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Jean-Claude Hémery (Traducteur)Martine Vallette-Hémery (Traducteur)
EAN : 9782267009828
205 pages
Christian Bourgois Editeur (30/11/-1)
4.19/5   42 notes
Résumé :
Scènes de la vie d’un faune (1953), roman majeur d’Arno Schmidt, est le plus violent réquisitoire qu’on ait jamais écrit contre l’Allemagne nazie. Cette violence est d’autant plus sensible qu’elle émane de l’observation souvent goguenarde de petits faits de la vie quotidienne, de situations ordinaires, sans jamais recourir à la caricature. L’observateur en question est Heinrich Düring, un petit fonctionnaire de sous-préfecture. Père de famille, Düring, la cinquantai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
J'ai découvert ce livre par l'intermédiaire de Claudie HUNZENGER, qui a publié le 28 août 2019 "Les Grands Cerfs" aux éditions GRASSET (prix Décembre la même année).
Elle présente ce livre comme l'un de ceux qui, jeune, a le plus marqué son imagination et sa création littéraire.
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Un article édité par l'HUMANITE le jeudi 13 octobre 2011, titré "L'IRRÉDUCTIBLE DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE" me semble mériter d'être reproduit tel quel, il me tiendra lieu de commentaire.

"Arno SCHMIDT va-t-il cesser d'être un inconnu en France ?
Le besoin d'une nouvelle traduction de Scènes de la vie d'un faune, près de cinquante ans après une première version due à Martine Valette et Jean-Claude Hémery, montre que le cercle de ses lecteurs n'est plus une société secrète. Paru en 1953, Scènes de la vie d'un faune, troisième livre et premier roman de l'auteur, est le troisième volet d'une trilogie consacrée à l'Allemagne pendant la guerre. Düring, obscur chef de bureau dans une sous-préfecture de Basse-Saxe, en 1939, consigne avec une ironie mordante ses notations sur les effets du nazisme sur la mentalité, la culture, la langue de ses contemporains. Missionné par son supérieur pour collecter des archives, il découvre des traces d'un déserteur des armées napoléoniennes qui sévissait dans ce qui était alors le royaume de Westphalie, trouve son repaire et s'y réfugie pendant les bombardements de 1944, avec la jeune Käthe, sa « louve ».
Le roman, qui échappe au « continuum » du récit classique, alterne remarques critiques, scènes de la vie de bureau sous Hitler, échappées amoureuses, souvenirs, réflexions philosophiques, littéraires et scientifiques. Si son originalité avait déconcerté les lecteurs, elle avait valu à Arno Schmidt d'être remarqué par Hesse, Junger, Döblin et Grass."
🌿🌿🌿
Rencontre avec Nicole TAUBES, qui poursuit chez Tristram, l'oeuvre de traduction entreprise par le regretté Claude Riehl.
=
❗️Pourquoi le public français est-il passé à côté 
d'Arno Schmidt, en 1963 ?
- Nicole Taubes. Arno Schmidt n'était pas à l'heure. Il avait reçu un accueil critique étonnamment bon, au-delà des spécialistes. Dans le Monde, un article l'avait même considéré comme « ni rebutant ni difficile ». La mode était au nouveau roman, et on pouvait l'y accrocher. Peut-être y avait-il un problème avec l'Allemagne, dont la littérature était très peu lue en France à l'époque. Des auteurs allemands, on attendait un humanisme plus simple, un engagement plus direct, des témoignages, comme ceux de Böll ou Grass.
❗️Alors qu'Arno Schmidt 
n'est pas moins subversif.
- Nicole Taubes. Son engagement n'est pas là où on l'attend. de manière très décalée, sa critique est plus ironique. Elle passe par un travail analogue à celui qu'avait fait Viktor Klemperer sur la langue du IIIe Reich. C'est par la critique de la langue sous le nazisme qu'il montre comment un peuple peut être abêti. Approche plus littéraire mais qui en dit autant qu'une satire frontalement politique.
