Petit livre distrayant, lecture très légère, qui contraste avec la gravité du thème : les douleurs et difficultés de la vieillesse, isolement, perte d'appétit, d'autonomie, le désir d'en finir, et la question permanente qui accompagne Mme Sarraute tous les jours :
Est-ce que j'appelle aujourd'hui l'association pour le droit à mourir dans la dignité ou est-ce que j'attends encore un peu ?
Joli petit livre de réflexion sur le thème actuel difficile et multiple de la vieillesse.
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J'ai bien aimé le côté décousu de ce livre, où la pensée défile sans de logique toujours évidente. J'ai aimé l'impression d'être proche de cette personne âgée qui parle d'elle. Discours ponctué de remarque, de questions, formulées par un autre ou par elle-même. Ce que j'ai préféré, je crois, ce sont les dernières pages. J'ai passé un doux moments avec ces mots.
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L’amour tout court, pour moi, ça ne veut rien dire parce que ça veut tout dire : l’amour de la nature, de la patrie, de Dieu, du prochain. Rien de bien personnel, avouez. L’amour auquel je pense se pratique le plus souvent à deux et de plus en plus longtemps. La ménopause, la fin de la procréation, pour nous, les filles, ce n’est plus – il s’en faut ! – la date limite au-delà de laquelle nous ne sommes plus bonnes pour la consommation. Au contraire. On se sent libérées. Oubliés les règles douloureuses, la pilule, le stérilet et tout le tintouin. L’amour, on peut continuer à le faire jusqu’à plus d’âge. Question de besoin, de goût, de talent et de faculté d’adaptation.
Bah, justement, je n'en ai plus. Ma vie est devenue un calvaire. J’enchaîne malaise vagal sur douleurs lombaires. Je
ne tiens plus debout, mes muscles ont fondu vu que la marche m'est fortement déconseillée et depuis que j'ai entrepris d'écrire ce fichu bouquin, le reste du temps je m'ennuie .
p 77
La nature est ainsi faite et bien faite qu’à force de se résigner, de surmonter les obstacles ou de s’arranger pour les éviter, on finit par s’en accommoder. Dans mon cas, rien ne pouvait expliquer à l’époque cette détresse absolue, soudaine, d’une violence intolérable dont le souvenir, oublié dès le lendemain, me revient dans toute son horreur aujourd’hui.
Ce que je vous ai sacrifié aussi, c’est la volupté de la paresse, c’est le bonheur chèrement acquis de me vautrer dans ma flemme, de prendre mon temps et surtout de le perdre. Sans aucun remords, sans aucune mauvaise conscience.
Bon, alors, même si le bonheur, le vrai, le fort, le grand, je ne l’ai connu que par instants, l’argent, en revanche, a joué un rôle non négligeable dans la vie de la vieille pute que j’ai été et que je ne suis plus, bien obligée, depuis une bonne quinzaine d’années. Vous connaissez la formule : il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Je l’ai toujours faite mienne. Des preuves tangibles, dîners, voyages, cadeaux, appart, maisons au temps des amours-passions. Des preuves plus subtiles sous forme d’attentions, de compliments, de fleurs, de coups de téléphone ensuite.
Sans parler, au risque de vous choquer, du piment terriblement aphrodisiaque qu’ajoute pendant l’amour – ni avant ni après, pendant – un billet de banque pour prix d’une caresse ou d’une position particulièrement chères, dans tous les sens du mot, à votre partenaire.
Claude Sarraute rit de la mort ! - On n'est pas couché #shorts #onpc