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EAN : 9782070285723
176 pages
Gallimard (03/11/1978)
3.69/5   8 notes
Résumé :
Oeuvres théâtrales de Nathalie Sarraute.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les mots me manquent...

Théâtre de Nathalie Sarraute, recueil de pièces plus ou moins courtes, est pour le moins déroutant.
J'ai presque envie de dire que cette oeuvre si particulière vient de déconstruire en peu de temps toute l'idée que je me faisais du théâtre.

Les personnages n'en sont pas vraiment. Disons qu'ils sont si anonymes qu'ils pourraient être vous, moi, le quidam qui passe dans la rue. D'ailleurs Nathalie Sarraute ne leur donne pas souvent de nom. Ils sont des couples, des hommes, des femmes sans passé ou presque, sans avenir, sans caractéristique particulière, sans volonté propre. Ils sont le plus souvent identifiés par Lui, Elle ou encore H.1, H.2, H.3 , F.1, F.2, F.3 ...

Les décors sont inexistants. Les lieux se définissent par les dialogues eux-même mais l'auteure ne les précise jamais.

L'histoire qui se déroule est intemporelle mais quand je dis "histoire" , je me fourvoie. Il n'y a pas d'histoire à proprement dit.
Les dialogues partent d'un rien. D'un tout petit rien, les répliques s'emballent, les vérités qui ne veulent pas être dites finissent par fuser, les émotions s'expriment, les regrets, les colères, les rancunes...

Nathalie Sarraute développe l'art du non-dit, des points de suspension à répétition.
Qu'il doit être difficile d'interpréter une de ces pièces pour y mettre toute l'intensité et la profondeur qui existe dans ces silences. Et quand on sait que certaines pièces ont été écrites pour la radio, cela parait un pari encore plus fou !


Plus encore que pour toutes les autres pièces de théâtre que j'ai déjà lues sans les avoir vues, j'ai eu besoin de voir, d'entendre les acteurs. Merci Youtube ! J'ai pu y regarder l'admirable interprétation d'André Dussollier et de Jean-Louis Trintignant de la pièce Pour un oui ou pour un non.
Par leur talent, le texte prend tout son sens !


En me documentant un peu sur Nathalie Sarraute, j'ai pu lire ça et là, qu'elle utilisait le terme de "tropismes" pour évoquer des mouvements instinctifs, déclenchés par la présence des autres ou encore par leurs paroles.
Les pièces qui composent ce recueil sont effectivement un parfait reflet de la complexité des rapports humains régis par une codification sociale, une part importante de non-dits ou de phrases stéréotypées qui peuvent conduire à des comportements parfois étranges et inexpliqués, ou encore à des disputes sans queue ni tête déclenchées pour un oui ou pour un non ...

En conclusion, je dirai qu'il est bien difficile de dire ce qu'on n'a pas envie de dire mais il est encore plus compliqué de le cacher complètement !
Alors ne me faites pas dire que je n'ai pas aimé ce recueil...et on restera bons amis !

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Isma

Toujours conçue pour la radio, comme les deux précédentes pièces de Nathalie Sarraute, Isma est créée en 1970, à la fois en allemand à la Süddeutscher Rundfunk, et en français, dans le cadre des Ateliers de création radiophoniques de France Culture. Elle est publiée la même année chez Gallimard. Elle sera mise en scène en 1973 par Claude Régy à l'Espace Pierre-Cardin. Elle semble encore moins jouée que les autres oeuvres dramatiques de Sarraute : une seule série de représentations notables, à Bruxelles en 1976.

