte tous ensemble, hommes et mondes, pour nous engloutir dans l'éternité comme ces feuilles sèches qui fuient vers le précipice, entraînées par l'eau du torrent?
[...] ne te hâte pas de réaliser ton impatience, conserve et réfrène le désir de ton âme ardente, prolonge de tout ton pouvoir cet aveuglement de l'espoir, cette enfance du cœur qui n'a qu'un jour et qui ne revient plus. Gouverne sagement, garde avec vigilance, dépense avec parcimonie le trésor de tes illusions; car le jour où tu voudras obéir à la fougue de ta pensée, à la souffrance inquiète de tes sens, tu verras ton idole d'or et de diamant se changer en argile grossière; tu ne presseras plus dans tes bras qu'un fantôme sans chaleur et sans vie.
- Voilà donc, leur dit Lélia d'un ton amer, à quoi tient votre force ? La faiblesse d'autrui fait votre puissance; mais, dès qu'on vous résiste, vous reculez et vous avouez en riant que vous jouez un faux rôle parmi les hommes, charlatans et imposteurs que vous êtes !
C’étaient à peu près les seules heures de rêverie et de solitude absolue qui pouvaient trouver place dans une vie aussi assujettie que la mienne […]. Je me sentais attristé [sic] et j’élevais mes regards vers le ciel […] nous sommes trop abandonnés, ici-bas ! Rien, rien ! pas la face [d’un] ange, pas un rêve du ciel durant nos tristes nuits, pas une voix, pas une ombre dans ces ténèbres où je m’égare.
Il m’aima comme je feignais de vouloir être aimée, mais comme en effet je ne voulais pas l’être. (Lélia, 3, I)
Vos yeux levés sur la voûte bleue, où se montraient à peine quelques étoiles timides, brillaient d'un feu sacré. Moi, poète des bois et des vallées, j'écoutais le murmure mystérieux des eaux, je regardais les molles ondulations des pins faiblement agités.
Ce besoin d'épouser la terre et ses vulgaires intérêts qui tôt ou tard flétrit le coeur de l'homme et lui enlève son rêve de perfection.
L’imagination de l’homme est ainsi faite : elle trouve des jouissances au-delà du présent ou en deçà.