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EAN : 9782070343294
320 pages
Gallimard (15/02/2007)
3.81/5   48 notes
Résumé :

Une maison que le temps ronge comme à regret. Des fantômes et de vieux souvenirs que l'on voit apparaître et disparaître. Une ville erratique qui se déglingue par ennui, par laisser-aller, par peur de la vie.

Un quartier, Rampe Valée, qui semble ne plus avoir de raison d'être. Et partout dans les rues houleuses d'Alger des islamistes, des gouvernants prêts à tout, et des lâches qui les soutiennent au péril de leur âme. Des hommes surtout, les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Lamia vit seule sur les hauteurs d'Alger, dans une vieille maison qui a connu des jours meilleurs, quelques siècles, d'éclectiques propriétaires et qui dorlote leurs fantômes. Une femme seule, médecin, ayant dépassé la trentaine dans une société musulmane où la femme doit forcément être sous la domination d'un homme…libre mais pas tant que ça dans un pays qui n'a rien à offrir à sa jeunesse à part devenir un harraga, un migrant algérien clandestin, un sans papier, au péril de sa vie…pour échapper à la misère, à l'ennui, aux islamistes.

Dans ce contexte de désolation, dans les ruines de ce qui a fait la richesse puis le déclin de l'Algérie, réduite à une culture appauvrie, à un seul Dieu, à une économie mortifère, au manque d'ambition, au repli dans la religion, une insoumise vient frapper à sa porte. Cherifa, une jeune prostituée, enceinte, insouciante, révoltée, que lui envoie son jeune frère Sofiane, lui-même parti pour un monde meilleur sans donner de nouvelles… Elle la laisse s'installer puis s'en aller pour ensuite la regretter. Et elle part à sa recherche dans les labyrinthes d'un pays écrasé par le poids des traditions et l'incompétence de ses dirigeants. Pourtant la fin lui apportera un message d'espoir, une raison de vivre dans sa maison trop vaste et désertée, menacée de ruine.

Boulaem Sansal a le courage de dénoncer l'absurdité d'un système qui condamne les femmes à l'esclavage, les hommes à la mesquinerie, le pays à l'incurie, à coups de préceptes moyenâgeux, se complaisant dans la médiocrité et la délation et n'hésitant pas à exporter son intolérance. Un très beau texte poétique et plein d'humour malgré son pessimisme. Un auteur à lire et relire !
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Lamia, Algéroise d'environ 35 ans, a déserté la vie. A part son travail de pédiatre, elle n'a que peu de contact avec l'extérieur. Elle attend des nouvelles de son frère Sofiane, qui a quitté la maison dans l'espoir de devenir harraga, un brûleur de route. Mais voilà qu'un jour, une tornade enceinte jusqu'aux yeux frappe à sa porte...
Le portrait de deux femmes dans une Algérie en proie à la violence islamiste, intolérante envers les femmes et toute forme de joie, voire de vie, parfois ; en proie à l'incurie de son administration et de ses politiciens corrompus. Deux femmes qui envers et contre tout, ont décidé de vivre leur vie. Quitte à la brûler, à devenir des harraga d'un genre nouveau...
Boualem Sansal aime son pays, n'en déplaise aux autorités algériennes. Simplement, il n'aime pas ce que devient son pays et le dit. Avec courage.
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Le roman, Harraga, expose la solitude et la dégénérescence. La solitude jubilatoire d'une femme et la dégénérescence multiple d'un pays. Il s'agit d'une femme de tête qui armée jusqu'aux dents, de sarcasmes et de poésie, sème désordre et tendresse sur son passage. Il s'agit d'un pays, l'Algérie, les pieds de laquelle s'embrouillent dans le cambouis de l'islamisme, l'autoritarisme, l'amateurisme, la sclérose économique, l'émigration des jeunes sans perspectives, les « harragas » ou brûleurs de route. Est-il possible de rompre cette pieuvre ?