❗️Les rapports entre Düring 
et son supérieur 
sont de véritables dialogues philosophiques…
- Nicole Taubes. le sous-préfet (terme qui ne rend qu'imparfaitement compte de l'allemand « stadtrat », qui désignait le représentant du pouvoir nazi dans une ville) est un docteur, titulaire d'une thèse, qui représente bien le ralliement des milieux académiques au pouvoir. Il tente de marquer sa supériorité sur Düring en l'interrogeant sur la philosophie, et se trouve désarçonné par les connaissances de son subordonné.
❗️Qui continue pour son propre compte…
- Nicole Taubes. Sans qu'on sache bien à qui ils s'adressent, il y a des développements philosophiques, et scientifiques d'ailleurs, dans le livre qui montrent en particulier son goût de la philosophie grecque et son athéisme radical.
❗️Et aussi des goûts littéraires très tranchés…
- Nicole Taubes. Il règle ses comptes avec les pères fondateurs, en particulier Goethe, dont il tolère la poésie et le théâtre, mais rejette les romans. Il réhabilite les « petits romantiques » comme La Motte-Fouqué, un peu pour ses attaches locales, beaucoup par amour du conte, du rêve. Ce qui le pousse aussi vers Edgar Poe, Fenimore Cooper, qu'il traduira. Mais le dieu suprême du panthéon de l'autodidacte revendiqué qu'est Arno Schmidt, c'est Wieland (1). Dans le domaine formel, outre Wieland, avec ses recherches de vocabulaire, un poète expressionniste, August Stramm, l'a particulièrement intéressé. Enfin, il dit pis que pendre des réalistes français, Balzac et Zola : « Aucune poésie, aucun sentiment de la nature. » Deux critères pour lui fondamentaux, qu'on retrouve dans toute son oeuvre.
❗️Ce n'est pas pour autant 
un révolté. Comme il le dit, 
il « s'évade à moitié »…
- Nicole Taubes. C'est un personnage ambigu. Il n'est pas un héros, ni émigré, ni résistant. Il ne tient pas à se faire pendre, il n'a aucun moyen de lutte à sa disposition, et sa révolte se mue en critique secrète, et trouve aussi sa place dans l'érotisme. Il est d'ailleurs assez discret, sans être pudibond.
Il crée avec Käthe, « la louve », un beau personnage.
Nicole Taubes. C'est une femme libre, qui se moque bien de l'embrigadement des jeunes filles allemandes et qui, dès le début, entend être traitée en égale. Käthe n'a rien d'une Lolita de Nabokov, c'est une fille solide, franche, qui sait ce qu'elle veut. On ne trouve pas pour autant de discours féministe, mais, même en 1960, ce personnage tranche sur le conservatisme de l'Allemagne d'Adenauer. Il faut éviter les malentendus sur Arno Schmidt. Sa critique est anarchiste, individualiste plus que militante. En fait, son véritable engagement s'exprime dans la littérature, dans la volonté de dynamiter les formes anciennes et de proposer une politique de la liberté en écriture.
❗️Sans être vraiment difficile, 
sa lecture surprend.
- -Nicole Taubes. Bien sûr. Il le dit lui-même : « Ma vie n'est pas un continuum », donc le roman sera un désordre apparent où affluent les perceptions, les souvenirs, les idées, les formations de la conscience, et de ce désordre apparent, on perçoit très vite la logique. Sans aller jusqu'aux audaces typographiques de ses dernières oeuvres, il est très fragmentaire, en particulier au début, où il faut installer cet univers discontinu dans la scène de bombardement finale et dans les moments cruciaux. Mais souvent de longs moments de narration classique prennent place et cet effet de montage se fait vite oublier. Sans faire profession d'avant-gardisme, il ne veut pas être prisonnier du passé et propose une écriture libre et poétique, diverse et discontinue, à l'image de la vie. C'est peut-être pour cela que son temps, semble-t-il, est venu.