Comme d'habitude, des interlocuteurs anonymes s'affrontent. Ici, Lui et Elle, opposés à un groupe de 3 H (Hommes) et 3 F ( Femmes). Au début de la pièce, un conflit émerge : H1 ne veut pas de dénigrement d'un couple absent, les Dubuit (les seuls à avoir un nom). Lui s'en prend assez violemment à H1, dans un premier temps le groupe suit H1 et ne veut pas consentir au jeu de massacre proposé par Lui et Elle. Mais le couple retourne le groupe et H1 s'en va. le groupe va essayer de donner corps à l'antipathie de Lui et Elle envers les Dubuit en suggérant des choses qui pourraient ne pas aller chez eux, en allant parfois jusqu'à des accusations très graves, sans grand fondement. Mais le couple n'est pas satisfait : cela ne correspond pas à leur ressenti, ce qui les agace vraiment chez les Dubuit, c'est une transformation d'un certain nombre de vocable de isma. Par exemple au lieu de dire capitalisme, ce serait capitalisma, ou structuralisma etc. Cela provoque une impression indicible mais très désagréable chez Elle et Lui. le problème semble insoluble, car il est impossible de reprocher cela à des gens sans passer pour un maniaque. le groupe essaie de saisir cette problématique, qui comme conclut H3 est « ce qui s'appelle rien ».

A partir en effet de rien, d'un petit défaut de prononciation ou maniérisme, Sarraute s'attache à décrire le comportement d'un groupe. A quel point, une sorte de solidarité s'installe, qui permet de déchirer, de s'acharner sur des personnes, dans une manière de tribunal populaire qui a décidé qu'une condamnation doit être prononcée. Mais on oscille en permanence entre l'effroi et le rire, parce que la raison à partir de laquelle on s'apprête à condamner est tellement absurde, que le rire peut surgir. Rien n'interdit d'ailleurs de penser que Lui et Elle se livrent à une farce, même si on peut donner d'autres interprétations. La manière dont un groupe s'agrège en meute est montrée de manière impressionnante : c'est un peu comme un archétype de situations où des individus, acceptent sans les questionner les normes, aussi délirantes soit elles, pour faire partie du groupe. La situation qu'a choisie Sarraute, est une forme d'abstraction, qui peut s'appliquer à tout type de situations, de groupes.

C'est encore une fois remarquable d'intelligence, d'une très grande force, à partir d'un matériel qui peut sembler au départ minuscule, et qui contient en germe l'essence la plus indicible des êtres.
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Le présent volume contient l'intégralité des pièces de théâtre de Nathalie SARRAUTE, de 1967 à 1980. L'une des figures majeures du nouveau roman en a écrites six, toute d'une petite trentaine de pages, en un seul acte.

Ce qui saute aux yeux, c'est la structure même : hormis pour une pièce, aucune ne donne de nom à ses personnages, qui restent anonymes. de plus, le lectorat a l'impression d'entrer dans une pièce en plein milieu d'une conversation, jouant le rôle d'un spectateur-voyeur (ce dont se délecta le nouveau roman). le point d'achoppement a eu lieu avant la scène première, et parfois nous ne savons pas du tout de quoi ou de qui les personnages dialoguent.

Une phrase lancée au hasard, (mais avant, en off) on imagine que le ton est monté entre deux, trois ou quatre personnes, rarement plus. Nous surgissons au beau milieu de la dispute, ne sachant prendre position (ce qui est la force de ses textes). « Tout à l'heure, quand nous discutions… enfin, on ne peut pas appeler ça discuter, nous étions du même avis… enfin vous et moi… mais elle… elle était là quand nous parlions, elle écoutait… ».

Les points de suspension n'en finissent plus, jusqu'à la chute, qui d'ailleurs n'en est pas une. Comme nous avons pénétré au coeur de la conversation, nous la quittons avant qu'elle ne soit close, c'est-à-dire que nous avons assisté à une bribe de discussion plus ou moins tendue et passionnée, et que nous nous séparons des protagonistes sans en savoir bien plus.

L'erreur fut peut-être de lire les six pièces à la suite. Au final, on y voit un exercice de style, une manière de présenter six pièces d'un même squelette, où les personnages (anonymes donc) pourraient être les mêmes d'une pièce à l'autre, et continuer leur échange entamé lors de la pièce précédente. Un seul mot peut être un simple prétexte pour que la discussion s'enflamme, comme si le débat devait avoir lieu coûte que coûte.

