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Critique de memma


memma
27 novembre 2016
J'ai une relation particulière avec Mauprat, parce que ma mère me l'a lu tout haut quand j'étais petite, pour me consoler d'être malade alors que j'étais en vacances. Les textes de Sand sont aérés, aisés, d'un tissage relâché ; il est difficile d'y délimiter des paragraphes intenses ; cela en fait à l'inverse des merveilles à écouter.
L'histoire a été racontée en détail dans les autres critiques. Elle est fondée sur un système binaire entre un pôle « sauvage » (la branche Coupe-Jarret des Mauprat) et un pôle « civilisé » (la branche Casse-Tête). Bernard de Mauprat n'appartient en réalité ni à l'un ni à l'autre : il a été emmené encore petit chez les Coupe-Jarret ; il est ramené jeune homme chez les Casse-Tête. Revenu à une civilisation où il est plus heureux, il conserve en lui une sauvagerie qui le marginalise. Il a pour sa cousine Edmée, chez qui il vit désormais, un amour violent qu'il tente de domestiquer.
Le château des Coupe-Jarret, tout à fait anachronique, même à la fin du XVIIIe s où l'action est censée se passer, est le lieu d'un romanesque échevelé dont j'ai gardé toute ma vie les images : Edmée qui apparaît à Bernard à la lueur du feu, les combats pendant l'orage sur les tours, la fuite dans les souterrains, les lueurs dans la nuit, le serment arraché par la peur.
Le reste du roman est constitué d'une lutte entre Bernard et Edmée. A la force de Bernard, Edmée répond une force égale (« A Mauprat, Mauprat et demie ! »). Je la vois sans cesse sur son cheval, avec sa cravache, qu'elle quitte de temps en temps, pourtant. Ainsi lorsqu'Edmée est victime d'une tentative d'assassinat, c'est naturellement vers Bernard que se portent les soupçons.
Je voudrais ajouter deux choses qui nuancent ce qui a été dit par les autres critiques :
- Bernard est marginalisé et en cela, il est à plaindre. le roman est sans cesse ambigu à cet égard. Lorsqu'il dit à Edmée - qui le repousse en soi et surtout parce qu'il est un Coupe-Jarret - « je ne sens pas qu'il y ait du mal en moi », il revendique, à juste titre, un être moral individuel et lui cloue pour une fois le bec d'ailleurs ; cette phrase est restée pour moi celle qu'articule toute personne repoussée à cause de son appartenance communautaire ;
- malgré toutes ses paroles raisonneuses, Edmée est inapte au fond à dire son propre amour. Elle n'y parvient que lors du procès final, réécriture sandienne - a-t-on dit - du procès du Rouge et le Noir. Là où une femme a le courage que Mme de Rénal n'a pas, de dire qu'elle aime cet homme qu'on accuse d'avoir tenté de la tuer ; et d'essayer ainsi de le sauver.
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