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Maurice Rémon (Traducteur)Wilhelm Bauer (Traducteur)Suzanne Clauser (Traducteur)
EAN : 9782234055018
214 pages
Stock (29/05/2002)
3.8/5   122 notes
Résumé :
« De tout l'hiver je n'ai écrit qu'une suite de scènes qui est parfaitement impubliable et sans grande portée littéraire, mais qui, si on l'exhume dans quelques centaines d'années, jettera sans doute un jour singulier sur certains aspects de notre civilisation » (lettre d'Arthur Schnitzler à Olga Waissnix du 24 février 1897).
Depuis lors, et après maintes péripéties éditoriales et scéniques, ce « jour singulier » n'a plus cessé de nous réjouir, qui éclaire n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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« Les écrivains sont bien tous docteurs » fait dire le dramaturge autrichien à « la Grisette ». Arthur Schnitzler, en qui le docteur Freud voyait son double, était bien un médecin-écrivain des désirs, depuis leur naissance dans le badinage maladroit des dialogues bourgeois jusqu'à leur crépuscule après un pudique levé de rideau, scandaleux pour la Belle Epoque.

Non pas que le mariage bourgeois soit hypocrite au point de nier que l'adultère en est la condition sine qua non mais avec Arthur Schnitzler toute discrétion vole en éclat avec dérision et précision sur la scène du mensonge matrimonial. Scandaleux aussi l'affirmation des femmes, parfois victimes mais aussi assumant leur désir, et menant parfois ces messieurs par le bout du museau.

« Il y en a plein qui se supportent pas et qui se disent « tu » quand même ». le docteur Schnitzler ausculte la pénombre des âmes dans un moment de vulnérabilité, d'intimité rare pour l'époque, dans la vérité de la jouissance.
C'est dans ce clair/obscur des desseins, des rapports de force et de jalousie, des jeux de l'amour et du désir qu'excellera toute sa carrière le dramaturge autrichien dont l'érotique littéraire inspirera le septième Art de Marx Ophüls à Roger Vadim en passant par Stanley Kubrick.

Du désir-objet brutal dans les bas-fonds, aux babillements feutrés des salons viennois, en passant par les idéalistes bohèmes, les tragédiennes de la liaison, les professionnelles de l'amour, et les Rastignac de la conquête, c'est une série de variations sur la séduction que jouent pour nous les personnages.
Chaque tableau voit se succéder le personnage du duo précédent et un nouvel amant/maitresse, jusqu'à revenir au premier personnage, dans une boucle érotico-théâtrale, du trottoir au boudoir, en passant par la garçonnière, le lit conjugal et le cabinet particulier du restaurant, entre l'apfel strudel et le wiener schnitzel...

Est-ce à dire qu'on tourne en rond lorsqu'on en vient à la séduction ? Toutes ces banalités, ces idioties échangées, ces curiosités feintes n'est-ce pas simplement, comme le souligna Roland Barthes dans ses fragments une façon de s'apprivoiser, d'entamer les caresses avec les mots, de « frotter son langage contre l'autre » comme si le langage était une première barrière cutanée, un épiderme extrasensible sur la chair, une antichambre du corps, une approbation à obtenir avant que, derrière le rideau, les langues ne se passent de mots.

Il ne tient désormais qu'à vous d'entrer dans La Ronde.

Qu'en pensez-vous ?
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La Ronde est une drôle de petite pièce construite sous forme de dialogues en concaténation.
Si le terme de concaténation ne vous est pas trop parlant, sachez qu'il s'agit d'une suite d'anadiploses et qu'à l'extrême limite elle permet de faire des raisonnements logiques proches de l'épanadiplose.
HEP ! Les linguistes ! Vous pétez pas un peu plus haut que votre cul des fois ? Comment on appelle ce phénomène en linguistique ? L'anal-explose, non ?
Bon, plutôt qu'un terme grossier qui aurait ravi le capitaine Haddock, disons que cette pièce est construite à la façon de la comptine : J'en ai marre - marabout - bout de ficelle - selle de cheval - cheval de course - course à pied - etc. - etc.
À chaque fois, seuls deux personnages sont en scène et au dialogue suivant, l'un reste et un nouveau apparaît, jusqu'à ce que la boucle soit bouclée.
Le titre initial voulu par Arthur Schnitzler était La Ronde D'Amour, titre plus évocateur, mais aussi, un peu plus provocateur pour l'époque.
Car ici, le propos est simple, tout le monde couche avec tout le monde, tout le monde trompe tout le monde, quel que soit le genre des individus ou leur statut social.
Les hommes en prennent pour leur grade mais les femmes ne s'en tirent pas franchement mieux.
Il aurait aussi pu choisir comme titre La Rirette car la morale de cette histoire, c'est que les hommes sont des cochons et que la morale de cette morale, c'est que les femmes aiment les cochons.
Bref, une suite astucieuse de dix dialogues faisant intervenir successivement dix personnages (cinq femmes et cinq hommes), très biens vus et très plaisants au départ, un tout petit peu redondant à la longue, mais sans excès.
L'acte sexuel n'est jamais mentionné comme tel mais est matérialisé au sein de chaque dialogue par une ligne de petits points, finalement plus évocateurs que tout ce qu'on aurait pu écrire.
On peut comprendre le scandale suscité à l'époque. Aujourd'hui, reste un badinage très sympathique et qui se lit en un clin d'oeil.
Mais, bien évidemment, il ne s'agit ici que de mon avis non concaténé, c'est-à-dire, bien peu de chose. Au suivant.

... - pied à terre - Terre de feu - feu follet - lait de vache - vache de ferme - Ferme ta gueule Nastasia !
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La lecture du "Lieutenant Gustel" m'a donnee l'envie de relire d'autres courtes oeuvres de Schnitzler. Je suis donc allegrement entre dans "La ronde".


