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EAN : 9782710324713
268 pages
La Table ronde (14/02/2002)
4.12/5   8 notes
Résumé :

La poésie de Cécile Sauvage est vouée au bonheur, aux joies de la maternité et à la simplicité de la nature. Née en 1883 à La Roche-sur-Yon, cette digne émule de Marceline Desbordes-Valmore éleva ses enfants, dont son fils, le musicien Olivier Messiaen, dans un contexte féerique C'est une poésie incarnée, touchante par sa simplicité et sa nudité, qui dit l'essentiel. Son oeuvre f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Lait de la poésie

Cécile Sauvage portait à merveille son nom.
Femme ardente, aimante et sauvage, son passage sur terre fut de courte durée : elle s'éteignit comme une luciole qui aura intensément brûlé pendant seulement une quarantaine d'années.
Dans son ventre de femme, Cécile Sauvage ne portait pas seulement Olivier Messiaen, celui qui était appelé à être le futur compositeur grandiose du “Quatuor pour la fin du temps” ; elle portait également un fruit doux et amer : la Poésie.
Ce fruit, elle l'a cultivé toute sa vie. Elle a vécu pleinement dans le giron des mots : ces signes d'encre qui lui ont permis de rendre son expérience du monde avec une troublante lucidité.

Tandis que son fils compositeur germinait dans sa matrice de lumière, il pouvait déjà entendre le chant d'une mélodie majestueuse et fragile : la voix de sa mère qui écrivait pour cet enfant à venir, “L'Âme en bourgeon”, recueil teinté de si déchirants poèmes.

Avant que d'accoucher physiquement, elle accouchait déjà sur le plan symbolique d'une oeuvre claire et fiévreuse, tout imprégnée du chant des oiseaux, du rythme cyclique de la terre.
Je l'imagine, échevelée et calme, pareille à une fontaine dont l'eau jaillirait parfois dans un grand rire de cristal.
Plus tard, Olivier Messiaen – son « chevalier rose » ainsi qu'il s'était lui-même surnommé enfant –, aura tété ce sein gonflé de Poésie.
Il a pu ainsi se nourrir d'une musique secrète et tendre : la musique de l'âme humaine, toute enclose en sa mère.

Cécile Sauvage, renarde chasseresse et chantante mésange, fut reconnue par certains de ses pairs, tels que Frédéric Mistral, Anna de Noailles ou encore Francis Jammes.

Son journal intime – qui clôt ses “Oeuvres complètes” –, est un précieux témoignage et nous livre des réflexions pleines d'humour et de finesse :

« … Pour les hommes, une femme, mon Dieu, c'est toujours une cigarette entre leurs doigts ; ils la roulent, l'emmaillotent, la fument. Et je réponds oui, mais la fumée leur échappe… »

Peu de temps avant de déchirer le voile de la mort, elle écrivait ces mots dans son journal :

« Au moment de la mort, il faut beaucoup de soleil. Il faut partir en croyant à l'amour comme à la lumière. »

Georges Bernanos, lion des lettres dont l'oeil était puissamment aiguisé, dira d'elle ceci dans le “Crépuscule des vieux” :

« L'oeuvre de Cécile Sauvage est pure. Mais d'une pureté vivante, pure comme une vie pure, avec on ne sait quelle douce malice agreste, et parfois, tout à coup, le brusque écart d'une ombrageuse fierté… Si la pureté sait nous faire partager inexplicablement son allégresse, c'est qu'elle n'est justement pas, ainsi qu'on voudrait le prétendre, l'ignorance éblouie, sans art, mais au contraire une certaine expérience profonde de la vie, dont les plus vils sentent obscurément la force essentielle… »

Pour finir, voici un poème de Cécile Sauvage, intitulé La tête. Il faut toujours laisser la dernière parole aux poètes :

« Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main,
Je dirai : j'ai pétri ce petit monde humain ;
Sous ce front dont la courbe est une aurore étroite
J'ai logé l'univers rajeuni qui miroite
Et qui lave d'azur les chagrins pluvieux.
Je dirai : j'ai donné cette flamme à ces yeux,
J'ai tiré du sourire ambigu de la lune,
Des reflets de la mer, du velours de la prune
Ces deux astres naïfs ouverts sur l'infini.
Je dirai : j'ai formé cette joue et ce nid
De la bouche où l'oiseau de la voix se démène ;
C'est mon oeuvre, ce monde avec sa face humaine.

Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main
Et, songeant que le jour monte, brille et s'éteint,
Je verrai sous tes chairs soyeuses et vermeilles
Couvertes d'un pétale à tromper les abeilles,
Je verrai s'enfoncer les orbites en creux,
L'ossature du nez offrir ses trous ombreux,
Les dents rire sur la mâchoire dévastée

Et ta tête de mort, c'est moi qui l'ai sculptée. »

Thibault Marconnet
19/12/2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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A l'heure où, malgré les avancées dans leur reconnaissance, les femmes sont encore laissées à l'arrière-plan dans de nombreux domaines, notamment celui de la littérature, voici une poétesse peu connue qui mérite d'être découverte, tant pour la qualité de son écriture que pour la beauté de son univers poétique. Qui plus est, c'est la mère du compositeur Olivier Messian, qui lui rend d'ailleurs un bel hommage dans l'introduction. A partager en famille ou entre ami(e)s, et à haute voix, c'est encore mieux !
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Je ne veux qu’un rêve
À demi-flottant,
Que mon âme brève
Passe en voletant,
Que la brume fine
L’enveloppe aussi ;
Qu’elle s’achemine
Sans autre souci
Que celui d’errer
Avec une brise,
Sur l’arbre léger,
Sur la terre grise.
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Souvent le cœur qu’on croyait mort
N’est qu’un animal endormi ;
Un air qui souffle un peu plus fort
Va le réveiller à demi ;
Un rameau tombant de sa branche
Le fait bondir sur ses jarrets
Et, brillante, il voit sur les prés
Lui sourire la lune blanche.
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La Tête.

Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main,
Je dirai: j'ai pétri ce petit monde humain;
Sous ce front dont la courbe est une aurore étroite
J'ai logé l'univers rajeuni qui miroite
Et qui lave d'azur les chagrins pluvieux.
Je dirai: j'ai donné cette flamme à ces yeux,
J'ai tiré du sourire ambigu de la lune,
Des reflets de la mer, du velours de la prune

Ces deux astres naïfs ouverts sur l'infini.
Je dirai: j'ai formé cette joue et ce nid
De la bouche où l'oiseau de la voix se démène;
C'est mon œuvre, ce monde avec sa face humaine.

Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main
Et, songeant que le jour monte, brille et s'éteint,
Je verrai sous tes chairs soyeuses et vermeilles
Couverts d'un pétale à tromper les abeilles,
Je verrai s'enfoncer les orbites en creux,
L'ossature du nez offrir ses trous ombreux,
Les dents rire sur la mâchoire dévastée

Et ta tête de mort, c'est moi qui l'ai sculptée.

Extrait de L'âme en bourgeon,
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Dans les prés pleins de scabieuses
Sous un ciel pâle et sans éclat,
Mon âme autrefois plus rieuse
Apprend à sourire tout bas.

Elle apprend à taire sa peine
Et sa robe couleur du temps
Est un nuage qui se traîne
Et se mire dans les étangs.
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Poésie.

Dans la pelouse endormie
Sous l'azur pâle et rêveur,
Les brises en accalmie
Bercent les bouleaux pleureurs.
En ce silence de rêve
Une voix d'oiseau
Seule et divine s'élève
Des bouleaux.

