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EAN : 9782070120604
152 pages
Verticales (04/09/2008)
3.31/5   21 notes
Résumé :
« Je voudrais interroger l’ahurissant mystère de ne pas avoir d’enfant comme on interroge l’ahurissant mystère d’en avoir. »

Lors d’une mammographie, la narratrice entend le radiologue la classer dans la catégorie des « nullipares » (femmes n’ayant jamais enfanté). Point de départ d’un questionnement plus large, ce choc lexical conduit l’auteur à une exploration de soi. Dans « nullipare », il y a aussi « nulle part ». C’est pour elle l’occasion de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Nullipare », c'est ainsi que l'on désigne, dans le règne animal, les femelles n'ayant pas eu de petits.
Pour les humains, être nullipare, c'est être obsédé par cette vie que l'on n'a pas donné, c'est cette origine que l'on n'a pas été. D'où sans doute la recherche minutieuse de ses propres traces, de son empreinte dans le monde. L'auteur se retourne donc sur les pays dans lesquels elle a vécu, la langue oubliée qu'elle a jadis parlé, les appartements qu'elle a habité. Les lieux, le réseau de ce que l'on a été, là où on l'a été. Et puis sa mère, son origine à elle, l'origine radicale et non négociable de chacun, par rapport à laquelle (et souvent contre laquelle) on se pense, on se définit, on se construit. Sa mère à elle, donc, malade avant de devenir folle, et dont elle restera toujours la fille ; sa mère dont le statut, précisément, lui sera toujours refusé à elle.
Alors on se retourne sur sa vie, ses bifurcations, les moments où cela aurait pu être possible, déboucher sur… mais où cela ne s'est pas fait. Les enfants que l'on n'a pas eus et les vies qui seraient allées avec. Les choses en lesquelles on se rêve (cheval, écrivain, une beauté de concours, médecin, femme forte, épouse, mère…) et puis il y a ce qu'on est et que finalement on ne choisit pas, ou si peu.
Quand, avec la ménopause, on prend conscience que « pour toujours, (on) sera une femme sans enfants », on repense au réel non avenu, aux possibles non réalisés, à l'inutile ironie de cette « usine chimique » qui, cycle après cycle, la définit comme femme et mère potentielle : deux cent mille ovocytes, créés au cinquième mois de la vie embryonnaire, et qui s'écoulent mois après mois dans le sang des règles.
La nullipare est donc une femme non-avenue. La contrepartie, c'est sa liberté. Car c'est indéniablement une liberté mais il est indéniable aussi qu'il est des libertés que l'on ne choisit pas, et qui se construisent sur les ruines de ce qui n'advient pas.
Il y a toujours des moments pour nous le rappeler. Des instants de grâce douloureuse, comme cette fillette de cinq ans croisée dans un parc et dont personne ne pourrait ne pas vouloir devenir le parent, ou bien, plus troublant encore, ce jeune homme d'une vingtaine d'années observé sur un fronton de Bayonne et dont l'auteur se prend, le temps d'une partie de pelote, pour la mère soucieuse et aimante. le livre dit les enfants croisés, les enfants rêvés, mais aussi les rêves qu'on s'interdit d'abord, avant de s'apercevoir qu'à la longue on n'a plus besoin de se les interdire tout simplement parce qu'on ne sait plus les faire. D'eux, Jane Sautière dit qu'ils sont « démonétisés » ou encore « cramés », et c'est très juste parce que la liberté qu'on ne choisit pas se charge pour vous de brûler les terres du rêve.
Jane Sautière sait dire tout cela, avec justesse, lucidité mais aussi souvent avec une grande poésie. Elle n'enjolive rien, dit les choses que l'on cache habituellement (les règles, la ménopause, les enfants que ses amies regrettent d'avoir eus…), ces vérités inconfortables et dont on ne peut faire de beaux tableaux parce que, précisément, il est des vérités bien laides.
Et pourtant Jane Sautière montre que, même là, il y a de la place pour la grâce.
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Inutile de dire que ce livre m'a frappée, interpellée, emportée comme, je crois, toutes les femmes qui le liront. J'en ai fait l'expérience sur Facebook hier, mes amies ont toutes réagi à un extrait que j'ai publié, peu d'hommes ont été intéressés. Sauf quelques-uns, les plus sensibles d'entre eux.