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Un ovni littéraire. Un style bien particulier. On sent que Arno Schmidt est torturé par la douleur lorsqu'il écrit. le rythme est saccadé. L'ouvrage est très riche en informations relatives à l'époque (écrivains lus et aimés, poètes,..).
A découvrir afin de se rendre compte qu'en littérature rien est figé. Cela me fait penser à Saramago lorsqu'il écrit sans ponctuation. Cela nécessite beaucoup de concentration et cela nous permet de rentrer (ou pas) plus rapidement et plus intensément dans la peau des protagonistes.
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C'est un livre difficile à lire. La structure mi théâtrale mi chroniques est délicate à appréhender.
Le vocabulaire riche et les immenses références culturelles sont également complexes. L'auteur veut que ce livre nous demande des efforts, du moins l'impression est donnée. L'on doit s'intégrer à l'univers comme on s'intègre à un groupe de personnes. On doit capter une pensée comme elle est pensée. C'est délicat.

C'est délicat mais c'est génial. Oeuvre bourrée de causticité que n'aurait pas reniée un Desproges, Oeuvre intellectuelle exigeante certes mais qui nous nourrit et nous permet d'exister au travers de l'ouvrage. C'est un livre qui décrit le nazisme, l'avènement d'un pouvoir autoritaire en ne dénonçant pas mais en prenant une position d'opposant. Opposition à l'ignorance par la culture, opposition au drame par l'humour, opposition à la haine par l'indifférence, opposition à l'hystérie par la lucidité.

C'est un livre qui est une étape dans mon vécu de lecteur. Ce fut pour moi une lecture nécessaire.
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Les Scènes sont le journal intime d'un graphomane qui vit l'effondrement de l'intérieur... aussi bien dire que c'est la chute du régime nazi vu sous l'angle des petites gens. Mais les Scènes sont aussi un traité érotique sylvestre en pleine pénurie de lacets, une promenade dans les bois en forme de fuite, un peu à la manière des Rêveries du promeneur solitaire au milieu des bombes. Si Nietzsche philosophait à coup de marteau, Schmidt écrit ses romans à la dynamite.
Manipulez avec soin, contenu explosif :(
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D'une ironie cinglante et d'une richesse condensée, le grand écart intérieur d'un déserteur secret de la société bourgeoise nazie.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/10/07/note-de-lecture-scenes-de-la-vie-dun-faune-arno-schmidt/
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critiques presse (4)
Liberation
18 novembre 2013
Scènes de la vie d’un faune(1953) appartient à la première partie de l’œuvre de Schmidt, qui gravite autour de l’Allemagne du nazisme et de l’après-guerre. Nicole Taubes qui a pris la succession de Claude Riehl en offre ici une nouvelle et décoiffante version à la hauteur du défi.
Lire la critique sur le site : Liberation
Lexpress
10 novembre 2011
On peut être désarçonné par cette langue si libre et ces paragraphes qui débutent en italique - comme un classement d'archives. Mais Schmidt livre bientôt assez de clés pour entrer dans son incroyable système littéraire et sa puissante vision du monde, obsédés par l'espace, l'Histoire et la destruction.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
02 novembre 2011
A la manière d'un saint Jean sans foi ni loi, Arno Schmidt dit notre apocalypse. Etrangement jouissive dans l'épouvante. Parce que le romancier féru de calcul mental et de photographie croit passionnément aux pouvoirs de l'écriture. Et nous fait magiquement partager sa transe.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
16 septembre 2011
L'humour et le burlesque endiablent ce récit d'un bout à l'autre, jusqu'au délire, quelquefois, sans jamais échapper cependant à la maîtrise de l'auteur qui tient à deux mains la bride de son cheval cabré puis fait corps avec lui comme un centaure.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
À Bergen-Belsen : (comme SS, il avait été affecté au personnel du camp, ce gros porc). "Ah, là-bas, ils travaillent tous, faut voir ça !", sourire hargneux maison de maître : "Les Juifs." Une pause. Il rapprocha la fiche de ses yeux bleu-bouffi ; mais fallait que ça sorte : "Et s’ils mouftent – au poteau" – ?!!? – : "Au gibet spécial."
