J'ai compris qu'une maladie peut t'empêcher de penser normalement, mais pas d'aimer.
J'entent du bruit en bas,
je me lève en cachette,
je descends sans me montrer,
je vois Tante Ida qui entre sur la pointe des pieds ,
je la suis dans l'ombre.
Elle va à la lingerie.
Elle prend des choses,et s'en va.
Mais la porte grince, la porte du dehors.
Alors G.P. se révielle.
Il surgit dans le vistibule tout ébouriffé
Tante Ida et lui se regardent. Elle dit:
-C'est fini.
Je dis:
-Qu'est-ce qui est fini?
En meme temps que je comprends.
J'ai envie d'entrer dans le tombeau et d'être à côté de Grand-Mam's, complètement mort.
Je décide que je suis mort.
Je me couche sur la tombe. Je me concentre très fort. Je deviens lourd comme un caillou pour m'incruster dedans.
J'arrête de respirer, de bouger, de penser.
Mais c'est impossible, je suis bourré comme un oeuf.
Je n'arrive pas à m'"arrêter".
Je n'arrive pas à mourir.
Il y a trop d'images dans ma tête. Elles se promènent jusqu'au bout de mes doigts et de mes souliers.
Je suis un explosif qui n'explose pas.
Je suis traversé, mélangé, labouré. J'ai mal nulle part et mal partout.
Je suis couché comme Grand-Mam's.
Je suis dur comme elle.
Je n'ose pas à penser à ma mère en dessous depuis tant d'années.
Mais voilà, je ne suis pas mort.
On devrait pouvoir appuyer sur un bouton pour arrêter de vivre.
Je suis vivant malgré moi.
Je me demande encore parfois s'il y a un Dieu qui se promène au-delà de l'espace et qui organise les choses, ou simplement les observe. Si oui, il est peut-être en train de nous considérer chacun dans notre territoire, en sachant fort bien qu'un jour nous nous rencontrerons.
Elle parlait tout le temps, et ne voulait pas rester dans son lit. Elle essayait d'attraper des choses qui n'existaient pas. Mais moi elle me reconnaissait toujours. Elle m'aimait toujours. J'ai compris qu'une maladie peut t'empêcher de penser normalement, mais pas d'aimer.
C'est une terrible malchance de mourir, mais c'est une plus terrible chance encore d'être né, tu ne trouves pas ?
Je me demande pourquoi je suis tombé sur moi, j'aurais préféré être un autre (...), malheureusement on n'a pas le choix. (p.42)
On ne devrait jamais commencer une lettre par une parenthèse, je sais, mais je le fais quand même ; qui m'en empêcherait ? (p.7)
Je ne te connais pas ; à moins que je ne te connaisse sans savoir qu’un jour tu seras ma femme. J’ai décidé de t’écrire à partir d’aujourd’hui pour que tu saches qui je suis maintenant et tout ce qui m’arrive depuis onze ans que ça dure.
Si mes prévisions sont bonnes, tu es déjà née ; tu as entre huit et dix ans, tu vas en classe, tu manges, tu dors, quelques part près d’ici, ou alors en Amérique, allez savoir, avec la vie.