Une question s'impose d'entée de jeu : « Notre vie nous appartient-elle en propre ? » Jusqu'où une solitude choisie et assumée nous appartient-elle en propre ? Cette interrogation surgit après l'irruption d'une déniaisée chez notre chère et solitaire narratrice. La visiteuse impromptue s'attife en plus d'un attirail tout particulier : l'adolescence, des strings et surtout une grossesse. Elle serait héraut du frère de la narratrice, brûleur de route, en partance pour l'Europe, Terre promise.

Cependant, sommes-nous déjà en présence d'une poudrière ? Toutes deux « folles à lier » pourront-elles faire bon ménage dans cette vieille et vaste demeure, héritée de colons célères et hantée par leurs fantômes ? Spectres en compagnie desquels Lamia a vécu jusque-là et qui sont à la fois des amis et des conseillers. Dépositaires aussi de multiples et séculaires secrets qui fourmillent dans cette demeure labyrinthique.

Déjà en guerre contre les carcans traditionnels auxquels toute femme en terre d'islam se doit de sacrifier, Lamia « a tiré un trait » sur le formalisme, fermé « portes et fenêtres » à tout prétendant et ce faisant entre de plain-pied « dans la pire des engeances en terre d'islam, celle des femmes libres et indépendantes.» Convaincue qu' « un condamné libre dans sa tête est plus vrai qu'un geôlier prisonnier de ses clés », la jeune pédiatre, en outre acariâtre et apostat, de trente-cinq ans a juré de faire la chasse aux islamistes et aux politiques, avec l'idée de les brûler vifs. Et pour cause, la dégénérescence dans laquelle dérive le pays leur est en partie imputable. L'autre responsabilité incombant aux coutumes rétrogrades entretenues par la vieille génération. Nul alors ne peut passer entre les mailles du filet de cette femme bien pensée. Des parents obscurantistes à l'administration, en passant par les politiciens et les islamistes, tout le monde en prend pour son grade.

Si Chérifa, la lolita de seize ans, est aussi rebelle et renégate que son hôte, elle allie en sus bouderie et égoïsme, légèreté et fugue, insouciance et désordre. D'abord réticente, Lamia finit par apprécier la présence de cette jeune récalcitrante qui atténue d'une certaine manière sa grande solitude et son dégoût du quotidien. Elle s'engage alors à l'initier à la culture », étant « le salut » et l'arme de libération contre l'obscurantisme ambiant. Mais l'ignorante et l'insolente se montre imperméable à toute instruction et ouverture d'esprit.

Disputes, fugues, regrets et réconciliations jalonnent leurs relations à la fois passionnelles et sans cesse conflictuelles.

Après une énième fugue, la fille enceinte ne fait plus aucun signe. Confite en regrets et culpabilité, Lamia passe au peigne fin Alger, hôpitaux et cantines universitaires entre autres. L'administration percluse dans l'impéritie et écho de la nomenklatura ne lui procure aucune aide. Bouleversée, tourmentée par la disparition de celle qu'elle considérait désormais comme sa fille, elle se rend bien compte que « notre vie ne nous appartient pas en propre. » La solitude bien que choisie comporte bien des limites et des failles ; l'amour, quel qu'il soit, étant la seule corde nous liant à la vie. L'essence de laquelle est partage et présence de l'autre.

Finalement, elle reçoit l'appel d'un couvent où la jeune fille a été recueillie avant de mourir. Par bonheur, son bébé vit. Une fin métaphorique symbolisée par le couvent et l'accouchement.

Le couvent personnalisé par la figure pieuse et généreuse de la mère supérieure est vu comme l'émanation spatiale d'une religion en paix avec elle-même, éclairée et ouverte. « La religion, ça devait être uniquement ça : contempler le monde en silence et se tenir aux aguets de ses convulsions et de ses murmures. Pas besoin de troupes et de canons. Des mots, des soupirs, des regards, ça suffit. » L'auteur définit là ce que doit être une religion et érige le christianisme en modèle de tolérance et d ‘ouverture. Un vrai pied de nez à l'islam rigoriste, violent et borné.