Rien ! Je ne sais rien ! J’me mêle de rien ! (Mais il y a une chose que je sais : Tous les politiques, tous les généraux, tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, commandent, donnent les ordres, sont des pourris ! Sans exception ! Tous ! Je me rappelle encore très bien les grands pogroms ; j’oublierai pas la fois où les types de la SA, chez le Dr fränkel, ont fracassé à coups de hache sa machine à écrire et les cris aigus de son piano quand ils le lui ont balancé par la fenêtre, le poussant au suicide ! : Mais viendra le jour, messieurs les salopards. Et malheur à celui qui "vous donne une nouvelle chance" !)
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Ma vie ? ! ; n’est pas un continuum ! (pas seulement qu’elle se présente en segments blancs et noirs, fragmentés par l’alternance jour, nuit ! Car même de jour, chez moi, c’est pas le même qui va à la gare ; qui fait ses heures de bureau ; qui bouquine ; arpente la lande ; copule ; bavarde ; écrit ; polypenseur ; tiroirs qui dégringolent éparpillant leur contenu ; qui court ; fume ; défèque ; écoutelaradio ; qui dit "monsieur le Sous-préfet" : that’s me !) : un plein plateau de snapshots brillants.
Pas un continuum, pas un continuum ! : tel est le cours de ma vie, tel celui des souvenirs (de la façon qu’un spasmophile peut voir un orage la nuit) :
Flash : une maison nue de cité ouvrière grince des dents dans la broussaille d’un vert toxique : la nuit.
Flash : des faces blanches qui zyeutent, des langues dentellent au fuseau, des doigts font leurs dents : la nuit.
Flash : membres d’arbres dressés ; gamins poussant leur cerceau ; des femmes coquinent ; des filles taquinent à corsage ouvert : la nuit.
Flash : pauvre de moi : la nuit !!
Mais moi, dire que ma vie m’apparaisse comme le fleuve majestueux d’une chaîne de production, ça non, je peux pas dire ! (et les raisons).
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La fenêtre à guillotine se rebella en claquant dans son cadre ; le soleil vidait son pus au-dessus de la forêt ; un garçon de ferme bleu labourait la terre gluante. Une herse faisait la harpe (un non-sens absolu, acoustiquement parlant !) : « Êtes-vous bien conscient, Herr Peters, que tout ça peut finir par nous apporter la guerre ? » Mais il n’avait pas connu la Grande Guerre et grattait l’occiput de sa tête dure, l’air buté : « Le Führer ne veut pas la guerre ! »
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Heilitler Vousdésirez? (d'accord pour être citoyen et pour la cohésion du pays; ta main droite doit ignorer.
Et donc, je l'élevai mollement esquissant le salut allemand, tout en serrant le poing de la gauche, la main libre : de la sorte, je scinderai ma vie en deux : une moitié paume ouverte, loyaliste envers l'État. Et la gauche serrant le poing).
Je me réserve toute action contre l'État! : c'est la condition nécessaire à ma sécurité d'être humain! En effet, l'État peut me contraindre par la force à faire tout ce qui semblera bon à ses dirigeants responsables-irresponsable
moi, par contre, je n'ai pas le pouvoir, au besoin par la force, de contraindre l'État à la raison ou à la justice ou au respect de ses devoirs.
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Bergen-Belsen : (...) « Là-bas, faites-moi confiance, ils en mettent un coup. » Sourire pincé ; puis, onctueux et supérieur : « - Les juifs. » Silence. (...) « Ceux qui rechignent - on les pend ». - « A la potence spéciale. »

Rien ! Je ne sais rien, je n’ai rien entendu, je ne me mêle de rien ! ( Mais il y a une chose que je sais : tous les politicards, tous les généraux, tous ceux qui dirigent quelque chose ou commandent à quelqu’un sont des salauds. Tous ! Sans exception. )
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