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3,97

sur 5060 notes
Une pièce d théâtre qui pour moi n'a pas pris une seule ride.
Je l'ai lue quand je devais avoir 16 ans, pour mon plaisir personnel. J'en gardais un bon souvenirs et rien n'a pas changé
et puis je pense qu'elle peut être interprétée et comprise de différentes façon en fonction du lieux et de l'époque.

En ces tristes jours de confinement je crois que cette pièce de théâtre regagne ses lettres de noblesses, parce que mêmes si on aime plus que tout les siens, il arrive toujours un moment ou un autre qui fait que la promiscuité devient compliquée.

Mais j'apprécie la justesse des personnages de Sartre. Et qui au final on y retrouve une façon de voir le manque d'empathie, l'égoïsme et la manque de tolérance des êtres humains

Une petite pièce de théâtre qui devrait être lue par tous

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Le regard des autres sur sa propre vie est souvent dérangeant et inquisiteur. Seul on peut toujours arranger notre vie, la raconter en prenant quelques libertés. Avec les autres, ce n'est pas aussi simple. Trois personnes, un homme, deux femmes, si différents, enfermés ensemble pour l'éternité. Une sorte de purgatoire ? Ou carrément l'enfer ? Ces trois personnages se persuadent et essayent de persuader les autres que rien dans leur vie ne permet de penser qu'ils méritent leur sort. Puis la vérité arrive petit à petit. Nous vivons à travers le jugement des autres et ici le non-dit devient aussi important que les paroles.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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J'ai eu deux ressentis très différents à propos de ces deux pièces.
La première, Huis-clos, ne m'a pas du tout séduite. La situation, parfaitement artificielle ou théorique, de trois damnés qui peuvent encore voir la vie de leurs proches se dérouler après leur mort tout en se crêpant le chignon entre eux enfermés dans une sorte de clapier à humain où l'on ne peut guère s'identifier à qui que ce soit ne m'a guère procuré plaisir à la lecture. Je ne dis pas que cette pièce ne suscite pas une réflexion intéressante par la suite, je dis qu'elle n'est pas captivante à lire.
La célèbre maxime, "l'enfer, c'est les autres" est pleine d'intérêt(s) philosophique(s) qui peuvent donner cours à de passionnantes discussions entre amis. En somme, grand intérêt philosophique, faible intérêt littéraire à mon goût, je ne donnerais pas plus de 2 étoiles.
Il en va autrement de la pièce suivante, "Les mouches", qui revisite l'histoire tragique classique d'Oreste telle qu'Euripide, par exemple, nous l'a léguée, tout en la remettant à la sauce actuelle, c'est-à-dire avec un éclairage très "milieu XXème siècle". Cette pièce m'a transporté davantage et je trouve son intérêt philosophique non moindre, voire supérieur, car les notions de sentiment de culpabilité, de pardon, de rachat (rédemption), de vengeance, de passage à l'acte, de désaveu y sont abordés.
On y lit aussi une allégorie de l'amnistie, en cette période post collaboration à l'issue de la seconde guerre mondiale. Peut-on laisser impunis des collabos? Est-on plus heureux après les avoir châtiés? Bref, une pièce que j'ai trouvé beaucoup plus subtile et captivante que l'autre, qui ne donne pas de réponse blanche ou noire.
Pour celle-ci j'attribuerais volontiers 4 à 5 étoiles. J'ai donc fait une sorte de moyenne des deux. Mais, bien sûr, de tout cela c'est à vous de juger, car mon avis n'est pas grand-chose dans l'absolu.
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J'aime retourner dans ces ouvrages intemporels qui ont parcouru mon adolescence. Sartre écrira cette pièce fin 1943. 75 années plus tard, rien n'a changé. L'enfer c'est sans conteste les autres. A commencer par soi même, cet autre avec lequel il faut cohabiter nuit et jour.