Quant à l'accouchement, ne figure-t-il l'avènement d'une nouvelle Algérie à la croisée de la liberté et de la tradition, de la lumière et de la foi, de la transcendance et de l'humanisme ? Boualem Sansal exhorte sans doute l'islam à s'inspirer du christianisme, plus ouvert et plus en phase avec le monde moderne.

Harraga est le diagnostic d'un pays rongé par un chancre multiforme : islamisme, impéritie, autoritarisme, émigration. Examen sans concession magistralement menée par une femme de caractère, pédiatre de son état. Née du « tremblement » de 1962, l'Algérie n'avait pas besoin de contracter ce cancer originel.

Un roman fantomatique, solitaire et épicé d'humour. La langue est subtile, mêlant sublime, familier et poésie. Un roman tout bonnement extraordinaire.
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Harraga, est pour Boualem Sansal, le roman d'une Algérie qui se perd, malgré sa beauté, malgré le courage de ses femmes. Harraga, ce qui fait que les gens deviennent des "harragas", la peur, la violence, le terrorisme, l'islamisme aveugle, la folie, . La détresse des femmes, Lamia, seule dans sa grande maison, Chérifa, insouciante et légère qui ne pourra survivre à son insouciance. Lamia persiste veut combler le vide de sa vie vers un hypothétique amour filial, Chérifa s'échappe mais lui laissera tout de même un superbe cadeau....
Sansal a du talent, certes, son style est recherché, mais pour moi il use et abuse de l'enchevêtrement de la narration. IL va et vient, retourne et repart, sans cesse il navigue dans le passé, le présent, transcrit ce qu'il voit, et se sert de ce qu'il entend de ci de là jusqu'au moment où l'on se dit pourquoi veut il ainsi nous perdre ??? Divagations ou parodie des "mille et une nuits" ? La maison de Rampe Vallé m'a ramené à une superbe roman que je conseille vivement "la maison de lumière" de N. Saadi, sur l'une des magnifiques demeures de la région d'Alger. Ce roman est un véritable bijou littéraire et surtout historique... Peut être a-t-il inspiré l'auteur de Harraga.
Autre malaise à la lecture de ce livre : la narration de l'auteur du personnage de Lamia me semble surfaite, trop masculine, trop de dérision, ses récits, ses dires, ses comportements, semblent calqués superposés, et en fait trop bien construits pour être vrais. J'ai vraiment eu du mal à ne pas "sauter" plus de pages permises par la bienséance....
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Un témoignage sur fond véridique, des personnages se débattant au centre de leurs contradictions, un beau mot : "Harraga", le "Brûleur de route". Qui est le plus immolé? Lamia, la pédiatre, dont les certitudes lucides (le pays, la corruption, la condition féminine, l'inertie...) emplissent la solitude quotidienne ; Chérifa, jeune fille enceinte qui viendra bouleverser la vie de Lamia par son bouillonnement, son appétit de vivre, ses rêves ; Sofiane, le frère, pour qui l'eden pourrait être l'occident ; un pays, un quartier, des maisons et derrière les façades, l'intransigeance des interdits, l'impossibilité de se réaliser, d'être soi... tout simplement. Folies de l'homme, satire et humour féroces, politique lâche, un livre sensible sur l'errance des "brûleurs de route" en quête continuelle d'une liberté qui ne s'obtiendra qu'au prix de sacrifices. Un livre brûlant de reproches.