Jane Sautière ouvre ce livre en racontant le choc de ce mot qu'un medecin a prononcé, lors d'une mammographie de contrôle : Nullipare. (C'est-à-dire femme qui n'a jamais donné naissance à un enfant.). Mais Jane a surtout entendu Nulle. Et aussi Nulle part.

Ayant lu son tout dernier livre en décembre dernier : Mort d'un cheval dans les bras de sa mère, j'avais découvert cette auteure, née à Théhéran, ayant vécu dans de nombreux endroits différents, au fil des mutations de son père, Paris, Franconville, Alger, Téhéran, Beyrouth, et une partie de sa jeunesse à Pnohm Penh. Et ne parlons pas de tous ses déménagements entre Lyon, Paris, sa banlieue. Nulle part fait bien sûr écho à cela.

Quant à nulle, il est question de son incapacité à satisfaire sa propre mère, et sa non-maternité à elle.



« Je voudrais interroger l'ahurissant mystère de ne pas avoir d'enfant comme on interroge l'ahurissant mystère d'en avoir. »



Extrait : "Il y a ce qu'on ne me dit jamais pour ne pas me faire de peine. J'y pense. Les douceurs, les fiertés, le retrait de soi permanent et ce qui s'ensuit de croissance, d'avancée. Les corps qui s'allongent, se façonnent, se forment, le tout pareil et le très différent. Les hésitations, les tracées qui s'affirment. Être à ce qui advient.
Ne pas avoir d'enfant, rien devant, c'est avoir trop de passé, trop dans l'ascendance. Quand je pense "vieillesse", il me semble voir quelque chose d'infranchissable, un mur immense, tous ceux de l'arrière, les innombrables, l'infini du passé.
Ce sentiment aigu que le passé est infini et le futur obligatoirement limité.
Ne pas avoir d'enfant, rien devant est un mur.
Rien devant est un mur."... ( page 56)

Éducatrice pénitentiaire, Jane Sautière a à se confronter à des mères de prisonniers, à des mères prisonnières, à une mère infanticide. Elle est confrontée aux réflexions de ses amies, collègues, qui portent leur maternitude en écharpe, pour critiquer la nullipare, ou pour mettre en avant leurs charges sacrées.

Jane Sautière écrit avec ses tripes. Elle se les arrache par fragments, petits textes où elle analyse les possibles raisons de sa non-maternité, son enfance, sa mère qui a mis au monde des bébés qui mouraient de tuberculose, seule Jane est l'enfant vivante.

Des fragments, petits textes, paragraphes éclairant cette souffrance ou cette honte, ses entrailles produisant des milliers d'ovules depuis sa puberté, ovules inutiles, pour rien. Pour rien? Non, car tout cela, cette non conception, doit être nommé, et elle trouve le mot "immanence". Pas au sens Spinozien, mais plutôt au sens que lui donne Wittgenstein : ce qui c'est passé dans le fait de ne pas avoir d'enfant n'est pas rien.

Ces fragments par elle-même analysés, il est question ici de psychologie et de philosophie. Ce livre mène à des questionnements. Il pousse à la réflexion sur notre propre rapport à ce problème, à notre propre histoire.

L'écriture de Jane Sautière est percutante, ciselée et honnête, il y a beaucoup d'humour mais aussi une sensibilité extrême. Les phrases sont ciselées, parfaites à mon goût.

Je le conseille à toutes les femmes, mères ou non.





