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EAN : 9782253109587
252 pages
Le Livre de Poche (30/09/2004)
3.6/5   2006 notes
Résumé :
Qui n'a jamais rêvé de devenir un objet ? Mieux même, un objet d'admiration?
Tel est le pacte que scellent un artiste excentrique et un jeune homme désespéré. Le premier, avide de scandale, propose au second, avide d'exister, de le transformer en oeuvre d'art.
Après tout, il n'a rien à perdre, sinon la liberté.
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Critiques, Analyses et Avis (205) Voir plus Ajouter une critique
3,6

sur 2006 notes
Il est jeune mais du haut de ses 20 ans (quel vieux couillon a parlé du bel âge?), il désespère, le garçon. Il ne se sent pas exister. D'ailleurs son créateur a même omis de le nommer. C'est dire. Il désespère donc et déprime sacrément. Au point d'envisager le suicide.
Pas tout à fait au bas du bas, il réfléchit à la méthode. La pendaison le séduit. Je ne frissonne pas. Je demeure stoïque. Rien ne me semble perdu. Si le héros estime encore valoir une corde pour se pendre, l'espoir demeure.Le présage est favorable.
Et, aussi futée qu'un troupeau de bisons, je contemple le nombre de pages restant. Aucune chance qu'à la sixième page, le héros romanesque achève sa jeune vie, la langue bleue, la cervicale rompue.
Je le suis donc dans la grange censée abriter l'acte fatal qui s'avère contagieux. Un parfait inconnu y dresse son gibet. Il y a des épidémie de pendaisons comme des épidémies de grippe. Ou des lieux infestés par les potences comme d'autres par les souris. Ou des jours qui poussent à l'accrochage vertical. Je ne sais…

Mais à la page 6 (ou dans ses environs), une poutre syntaxique s'effondre, abime mon oeil droit qui s'affole. Nan, j'ai mal lu. Je reprends la phrase, ânonne, bêle, hennit. Rien n'y fait. La phrase rédhibitoire clignote, m'aveugle. Je tente de récupérer la vue et récite à haute voix afin d'évacuer la scorie visuelle. "La corde où je me suis pendu".
Fébrile, je cherche le nom du traducteur français de notre écrivain francophone. Parce que… Dites, un écrivain, ça ne peut pas laisser passer ça! La corde, ce n'est pas un lieu à moins qu'il ne soit question du charmant village de Cordes? Mais pourquoi aller se tuer dans le Tarn?
D'accord, le héros se sent méprisable. Mais faut-il mépriser la langue française afin qu'écrivain et créature se mettent au diapason? Et ce n'est pas parce que son héros confesse avoir "toujours tout raté, pour être exact, ma vie comme mes suicides", qu'il convient de s'appliquer à rater l'écriture de son livre.
J'ai poursuivi un peu ma lecture, délaissant la grange aux suicides aussi encombrée que les toilettes d'un pub irlandais. Près de la falaise prometteuse d'une chute finale, une autre aberration grammaticale m'attendait en compagnie d'un individu aux dents chargées.
Plus bégueule que Monsieur Grévisse, j'abandonnais ma lecture avant la vingtième page, convaincue que ce bouquin fut peut-être une oeuvre d 'art avant sa rédaction.

J'avoue, à ma grande honte, avoir commis le geste impardonnable dont je ne me remets pas malgré les huit années écoulées: j'ai enfermé le bouquin dans un sac noir que j'ai fermé et jeté. La corde où j'ai fermé la poubelle me hante encore.
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Un jeune homme désespéré par sa banalité est décidé d’en finir avec la vie lorsqu’il rencontre un artiste qui lui propose de réaliser son rêve, faire de lui un être d’exception admiré de tous, le transformer en œuvre d’art. De ses transformations physiques, dont on ignore la teneur mais qu’on imagine monstrueuses, à son exposition dans des galeries d’art contemporain, le sujet perd toute liberté et devient objet, la création d’un homme vénal qui lui dénie par son intervention toute humanité.

