La véritable éducation ne consiste pas seulement à enseigner à penser, mais aussi à apprendre à penser sur ce qui se pense, et ce temps de réflexion - qui marque avec le plus de netteté notre saut évolutif par rapport à d'autres espèces - exige que nous prenions conscience de notre appartenance à une communauté d'êtres pensants.
Vivre, pour un humain, cela consiste à habiter un monde dans lequel les choses ne sont pas seulement ce qu'elles paraissent : elles ont aussi un sens. Et être un humain, c'est comprendre que si la réalité, quelle qu'elle soit, ne dépend pas de nous, son sens dépend de notre compétence ; c'est notre problème et, dans une certaine mesure, notre choix. Par « sens » il ne faut pas entendre ici une qualité mystérieuse et intrinsèque des choses, mais la forme mentale que nous, humains, lui donnons pour nous mettre en relation les uns avec les autres par leur truchement.
L'éducation n'est pas une fatalité irréversible et nous pouvons tous nous remettre des mauvais côtés de la nôtre ; et cela ne nous rendra certainement pas indifférents à l'éducation que recevront nos enfants, au contraire. Peut-être une bonne éducation ne produit-elle pas toujours de bons résultats, de même qu'un amour partagé n'implique pas toujours une vie heureuse, mais personne ne me convaincra que l'une et l'autre ne sont pas préférables à un dressage obscurantiste ou au manque de tendresse.