Résumé éditeur : Lors d'une mammographie, la narratrice entend le radiologue la classer dans la catégorie des « nullipares » (femmes n'ayant jamais enfanté). Point de départ d'un questionnement plus large, ce choc lexical conduit l'auteur à une exploration de soi. Dans « nullipare », il y a aussi « nulle part ». C'est pour elle l'occasion de sonder sa part nomade, ses perpétuels déménagements, choisis ou subis, qui révèlent d'autres fêlures. Sensible au regard porté par la société sur « l'ahurissant mystère de ne pas avoir d'enfant », elle reconstitue le puzzle, à la fois tragique et drôle, de ce destin. L'écriture devient l'exercice d'une liberté chargée d'émotions où peuvent se résoudre les tensions grâce à la distance juste d'un regard d'écrivain.

Nullipare - Jane Sautière, ed Verticales, 2008, rééd 2016, 147 pages, 14,50€
Lien : https://melieetleslivres.wor..
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Un jour où elle subit une mammographie, Jane Sautière découvre qu'elle appartient à la catégorie des « nullipares », terme qui désigne les femmes n'ayant jamais eu d'enfant. Elle décide d'interroger ce mystère.

Ce livre est le résultat de cette réflexion originale, réalisée de manière très personnelle. Écrit à la première personne, il expose de manière visiblement sincère l'expérience de l'auteure et fourmille d'anecdotes vécues. Jane Sautière s'attaque aux clichés (sur les femmes, la grossesse, la maternité, les origines…) et étudie avec subtilité et intelligence ce qui compose une identité. Cependant, ce qui manque à son témoignage, c'est un peu de contextualisation, de prise de recul. On a l'impression que son récit reste un peu à la surface du problème.

Un livre au sujet intéressant, mais qui m'a laissée sur ma faim.
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Jane Sautière n'a pas eu d'enfant. Elle est nullipare. Dans une société et un pays où la maternité est portée aux nues, l'auteure interroge le fait de ne pas avoir le statut de mère et ce que cela implique. Pour cela, elle part de son expérience, de son ressenti pour sonder sa vie et comprendre les raisons de la non-maternité. En filigrane, ce livre permet également d'envisager ce qu'implique d'être mère à l'heure actuelle.