Mélange de Dorian Gray et de Raphaël de Valentin de La Peau de chagrin, le héros d’Eric-Emmanuel Schmitt signe un pacte qui met en conflit son désir d’exister, de paraître et sa liberté. Un pacte diabolique scellé entre deux hommes qui s’imaginent pouvoir modifier l’œuvre de Dieu. C’est ce que ce roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, un des plus réussis à mon sens, illustre en se concluant toutefois par une note optimiste puisque le héros sera sauvé par l’amour d’une femme.
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Quelle originalité. C'est vraiment un livre surprenant et original, c'est le cas de le dire. Un jeune homme, desespéré, prétend avoir raté sa vie. Il est donc prêt à se jeter d'une falaise mais un artiste, plus précisément, un sculpteur va lui proposer un accord. Un accord que Tazio acceptera.
Il va lui vendre son corps et son âme pour devenir un objet. Une sculpture exposée devant tous. Tazio qui a toujours été un moins que rien, une personne non admirée, non aimée est heureux. Heureux d'être considéré comme unique. Heureux d'être enfin admiré. Mais grâce à Fiona, une jeune femme qui accompagne son père peintre, va lui ouvrir les yeux. Cet artiste n'est qu'un manipulateur. Ce qu'il veut c'est le succès, la gloire et l'argent. Ce qu'il a, grâce à Tazio. D'ailleurs, cet artiste qui se nomme Zeus Peter Lama veut à tout prix déshumaniser Tazio.

Ce petit livre de moins de 300 pages est très intéressant et fait réfléchir. Tout d'abord, sur l'importance de la vie. Mais aussi, sur l'importance du succès, de la célébrité. le narrateur de l'histoire est tout de même prêt à se suicider car à côté de ses frères, il n'est rien. Sa vie est banale. de nos jours, l'apparence est très importante tout comme l'envie d'être reconnu. Tazio ne veut pas vivre pour lui mais pour les autres. Et on se rend compte que finalement, ce qu'il a toujours voulu ne sera pas si plaisant que cela. La célébrité rend égoïste, excentrique et Tazio l'apercevra à travers Zeus, son créateur. Ensuite, ce livre place l'art comme grand importance. Non seulement car le narrateur perd son corps et pourrait perdre son humanité en devenant un objet d'art. Puis, en regardant un artiste profité d'une situation de désespoir pour devenir riche et célèbre. Est-ce que les gens admirables et connus pour leur travail sont ils tous si superficiels? Finalement, la gloire rend-il égoïste et méchant?

Ce livre ne s'arrête pas là. Il nous montre aussi la prise de conscience. Eric Emmanuel Schmitt rend la femme importante. En effet, car ici, Tazio ouvre les yeux sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il est devenu grâce à Fiona. Cela valait-il vraiment le coup finalement?
Il y a petit quelque chose qui ne m'a pas plu, c'est que l'auteur nous décrit pas beaucoup l'oeuvre. Comment est-il? Est-il humain? A quoi il ressemble? Les descriptions peuvent être importantes sur certaines choses. Là, j'étais dans le flou. L'auteur a peut-être voulu laisser planer un mystère mais c'est un point que je regrette. Mais c'est minimum comparé à tout le reste car j'ai adoré. J'ai apprécié les personnages et l'ambiance. Je le recommande.
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Jusqu'où peut-on aller au nom de l'art ? C'est la question que pose Éric-Emmanuel Schmitt dans ce court roman qui, sans prétendre au chef-d'oeuvre, fustige une certaine forme d'art contemporain et la superficialité ambiante.

Zeus-Peter Lama, peintre et sculpteur aussi riche que prétentieux, détourne du suicide un jeune homme persuadé d'avoir raté sa vie. Son élan n'a rien d'altruiste : il convainc son protégé de devenir une sculpture vivante. Et quelques coups de bistouri plus tard, le garçon sans attrait devient "Adam bis", une créature monstrueuse qui fascine le monde de l'art...

"Lorsque j'étais une oeuvre d'art" est un récit excentrique et dérangeant, qui appelle nécessairement une lecture rapide, tant on veut en finir. Pour connaître l'issue de ce conte moderne, bien sûr, mais aussi pour sortir de ce cauchemar. Cauchemar d'autant plus horrible que l'auteur prend bien garde de décrire la transformation physique du narrateur : à chacun d'imaginer le pire.