Nous pouvons parfois nous croire plongés dans du BECKETT (par les situations absurdes ou les insignifiances des personnages), plus rarement dans du KAFKA : « On a su qu'il m'est arrivé de rompre pour de bon avec des gens très proches… pour des raisons que personne n'a pu comprendre… J'avais été condamné… sur leur demande… par contumace… Je n'en savais rien… J'ai appris que j'avais un casier judiciaire où j'étais désigné comme « Celui qui rompt pour un oui ou pour un non ». Ça m'a donné à réfléchir… ».

Le théâtre de SARRAUTE se caractérise par le poids, la signification et la puissance des mots, des tonalités. Chaque débatteur recherche un appui, bien ancré dans sa mauvaise foi. L'échange n'est que de surface, chaque protagoniste semblant bien camper sur ses positions. Trouver le bon mot, la bonne expression pouvant éviter les sous-entendus, nombreux dans ces textes, tout comme peuvent l'être les conclusions hâtives, les silences étant interprétés et catalogués.

Les disputes donc : elles n'interviennent jamais totalement en direct, la raison a été évoquée avant l'entrée en scène. Sur celle-ci, si disputes il y a, elles ne sont qu'un reste de ce qui s'est déjà joué hors champ. Les phrases restent souvent en suspens, tranchent pourtant.

Il se peut que nous spectateurs, entrions au coeur d'une action mouvementée dont nous ne possédons pas les codes : « Dénigrement ? Dé-ni-gre-ment. Oui, c'est ça : dénigrement. C'était du dénigrement, ce que nous faisions là. Vous auriez pu dire : médisance. Ou cancans. Mais vous avez choisi dénigrement. Je comprends… À vrai dire, je m'y attendais. Toi aussi, tu t'y attendais, n'est-ce pas ? Nous nous y attendions tous les deux. Depuis déjà un moment… ».

Le style de SARRAUTE peut paraître pénible ou sublime, c'est selon. Il en est de même de son univers, très particulier, avec un pied au moins en Absurdistan. Toutes les trames semblent être tissées pareillement, d'où ce sentiment de redite, de relecture. Il n'est peut-être pas nécessaire de se farcir les six pièces, mais au moins une devrait pouvoir vous permettre de trancher sur les questions ci-dessus, en suspens elles aussi, comme tout le théâtre de Nathalie SARRAUTE.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

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"Elle est là, c'est l'histoire d'une obsession. Un homme, H. 2, est torturé par une idée qui loge dans la tête de sa collaboratrice F., et dont il ne sait rien. Sa seule existence semble défier tout ce à quoi il croit, tout ce qu'il tient pour acquis. Il cherche à tout prix, quitte à imaginer le pire, à l'extirper, l'anéantir. Intolérant H. 2 ? Non, plutôt terriblement attentif à ce qui se joue entre les êtres, au-delà de la parole, des corps.
L'obsession est, avec le langage, un des thèmes récurrents de l'oeuvre de Nathalie Sarraute. C'est ici le personnage principal, c'est elle qui mène la danse avec délectation. Elle entraîne le spectateur dans les méandres d'une quête à la logique irrationnelle, à la limite de l'absurde et du rire dont on n'est jamais loin. Nous ne sommes pas enfermés dans un théâtre cérébral. Au contraire, débordant d'énergie voire de fureur radieuse, ce théâtre va de l'avant, court après le mot qui suit, et l'idée qui s'échappe. C'est un théâtre en marche."
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Lui, soupire : Plus rien à faire. Il n'y a plus qu'à se rendre. Personne ne résiste à ça. Vous voyez comme tout le monde a l'air gêné ? C'est le cas de le dire, il ne savent pas où se mettre. C'est cette gêne qui aurait pu vous retenir... Ça arrive, n'est-ce pas ? que la gêne qu'on va provoquer... ça vous gêne tellement qu'on aime mieux subir... Enfin je m'exprime mal, mais vous me comprenez : ce sont des choses d'observation courante.
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Quand on s'interdit les facilités et les conventions en usage dans le roman, et qu'on poursuit dans une voie purement littéraire, à l'exemple du nouveau roman, quel est le thème qu'aucun écrivain d'avant-garde ne songerait jamais à aborder ?
« Enfance » de Nathalie Sarraute, c'est à lire en poche chez Folio.
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