Une petit livre qui donne du grain à moudre pour considérer la condition féminine d' aujourd'hui.
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« Je voudrais interroger l'ahurissant mystère de ne pas avoir d'enfant comme on interroge l'ahurissant mystère d'en avoir. » est la seule phrase qui m'a plu dans ce livre. Je l'ai trouvé sinistre et je cherche encore le rapport avec le titre.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Toujours difficile de répondre à la question : "Avez-vous des enfants?"
Sûrement traînent encore les remarques vachardes entendues sur l'égoïsme des femmes sans enfants, sans doute aussi est-ce se désigner comme marginale, peut-être malade, peut-être ayant traversé des drames. Difficile pour l'interlocuteur d'imaginer un choix heureux, tandis que le contraire est tellement simple.
Il y a un stéréotype de l'heureux événement, comme il y a un stéréotype de l'infertilité. C'est une question sur l'intime qu'on me pose, un intime plus profond, plus obscur dans l'absence d'enfant que dans sa présence. Il y a quelque chose de caché chez quelqu'un qui n'a pas d'enfant, la preuve, aucune photo à montrer, pas de prénom à donner, ni d'âge à citer. blanc. Je cache plus de choses, de choses irreprésentables.
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Il y a ce qu'on ne me dit jamais pour ne pas me faire de peine. J'y pense. Les douceurs, les fiertés, le retrait de soi permanent et ce qui s'ensuit de croissance, d'avancée. Les corps qui s'allongent, se façonnent, se forment, le tout pareil et le très différent. Les hésitations, les tracées qui s'affirment. Être à ce qui advient.
Ne pas avoir d'enfant, rien devant, c'est avoir trop de passé, trop dans l'ascendance. Quand je pense "vieillesse", il me semble voir quelque chose d'infranchissable, un mur immense, tous ceux de l'arrière, les innombrables, l'infini du passé.
Ce sentiment aigu que le passé est infini et le futur obligatoirement limité.
Ne pas avoir d'enfant, rien devant est un mur.
Rien devant est un mur.
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C'était sans doute la seule façon de conserver mon lieu, ce que j'appelle mon pays et qui ne l'est pas, mais qui est bien mon lieu, là où je suis née, l'Iran, et que je guette dans un accent, une musique, un film, dans tout ce que j'arrive à retrouver ici, que je ne cherche plus dans ma mémoire, parce que je crains le mensonge, l'embellissement, parce que aussi maintenant tout est dilué dans les resucées de la mémoire, et que convoqués trop souvent les souvenirs reviennent pâlis et étirés comme de vieux chewing-gum, et c'est une horrible tristesse de se dire : j'en connais le goût, mais je ne m'en souviens plus.
Quoiqu'un jour, j'entends un psychanalyste dire qu'il a gardé trace d'une langue perdue dans les points de suspension dont il fait le même usage et qui est si particulier à cette langue. On le lui fait observer, il ne le savait pas. Je tends férocement l'oreille, ayant perdu ma langue natale, moi aussi, et je me souviens qu'un Iranien m'avait offert un recueil de poésies dans lequel je retrouvais les mêmes métaphores, tout à fait singulières, que celles que j'utilisais moi-même en écrivant. Retrouver là, dans la poésie, que j'ai bien vécu là, dans cette langue, que j'en suis originaire, que j'ai été de ce pays, que j'en ai pris ce qu'il m'a fallu pour me constituer, la viande des agneaux, les aubergines, les thés, les douceurs safranées, le ciel bleu comme rien d'autre, les finesses d'attitude, le goût du sang, celui de la logique, la passion de la poésie, que cela, incorporé, finalement, je l'ai, nul besoin de réclamer une présentation extérieure, c'est là, en moi. Oui, le comprendre cela a été une joie inouïe. Un feu vif et court, une joie.
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Ils étaient trois très vieux grands-oncles, anciens combattants de la guerre de 14, je me souviens d'eux racontant la guerre, tous trois pris dans des choses terribles, celui qui était au chemin des Dames, celui qui était dans les batailles de la Marne, et l'autre, celui de Verdun ; ils se disputaient tout le temps; je n'avais pas envie de rire, je les écoutais comme si de vieilles statues s'étaient mises à parler, terrifiantes. Celui que je préférais buvait terriblement, huit litres de vin par jour, ce qui me faisait un peu peur, mais il n'était jamais vraiment soûl. On sentait qu'il dépassait la dose lorsque ses yeux très bleus se noyaient dans son pinard. Il se mettait alors à regarder sa femme en lui disant "je bois le berceau".
Il lui reprochait de ne pas lui avoir donné d'enfant.
J'écris le berceau.
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Oui, le deuil de ce qui n'a pas eu lieu, être mère, est un processus particulier.
Nullipare, part nulle. Je suis avec moi l'enfant que je n'ai pas eu, une place vide et peuplée. Se tient en moi un enfant émouvant, patient, curieux, en exploration du monde, apeuré et audacieux. Un enfant qui n'est pas moi, qui n'est pas mon enfance.
"Je fais l'enfant." Ce n'est pas que je régresse, c'est le petit, la petite, qui déborde de moi et qui m'agit.
Il me ressemble terriblement, presque trop, mais ce n'est pas moi. Et ce n'est pas non plus un autre.
C'est l'enfant non fait, non advenu.
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Vidéo de Jane Sautière
À l'occasion de la rentrée littéraire 2022, Jane Sautière vous présente son ouvrage "Corps flottants". Parution le 18 août aux éditions Verticales. Rentrée littéraire automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2639845/jane-sautiere-corps-flottants
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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