Comparé à mes autres lectures d'Eric-Emmanuel Schmitt, ce roman m'a déçue par son écriture moins travaillée. On dirait presque une nouvelle, avec une mise en situation rapide, des symboles faciles (Zeus le dieu crée un nouvel homme qu'il appelle Adam...) et des personnages caricaturaux : l'artiste contemporain vaniteux, l'agent artistique méprisant et drogué, les mannequins et groupies sans cervelle... etc. J'ai même eu la vilaine impression que l'auteur se rapprochait de sa compatriote Amélie, dont je goûte de moins en moins les histoires courtes et emberlificotées. À commencer par le nom farfelu des personnages, comme Zeus-Peter Lama ou Carlos Hannibal...

Sur le fond, la réflexion est intéressante, car la mésaventure d'Adam bis montre le côté vain et cruel de notre "société du spectacle" qui privilégie les apparences au détriment de l'humain. L'auteur définit trois niveaux d'existence : le corps, la conscience et le discours ; le troisième dominant les deux autres car « nous sommes ce dont les autres parlent ». Bien que datant de 2002, cette conception préfigure l'avènement de réseaux sociaux bien connus (cui-cui ?). Or ne faut-il pas s'alarmer lorsque, systématiquement et instantanément, l'opinion répandue sur une personne ou un événement prend le pas sur la réalité de son sujet ? Ce livre nous aide à regarder au-delà des apparences.
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J'ai lu ce roman avec une certaine appréhension, car une artiste plasticienne contemporaine m'avait avoué avoir été très déçue par cette oeuvre. Contrairement à elle, j'ai beaucoup aimé ce livre. Je le trouve très original, plaisant à lire, agréablement écrit. Ce que j'apprécie surtout c'est le regard critique et sans concession que porte Eric-Emmanuel Schmitt sur les artistes spécialisés en art contemporain, qui sont parfois plus hommes d'affaires qu'artistes et prêts à inventer ou recopier n'importe quel concept pour faire monter les enchères, sans le moindre respect pour l'Art ni le public. L'auteur nous offre ici une satire du système et une critique sans équivoque de personnes sans scrupules ni talents mais qui sont opportunistes et savent utiliser les travers d'un milieu qui se veut avant-gardiste.
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Citations et extraits (151) Voir plus Ajouter une citation
Mon jeune ami, chacun de nous a trois existences. Une existence de chose : nous sommes un corps. Une existence d'esprit : nous sommes une conscience. Et une existence de discours : nous sommes ce dont les autres parlent. La première existence, celle du corps, ne nous doit rien, nous ne choisissons ni d'être petit ou bossu, ni de grandir ni de vieillir, pasplus de naître que de mourir. La deuxième existence, celle de la conscience, se montre très décevante à son tour : nous ne pouvons prendre conscience que de ce qui est, de ce que nous sommes, autant dire que la conscience n'est qu'un pinceau gluant docile qui colle à la réalité. Seule la troisième existence nous permet d'intervenir dans notre destin, elle nous offre un théâtre, une scène, un public ; nous provoquons, démentons, créons, manipulons les perceptions des autres ; pour peu que nous soyons doués, ce qu'ils disent dépend de nous. (p.103-104)
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- Laissez moi tranquille. Je suis en train de me suicider.
-Oui, oui... j'avais remarqué... je vous proposais justement d'attendre vingt-quatre heures...
- Non.
- Qu'est-ce que vingt-quatre heures, quand on a déjà raté sa vie ?
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des mots que j'aime: à chaque fois je pense à M. Pontbriand. Nous n'étions pas souvent d'accord.

Le vide m'attirait comme deux bras ouverts. Tapie en dessous de moi, la mer léchait ses babines d'écume en m'attendant.

Il s'approcha et entrebâilla, sous sa moustache, sa vitrine de pierres précieuses.

Les voix piquaient dans l'aigu, disparaissaient dans le grave, s'égrenaient en rires perlés, fusaient, sautaient, se chevauchaient, s'ébrouaient au-dessus des plats comme des saumons essayant de franchir un torrent.