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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
J'étais folle et je ne le savais pas. De bonnes âmes me le disaient, à leur manière, le regard en retrait, un pauvre sourire en offrande sur les lèvres. Je ripostais par un éclat de rire qui ouvrait grande la voie à la vraie médisance. Elle me revenait sous d'autres formes, portées par d'autres bouches, plus autorisées, des grands-tantes qui accouraient toutes chaudes à la remontrance, chargées de victuailles et de sentences, des cousines de passage qui ont le coeur tellement tranquille que j'en venais à craindre pour leur santé, et même de parfaites inconnues qui s'invitaient gaiement au nom d'une attribution tribale aussi lointaine qu'invérifiable, toutes royalement dotées en maris, en fruits légitimes du ventre et fortes du droit acquis de dire le bien et le mal. Il y avait de l'anathème sous les mots et des mises en garde dans le regard. Nous étions en terre d'islam, pas dans une colonie de vacances. Je le prenais mal, le grief appelle le Jugement dernier. Fou ne veut pas dire malsain, vivre seule n'est pas un crime, n'est pas un luxe pour débauchée ! Allah aurait-il peur d'une pauvre femme esseulée ?
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Louiza, mon enfant
Quand le soleil se lèvera
Sur ton premier sourire
Nous prendrons la route.
Nous serons des harragas.

Louiza, mon amour
Nous larguerons le malheur
Et nous laverons nos souvenirs
Dans le premier ruisseau
Ainsi font les harragas.

Louiza, ma chérie
Nous irons par des chemins nouveaux
Nous chercherons où poussent les fleurs
Où vont les oiseaux.
Ainsi sont les harragas.

Louiza, mon cœur
Nous trouverons et la route et le temps
Et nous apprendrons à vivre
Et nous apprendrons à rire
Ainsi rêvent les harragas.

Louiza, ma vie
Quand le soleil se lèvera
Sur ton premier printemps
Nous serons loin
Ainsi vont les harragas.

Mon enfant
Mon amour
Mon cœur, ma vie
Comme ta mère, ma fille,
Nous serons des harragas.


Écrit à Rampe Valée, en 2002, dans la maison du bon Dieu (tel est son nom aujourd´hui).
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J'ai tout compris de l'économique arabo islamique :
au boulot comme au foyer, les hommes causent,
les femmes bossent et il n'y a de repos dominical pour personne.
Mes collègues mariées, mères d'enfants et brus de belles mères
ont des journées de quarante huit heures et encore douze à l'arrivée des petits enfants.
Le soleil d'Allah brille d'un côté, pas de l'autre.
Comment inverser son orbite est une question dangereuse,
je ne me la pose plus.
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ACTE II

LA MÉMOIRE OU LA MORT


La souvenance est une autre façon
De vivre sa vie.
Pleinement.
Le mieux possible.
Le moins durement.
Et la solitude est le moyen
De garder en mémoire
Ce que le bruit des choses
Emporte dans l’oubli.
Il faut bien lâcher d’un coté
Pour tenir de l’autre.
De ce qui renaît au jour le jour
On se fait une nouvelle vie.
Et va le temps et va le rêve.
On ne voyage jamais qu’en soi.
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ACTE I

BONJOUR, OISEAU !


Alors que ma vie se vidait
Que le sable coulait entre mes doigts
Que le silence avait engourdi mon âme
Pour longtemps
Un oiseau s'est posé sur mon épaule.
« Cui-cui, cui-cui…! »
M'a-t-il dit à l'oreille
En faisant la cabriole.
Je ne comprenais pas.
Mais dans la solitude
La parole est une fête
Alors j'ai jeté mon chapelet
Et j'ai dansé.

Un oiseau c'est beau
Hélas, il a des ailes.
Comme elles lui servent pour se poser
Elles lui servent pour s'envoler.
C'est tout le drame avec les oiseaux.


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Vidéo de Boualem Sansal
Le prix Constantinople récompense depuis 2022 des oeuvres littéraires qui font le pont entre les cultures et les civilisations d'Occident et d'Orient.
Cette année ont été récompensés l'écrivain algérien Boualem Sansal et Delphine Minoui, grand reporter, correspondante à Istanbul pour Le Figaro. Ils sont les invités de Guillaume Erner.
#orient #occident #littérature ____________ Découvrez tous les invités des Matins de Guillaume Erner ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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