Garcin, Ines et Estelle, tous les trois morts se retrouvent enfermés dans une chambre. L'enfer change de chaise, fini les braises, les tenailles, garrot et autre instrument de torture, l'enfer siège dans le regard et le jugement des trois naufragés. Les miroirs sont inutiles, l'âme humaine est plus réfléchissante et plus aiguisante que mille lacs et mille couteaux. Suffit de revoir Narcisse rongé dans sa propre image que lui renvoie l'eau.
Huit clos c'est l'autoportrait de ce qui se passe sur terre depuis la nuit des temps.
Estelle cherche à être aimée pour se défaire du poids du désamour. Inès cherche un coupable pour se décharger de sa propre culpabilité. Garcin cherche la rédemption, le pardon. Chacun a sa façon cherche l'issue favorable. Mais tant qu'il y aura des hommes, nous ne serons jamais exemptés. La société tourne en rond les bourreaux et les victimes. La civilisation a besoin de codes et d'hommes à juger. Sans les autres, dieu n'existerait pas, les anges s'ennuieraient, personne ne recevrait l'étoile de la reconnaissance d'être meilleur que le voisin.
L'enfer c'est les autres.
Céline, Camus, Sartre, et plus prêt encore, c'est écrit, c'est dit, c'est vécu.
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Une très belle oeuvre parlant de liberté et d'indépendance en toute fluidité, publiée en pleine 2nde guerre mondiale par notre ami Sartre... une sorte d'acte de résistance !
La pièce est à découvrir au Laurette Théâtre à Paris jusqu'au 18/12/20, avec de supers acteurs plein d'énergie (surtout Inès j'ai trouvé) !
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"L'enfer, c'est les Autres." Souvent, on ne retient que cette phrase, on l'isole, on dit que c'est de Sartre. Et on passe. Réfléchissons. Que veut dire "l'enfer, c'est les Autres" ? Trois personnes qui ne se connaissent pas, un homme, deux femmes, enfermés ensemble pour l'éternité, le dispositif est simple. Il est infini. Tout est possible, d'autant plus que l'une des femmes aime les femmes, l'autre les hommes. Trio infernal, donc, système de personnages classique au théâtre, réinvinté. Qu'est-ce qui change ? C'est peut-être l'impossibilité de mentir. A soi-même, on peut mentir, à l'autre qui te regarde tout le temps, on ne ment pas, on est "nu comme un vers", on est jugé sans concession, parce que l'on existe que par le jugement de l'autre (il n'y a pas de miroir en enfer, comme il n'y a pas de pal), que dans son regard, seul endroit où l'on peut percevoir son reflet. Garcin n'oubliera jamais sa lâcheté, ne la transformera jamais en héroïsme, parce qu'Inès et Estelle savent, parce qu'elles voient. Huis clos est-elle une allégorie ? un discours sur la vie relle, sur l'existence, si chère à Sartre ? Est-ce que sur terre aussi, l'enfer, c'est les Autres ? Nuançons, l'enfer, c'est la conscience que l'autre a de ma faute qui déteint sur moi. Pour ne pas vivre en enfer, il faudrait donc pousser la responsabilité de chacun de ses actes jusqu'à cette question : "Comment les autres (tous les autres et les autres qui m'entourent) jugeront-ils cette action ?" le malheur, ce ne serait donc pas la solitude, mais son impossibilité radicale.

Qu'est-ce qu'un acte libre ? Pour répondre à la question, Sartre reprend la vieille histoire des Atrides. Oreste venge la mort de son père en tuant son assassin, Egisthe et sa complice, Clytemnestre, qui n'est autre que sa propre mère. Ce qui est frappant, dans la version sartrienne du mythe, c'est qu'il ne se situe pas sur le plan moral. Sartre ne pose pas la question : "Est-ce qu'il a bien fait ?". Il montre un homme qui pose librement un acte et qui l'assume. Ce qui différencie Oreste de tous les autres personnages, c'est qu'il n'est pas rongé par les mouches du remords, que son crime lui appartient, qu'il ne le fuit pas, qu'il en assume seul l'entière responsabilité. Peu importe donc si cet acte, en tant que tel, est bon ou non. Il suffit qu'il soit entièrement libre et assumé jusque dans ses pires conséquences pour qu'il soit juste. Il n'empêche qu'arrivé au terme de la lecture, une question se pose : "Est-ce qu'il a bien fait ?".
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Résumé de Huis clos :
Garcin, Inès et Estelle sont enfermés dans une pièce surchauffée. Aucune distraction n'est disponible : pas de radio, de télévision, pas de livres et même pas de fenêtres...