... un froid hostile.

...Mes yeux dégringolèrent dans le piège du décolleté sans que j'arrive en m'en extraire. Son visage me semblait plus haut que la lune.

La femme ramassa une poignée de sable, l'homme l'introduisit dans une vessie de tissu, il souffla par une paille et pulvérisa les cristaux de quartz sur la toile.

Elle tourna vers moi un visage qui m'éblouit, d'un blanc miraculeux, d'un blanc arraché au danger du rose et du beige, d'un blanc fragile et insoutenable, d'un blanc qui n'était pas seulement une couleur mais une consistance, douce , souple, aérienne, poudrée. Elle avait un sourcil qui s'arrondissait plus haut que l'autre, comme si l'un s'interrogeait tandis que l'autre riait.

La joie nous encombrait...

...les yeux presque fermés par l'ourlet gras de ses paupières.

Adam est devenu une sculpture parce qu'il n'avait plus envie de vivre. (Je n'en dis pas plus) Un jour, il va sur la plage et rencontre Hannibal et Fiona, sa fille. Hannibal peint le temps présent.

Adam dit: Je passai l'après-midi derrière Hannibal et sa fille. À chaque initiative du peintre, je craignais qu'il n'abimât ce qu'il avait déjà réussi; à l'issue de chaque geste, je comprenais ce qu'il venait d'accomplir. J'avais l'impression d'apprendre quelque chose de fondamental et d'énorme. Mais quoi? .... Il ne peignait pourtant rien de ce qui est visible. Il peignait l'air. Un air précis, celui du matin même, entre la mer illimitée et le ciel illimité. Si je quittais son cadre, je ne voyais plus qu'avec mes yeux, j'inventoriais des éléments connus, répertoriés, l'ordinaire d'un bord de mer, la plage à marée basse, les rochers endormis, les oiseaux profitant du retrait des eaux pour chasser à même le sol... Mais, dans son cadre, l'invisible surgissait. J'y voyais ce qui avait été et n'était déjà plus, un moment du temps, ... Je ressentais une émotion longue, bouleversante, violente, entre la stupeur et l'émerveillement: j'éprouvais le bonheur d'exister. La joie simple d'être au milieu d'un monde si beau. N'être pas grand chose et beaucoup à la fois: une fenêtre ouverte sur l'univers qui me dépasse, le cadre dans lequel l'espace devient un tableau, une goutte dans un océan, une goutte lucide qui se rend compte qu'elle existe et que, par elle, l'océan existe. Minuscule et grande. Intense et misérable.
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Je n'ai jamais ramé, mon jeune ami, jamais bouffé des nouilles ni de la vache enragée. J'ai toujours eu le cul dans le beurre, je suis connu et reconnu dans le monde entier, sauf par des cas psychiatriques comme vous, chacun de mes gestes vaut une fortune, le moindre gribouillis me rapporte le salaire à vie d'un professeur, je suis riche à crever mais pas près de crever pour autant. Bref, pour dire les choses en peu de mots, j'ai le génie, la gloire, la beauté et l'argent. Agaçant, non ?
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chacun de nous a trois existences. Une existence de chose : nous sommes un corps. Une existence d'esprit : nous sommes une conscience. Et une existence de discours : nous sommes ce dont les autres parlent. La première existence, celle du corps, ne nous doit rien, nous ne choisissons ni d'être petit ou bossu, ni de grandir ni de vieillir, pas plus de naître que de mourir. La deuxième existence, celle de la conscience, se montre trs décevante à son tour : nous ne pouvons prendre conscience que de ce qui est, de ce que nous sommes, autant dire que la conscience n'est qu'un pinceau gluant docile qui colle à la réalité. Seule la troisième existence nous permet d'intervenir dans notre destin, elle nous offre un théâtre, une scène, un public ; nous provoquons, démentons, créons, manipulons les perceptions des autres ; pour peu que nous soyons doués, ce qu'ils disent dépend de nous.
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Eric-Emmanuel Schmitt : "Raconter La Callas, c'est parler d'opéra mais aussi de la vie".
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