Au jour bas de l'avenue
Lointaine sous les rameaux
Deux formes sont apparues,
Deux corps enlacés et beaux.
La femme blanche, légère
Dans sa souple nudité,
Détourne sur les fougères
Un long regard velouté.

Sa tombante chevelure
Entoure son sein poli
Et, svelte, sa jambe pure,
Dans la marche, sort des plis
De la longue chevelure.
Elle marche avec cadence
Comme la ramure danse;
Son bras d'un fin mouvement
Sur l'épaule musculeuse
De l'homme allonge, indolent,
Une caresse harmonieuse.

Quel léger ruissellement
De lueur coule des branches
Et vient dorer mollement
La cambrure de la hanche?
Et l'oiseau chante à demi,
Retenant la mélodie
Dans le murmure assoupi
Des brises en accalmie.
Elle dit d'une âme fière:
Avec ma pâleur lunaire
Dans les bois
Je danse et chante à la fois.
Que la branche me réponde
D'une plainte balancée;
Que la lumière soit blonde
Comme ma claire pensée;
Que la tombante feuillée
Imite mes longs cheveux;
Que la brise réveillée
Ait la langueur de mes jeux;
Et si, lointaine, je pense
Dans mon vallon familier,
Que l'ombre, que le silence
Viennent s'allonger au pied
De mon corps blanc replié.

L'oiseau jette un cri de gloire
Et l'homme ayant joint les doigts
A l'air de dire une histoire
D'autrefois.
Ô plus haute que la vie,
Froide et pâle Poésie,
Lève-toi
Et pleure et danse à la fois.

Allonge vers les bouleaux
Tes bras si longs et si beaux,
Insaisissable pensée,
Et sur ta chair offensée
Ramène le triste flot
De tes tresses délacées.

Ô tristes et longs sanglots
De l'oiseau.
L'homme est mort d'avoir osé
Un baiser.
Il gît blême sur la mousse
À jamais dormante et douce
Pour ses membres reposés.

Cache à demi dans l'écorce
Du plus fort de ces bouleaux,
Rêve, ton flexible torse,
Tes deux seins jeunes et beaux
Et que l'ombre molle effleure
L'arbre pâle où l'oiseau pleure.
De la tête qui s'incline
Que la chevelure fine
Retombe avec les rameaux
Comme un long flot de pensées
Divines et balancées
Au mouvement des bouleaux.

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Videos de Cécile Sauvage (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cécile Sauvage
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Jeanne Dortzal 2:19 - Edmée Pauline Delebecque 3:30 - Harlette Hayem 5:19 - Catherine Pozzi 6:31 - Andrée Magdeleine Husson 7:39 - Cécile Sauvage 9:32 - Marie Noël 11:01 - Générique
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Référence bibliographique : Alphonse Séché, Les muses françaises : anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Paris, Louis-Michaud, 1908.
Images d'illustration : Jeanne Dortzal : https://poetesses.blog4ever.com/jeanne-dortzal-presentation-et-bibliographie Edmée Pauline Delebecque : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edmée_Delebecque#/media/Fichier:Les_muses_françaises_1908_Edmée_Delebecque.jpg Harlette Hayem : https://fr.wikipedia.org/wiki/Harlette_Hayem#/media/Fichier:Les_muses_françaises_1908_Harlette_Hayem.png Catherine Pozzi : https://www.liberation.fr/culture/livres/catherine-pozzi-publier-pour-ne-pas-etre-pillee-20210906_¤££¤42Catherine Pozzi36Catherine Pozzi53Catherine Pozzi29¤££¤/ André Corthis : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fd/Les_muses_françaises_1908_André_Corthis.jpg Cécile Sauvage : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/la-roche-sur-yon-85000/la-roche-sur-yon-cecile-sauvage-poetesse-devoree-par-la-passion-c273ba1e-fc11-11eb-b859-ec5d9416da74 Marie Noël : https://le-verbe.com/portrait/marie-noel-poetesse-de-lamour-et-de-la-douleur/
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