Commentaire de Huis clos :
"L'enfer, c'est les Autres." C'est de cette pièce en un acte qu'est tirée cette célèbre citation de Jean-Paul Sartre.
Très vite, on comprend la raison de ce Huis clos :
Au début, chacun essaye de faire croire aux deux autres qu'il ne mérite pas de se trouver là et s'est toujours comporté honorablement. Mais l'enfermement les ronge, l'insistance des " co-détenus " (appelons-les comme ça, à défaut d'un meilleur terme) est telle que les mensonges s'effritent peu à peu. La vérité, dans toute son horreur, apparaît alors au grand jour ; comme le dit Garcin, les trois héros sont alors " nus comme des vers " aux yeux du lecteur qui peut juger de l'opportunité du châtiment qui leur est infligé.
Peu à peu, les trois participants finissent par s'agacer mutuellement. Ils s'entendent puis se disputent, complotent à deux contre le troisième avant de changer de camp.
Ce manège permet à Sartre d'illustrer la versatilité de l'être humain. Il prouve que chacun ne s'entend avec l'autre que dans la mesure où cela sert ses intérêts. Cynisme ou réalisme ? A nous de juger !
Un autre élément frappant de la pièce, c'est l'espèce de" seconde mort " dont souffrent les personnages. Ainsi, aussi longtemps que quelqu'un se souvient d'eux sur Terre, les trois co-détenus sont capables de lire les pensées et d'entendre les paroles qui les concernent. Mais une fois que leur entourage les a oublié, quand plus personne ne prend la peine d'évoquer leur souvenir, ce lien ténu avec leur vie passée s'éteint. L'humanité est hors d'atteinte et il ne leur reste qu'eux-mêmes et leur deux compagnons d'infortune.
Que veut dire Sartre avec ces passages ? Que nous ne mourons pas tant que notre souvenir nous survit ? Cela semble un peu cliché pour un auteur comme Sartre... Pour rester dans l'ambiance " châtiment éternel ", je préfère penser que l'auteur a souhaité souligner la véritable nature de la damnation : l'oubli simple et définitif.

Résumé des Mouches :
Oreste arrive à Argos avec son précepteur. le jeune homme et son pédagogue découvrent une cité sombre et envahie par des essaims de mouches.
Quinze ans plus tôt, Agamemnon est revenu vainqueur de la guerre de Troie, au grand dam de son épouse, Clytemnestre, qui a profité de son absence pour le tromper avec Eghiste. Ce dernier profitera d'un moment d'inattention de la part d'Agamemnon pour le tuer à coup de hache. Les deux amants monteront alors sur le trône. Mais ils n'avaient pas prévu le remords qui les assaillent...
Depuis ce drame, tous les habitants d'Argos sont tenus de vivre dans la crainte de leurs morts.

Commentaire des Mouches :
Sartre se lance dans la tragédie antique avec Les Mouches. Mais, loin de proposer une pâle copie des auteurs classiques, c'est un véritable éloge de la liberté que compose l'auteur.
Le remords et la vengeance font également partie des thèmes principaux de cette pièce, mais ils m'a semblé que les tirades d'Oreste et de Jupiter sur la liberté jouaient le premier rôle de ce drame.
C'est en effet le manque de liberté des citoyens d'Argos qui les amène à reproduire le sentiment de culpabilité de Clytemnestre et d'Eghiste. Ceux-ci sont rongés par la culpabilité depuis le meurtre d'Agamemnon. Ce sentiment les a fait vieillir vite, a épuisé leur résistance. Afin d'expier leur péché aux yeux des dieux (et en particulier aux yeux de Jupiter), les souverains adultères et criminels d'Argos obligent le peuple à ressentir le même sentiment de culpabilité envers leurs propres morts.
Oreste, que tout le monde croyait mort, revient à Argos le jour même de la fête des morts, cérémonie qui permet à Eghiste de garder la main-mise sur la culpabilité de son peuple. Durant cette fête, les fantômes des défunts sont réputés remonter des enfers. Ils viennent hanter les vivants et leur rappeler leurs manquements à l'égard des disparus.
Oreste n'ayant pas grandi à Argos, il ne se sent pas obligé de participer à la sinistrose générale : il est libre de croire que le fantôme d'Agamemnon, s'il remonte réellement des enfers, ne vient pas pour le hanter lui, mais pour rendre infernale la vie des deux amants responsables de sa mort.
Après avoir rencontré sa soeur, Electre, et lui avoir dévoilé son identité, Oreste décide de l'aider à venger la mort de leur père. Electre le guidera dans le palais et Oreste tuera Clytemnestre et Eghiste. le frère et la soeur préparent ce complot contre l'avis de Jupiter, qui promet à Oreste un châtiment exemplaire s'il accomplit ses noirs desseins.
C'est alors que l'on atteint le point culminant des " Mouches ". Oreste affirme à Jupiter que le châtiment ne l'atteindra que s'il se sent coupable des meurtres qu'il souhaite commettre. Et le sentiment de culpabilité n'est ressenti que par celui qui n'est pas libre de le rejeter... Oreste se sentant tout à fait libre de venger son père, il ne se sentira jamais coupable du meurtre de sa mère et de son beau-père. La punition promise par Jupiter n'aura donc aucun effet sur lui. Beau plaidoyer en faveur de la liberté, mais Oreste sous-entend également par là que n'importe quel acte peut être commis par l'homme libre. Dérangeant...
Jupiter comprend, avec ces paroles d'Oreste, qu'un jour viendra où les hommes n'auront plus besoin des dieux, car les mortels seront libres de mener leur vie à leur guise...

Oreste tue-t-il sa mère et son beau-père ? Ca, je ne vous le dirai pas, tout comme je ne vous expliquerai pas le rôle de ces fameuses " Mouches " qui donne son titre à la pièce. A vous de le découvrir !

Challenge 15 Nobel : 3/15
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Emblématique du théâtre de Sartre, dont on lit d'ailleurs rarement la majorité des pièces, Huis clos fut écrite fin 1943, créée en 1944 et provoqua une sorte de scandale, en tout cas une incompréhension telle que Sartre prit la peine d'expliquer par la suite ce qu'il entendait par la fameuse réplique "L'enfer, c'est les autres" (j'ai pas trop l'impression de divulgâcher, là, hein).


Un procédé scénique très simple et dépouillé : une pièce, trois personnages (plus un personnage très secondaire), trois canapés. C'est L'Enfer, tout simplement, un enfer où Garcin, Inès et Estelle sont coincés pour le reste de leur mort. Tous trois viennent de milieux sociaux différents, tous trois sont dotés de caractères bien différents, et tous trois sont morts de façon bien différente. Que font-ils là ? Pourquoi l'Enfer a-t-il l'apparence d'une pièce avec trois canapés et un décor Second Empire ? Les voilà qui racontent chacun comment ils sont morts, comment ils ont vécu. Et très vite, les relations s'enveniment. Malgré le désir de Garcin de ne pas communiquer avec ses compagnes, il va falloir interagir, parler, être regardé par les deux autres.


La pièce est écrite de manière efficace. Interrogations, mensonges, tentatives de séduction, et montée en tension jusqu'à la dernière scène paroxystique, où les masques doivent finalement tomber, où les apparences qu'on maintenait tant bien que mal du temps de la vie ne peuvent plus tenir, où les relations biaisées avec les autres sont insupportables, où le regard des autres est inévitable, où on est obligé de se mettre à nu. Les dialogues tournent à l'hystérie dans ce décor étriqué : les trois personnages pourrissent en un rien de temps leurs relations, comme ils ont pourri leurs relations aux autres lorsqu'ils étaient en vie. Une vie qui est loin d'eux et qu'ils voient de plus s'écouler depuis leur enfer, sans eux, alors qu'ils continueront à se torturer à cause du regard que pose sur eux les deux autres.


C'est tellement sobre et bien construit que ça ne donne pas envie (en tout cas pas à moi) de s'étendre dessus. Il serait sans doute intéressant de replacer cette pièce dans l'oeuvre de Sartre, ce que je suis incapable de faire, n'étant pas du tout familière de l'auteur - c'est d'ailleurs curieux comme on peut avoir l'impression de connaître Sartre pour se rendre compte que finalement, on a rien lu, ou presque, de lui. Ce qui m'a moins convaincue que cette composition impeccable et qui tient toujours la route aujourd'hui, c'est le style des dialogues. Je comprends bien que la pièce remonte aux années quarante, mais les dialogues en question me semblent avoir mal vieilli ; que les personnages, censés se parler, se disputer, se déchirer de manière toute naturelle, le font de manière un chouïa artificielle ; bref, que les dialogues portent trop les stigmates de leur époque pour une pièce qui touche à une thématique, disons le mot, universelle. D'où une petite déception, sans doute également liée à la notoriété de la pièce ; on attend forcément énormément d'un tel classique, et ce d'autant qu'une de ses réplique est devenue carrément culte.
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Sans doute la pièce la plus célèbre de Jean-Paul Sartre, écrite en 1943 et représentée pour la première fois en 1944 au Théâtre du Vieux Colombier, donc un an après la publication de L'être et le néant, l'oeuvre emblème de la philosophie existentialiste de Sartre. de nombreux analystes ont fait le lien entre les deux ouvrage de Sartre, mais Huis-clos est avant tout une pièce, qui reste encore maintenant très efficace sur le plan dramatique, que l'on connaisse ou non la philosophie sartrienne.

Nous sommes donc en Enfer, un enfer aux allures d'un appartement du milieu de XXe siècle. Trois habitants viennent le peupler, l'un après l'autre, et font connaissance, en prenant conscience qu'ils sont condamnés à partager les lieux pour l'éternité sans échappatoire possible. Il y a tout d'abord Joseph Garcin, un journaliste qui vient d'être fusillé. Arrive ensuite une suicidaire, Inès Serrano, une employée de poste lesbienne, qui a entraîné dans sa mort sa compagne, qu'elle reconnaît avoir torturée psychologiquement, après avoir poussé son mari au suicide. En enfin Estelle Rigault, une jeune et jolie femme, morte d'une pneumonie, mariée à un vieil homme riche, qui refuse de reconnaître ses fautes, mais qui révèle au fur et à mesure son égoïsme et son indifférence aux autres, qui ont provoqué des catastrophes dont elle se fiche complètement.

Les personnages révèlent petit à petit leurs secrets honteux, ils voient quelques scènes de leur environnement, leurs proches, après leur mort. Ils se révèlent à eux-mêmes dans le regard des autres, aussi bien ceux qui sont toujours vivants, que les deux autres condamnés avec qui ils sont appelés à partager l'éternité. le rapport à soi-même prend en quelque sorte corps dans la reflet du regard de l'autre. Les trois personnages rassemblés ont été choisi de telle manière que les accommodements, les adoucissements des rapports humains, les hypocrisie de la vie sociale qui permettent de supporter, ne soient pas possibles. La dynamique des rapports en jeu aboutit forcément à un impitoyable jeu de massacre, sans possibilité de compromis. Et surtout, il n'y a rien à faire dans ce lieu, et donc tout ce qui reste sont les individus, livrés à eux-mêmes et leurs ruminations. Il n'y a pas la possibilité d'action, de remédiation à ses choix passés, à les réparer. Ils sont devenus irréversibles, définitifs. Les trois protagonistes sont donc figés dans leur faillite en tant qu'êtres humains, et les autres leur renvoient en permanence cette faillite.

Malgré quelques aspects datés maintenant, ce qui est inévitable, la pièce reste extraordinairement efficace et percutante, en jouant sur plusieurs registre, avec quelques effets comiques, un aspect jeu de massacre, tragédie. Elle mérite pleinement la dénomination de classique.
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Presque dix ans que je n'avais pas lu de théâtre de Sartre... Frappé à vie par Les Séquestrés d'Altona, il était graaaaand temps que je m'y remette, et j'avais un peu perdu de vue Jean-Paul au gré de mes découvertes et pérégrinations littéraires au fil des années.

Huis Clos est une pièce absurde qui résonne à sa manière avec du Beckett : Trois personnages arrivent dans une sorte de chambre d'hôtel sans fenêtres ni miroirs, enfermés de l'extérieur, on ne sait trop pourquoi au départ. À la base, rien ne semble les relier, et dans leurs répliques, sonne un abattement très beckettien, de prisonniers physiques et psychiques de la seconde guerre mondiale, de l'horreur. On se dit donc qu'ils sont des victimes de la guerre, séquestrées, qui vont y passer. Puis vient la révélation : Ils sont en réalité aux enfers, pour les crimes qu'ils auraient commis. Leur châtiment est cette éternelle co-habitation. Ces personnages, Garcin, Ines, Estelle, paraissent pourtant a priori sympathiques, davantage victimes du sort et des circonstances qu'autre chose. Mais au fur et à mesure de leur conversation, ils se mettent à livrer les horreurs qu'ils ont commises et dévoilent leur véritable personnalité... Pour le spoiler :

Notre regard change du tout au tout sur eux alors qu'eux-mêmes ne ressemblent plus du tout à ce qu'ils nous paraissaient au début. Le trio le dit : Chaque personnage est un bourreau pour les deux autres, et ont été placés ensemble afin de se tourmenter mutuellement, dans une tourture psychologique pire que les châtiments physiques de Tantale, Prométhée et autres. D'où la fameuse réplique "L'enfer, c'est les autres", en plus d'une obsession du regard de l'autre et de l'absence de miroir dans lequel on peut se réfugier. Il y a des moments et répliques ouvertement comiques et je suis surpris qu'à l'époque, cela n'ait pas été décelé. J'ai dévoré cette pièce en une après-midi, et ce genre de théâtre de l'absurde m'avait vraiment manqué... Je le trouve en plus accessible, puisque Sartre livre son propre méta-texte au travers de ses personnages.

Les Mouches

Une pièce très étrange, plus complexe, qui m'a moins séduit par moments. Huis Clos et Les Mouches sont souvent associées dans les éditions pour leurs ressemblances thématiques. Il s'agit d'une réécriture de l'histoire d'Oreste, revenu à Argos pour venger son père Agamemnon tué par Egisthe, l'amant de sa femme Clytemnestre, et par celle-ci. La ville d'Argos, depuis ce crime, est en proie aux mouches, châtiment divin entre les sauterelles des plaies d'Égypte et la peste d'Oedipe Roi. Ces mouches représentent à la fois la culpabilité collective des habitants, qui ont laissé faire ce crime, et leur culpabilité individuelle face à leurs propres crimes personnels. Tout ceci sous l'égide d'un Jupiter très bizarre, à mi-chemin entre un Dieu païen, un Dieu chrétien et un rhéteur sartrien de l'impuissance et du pessimisme : Pour lui, si les Hommes n'étaient pas prisonniers d'une éternelle culpabilité et d'une perpétuelle expiation, ils seraient libres, de son propre mot, et cette liberté est dangereuse, car elle les conduirait au crime. Seul Oreste se considère libre, sans culpabilité, et surtout, arraché à sa terre, à sa provenance, à son identité. Il veut et peut donc assassiner Egisthe sans problème, ce qui en plus, lui donnera une identité sur terre. Voila qui rappelle inévitablement la pièce moins connue de Sartre le Diable et le Bon Dieu. Oreste pense également délivrer le peuple d'Argos de ses tourments obsessionnels en endossant la responsabilité de ce crime, et en devenant une sorte de bouc émissaire sacrificiel girardien sur lesquels ils se reporteront, plutôt que de se flageller constamment depuis des années. Certes, tout ce schéma est intéressant, mais à mesure que la pièce devenait toujours plus sartrienne avec ces thèmes, j'ai été vraiment moins accroché. Électre, qui voulait tant voir Egisthe mort pour venger Agamemnon et qui a tant désiré le retour de son frère Oreste en sauveur (leur relation est également sujette à interprétations) perd la raison et sombre sous le fardeau de la culpabilité une fois le crime commis, et nous tape sur les nerfs, plutôt que de constituer une nouvelle Lady Macbeth.

Comme nombre de réécritures modernes de l'Antiquité, la pièce est ponctuée d'anachronismes, dans le langage, ses considérations, ses mentalités, ainsi que dans son rapport ambigu à la divinité : La pièce ne peut vraiment se situer dans l'Antiquité grecque, comme elle ne peut non plus se situer dans le monde moderne, et joue sans cesse avec le balancier, dans la rupture de langage, un "Bon Dieu!" en plein polythéïsme, avec son Jupiter prônant une sorte de péché originel garde-fou... Elle appartient seulement à son propre univers, de théâtre. Tout cela est aussi passionnant que cela fait hausser le sourcil! Fascinant à étudier, mais bien des virages et audaces de Sartre peuvent dérouter. Je viens de lire des interprétations sur Internet auxquelles je n'avais pas du tout pensé, et qui me laissent perplexe, mais pourquoi pas!
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