Schnitzler est un provocateur. La Ronde s'eclate en scandale dans la societe autrichienne du debut du 20e siècle, et s'attire immediatement un interdit de representation.

Destinees au theatre, ce sont de petites saynetes qui se suivent et se raccordent, en ronde, comme son titre l'indique. Il y est question d'amour. D'amour charnel, sans grand A, qui dure le temps d'une rencontre. Entre des partenaires qui s'interchangent sans etats-d'ame superflus. de quoi faire hausser les sourcils horrifies de la bureaucratie imperiale. La Ronde, a peine representee, entre en clandestinite. L' insinuation dans ses pages de chair fraiche est exagerement magnifiee par une aristocratie et une bourgeoisie hypocrites. La Ronde devient mythique. Heureusement pour nous, avec le temps passé le ballon est degonfle et il n'en reste que l'essentiel, ce que Schnitzler a vraiment ecrit: une critique un peu amusee des simulacres et de la cagoterie generalisee de son époque.

La Vienne du tout debut du 20e siècle est divisee en classes sociales qui ne se melangent pas, habitant des quartiers a frontieres fixes et restrictives. Enfin, jusqu'a un certain point, les beaux messieurs pouvant harceler les filles de joie jusque chez elles. Schnitzler joue les transgresseurs de cet ordre: Les personnages de la Ronde appartiennent a toutes les classes de la societe, et se melangent en chair impunement. Dix personnages en quete de public: une prostituee, un soldat, une servante, un jeune bourgeois, une jeune epouse et son mari, une ingénue, un poete un peu boheme, une actrice, un vieil aristocrate qui rejoint la prostituee de la premiere saynete, tous se donnent la main, en une ronde effrenee, et demandent plus. Et font plus: l'acte d'amour figure dans le texte par une ligne de points, ou de tires (aux metteurs en scene de se casser la tete pour representer sur scene ces lignes). Sacrilege? Je dirais plutot pied de nez de l'auteur, qui plante un miroir erotisant, obscenisant, face a ses concitoyens.


Schnitzler etait un provocateur. L'est-il encore de nos jours? Oui, peut-etre encore un peu. Il se moque un peu des sentimentalites idealisees de façade, appuyant sur les pulsions cachees derriere. Est-ce vrai qu'il n'y a pas d'amour heureux? Sourions en tous cas a la chair heureuse. Lisons et sourions.
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Au lecteur d'aujourd'hui peu attentif, La ronde passera pour une série de saynètes grivoises plus ou moins drôles et sans grand intérêt. Pourtant, si les dialogues ne font effectivement pas sauter au plafond, on peut rapidement détecter le motif principal de la pièce : une critique sociale sans tabou de la société viennoise de la fin du XIXème siècle - même si la veine en est essentiellement comique. Et dans le cas de la ronde, le contexte de la pièce s'avère au moins aussi important que la pièce elle-même.

La ronde - dont vous connaissez peut-être l'adaptation cinématographique de Max Ophüls - est organisée en dix saynètes, chacune présentant deux personnages, une femme et un homme, dans un quartier de Vienne à chaque fois différent. Les personnages se tournent autour, la femme fait en général mine de repousser les avances de l'homme - mais ce peut être l'inverse - et ils finissent par coucher ensemble. La chose est représentée symboliquement par une ligne de tirets, qui fait inévitablement penser à un texte censuré. Et censuré, celui-là le fut, et pas qu'un peu ! Bref, après cette ligne de tirets résumant l'acte sexuel, le dialogue entre les deux personnages reprend, puis ils se quittent. le lecteur comprend sans peine que tout ça sera sans conséquences et que les deux personnes, protestations d'amour (qui reviennent souvent) ou pas, ne se reverront plus (à l'exception du couple marié) et passeront à autre chose. Saynète suivante : on garde un des deux personnages de la saynète passée, un autre apparaît, et tout recommence : on se tourne autour, on joue les farouches, ou couche ensemble, on promet de se revoir, et hop, saynète suivante, sur le même schéma. En dix variations au total.

Vous aurez compris que c'est la forme qu'a donnée Schnitzler à la pièce qui fait son efficacité et son intérêt. Car tous ces personnages échangent leurs rôles et leurs textes constamment, tout en parcourant l'ensemble des quartiers de la ville, des plus mal famés aux plus riches : le cloisonnement social parfaitement en place à Vienne en 1896 (date d'écriture de la pièce) vole en morceaux. La géographie imposant la séparation des classes est mise à mal, les femmes font ou disent la même chose que les hommes, les prostituées la même chose que les bourgeois ou les aristocrates, à l'aide de dialogues qui reprennent sans cesse, en boucle, les mêmes paroles : "Je ne suis pas du genre à faire ça", "Est-ce que tu m'aimes ?", "Mais oui je t'aime.", "Tu me rappelles quelqu'un", "Revoyons-nous très bientôt", etc., etc. Ce sont donc ces répétitions et ces échanges constants qui font de cette pièce une critique sociale, par ailleurs plus comique qu'acerbe. Pour autant, on se plie pas de rire en la lisant, d'autant qu'aujourd'hui, elle a en partie perdu de son efficacité satirique.

Et pourtant... quand elle fut écrite, en 1896-1897, il était carrément impensable de la faire jouer, et même de la faire éditer, et Schnitzler la fit publier pour ses amis en 1900 à compte d'auteur en 200 exemplaires. Même pas prévue pour être vendue, elle fut déjà conspuée allègrement, puis à nouveau en 1903, lorsqu'elle fut publiée officiellement. Puis on l'interdit en 1904. Ne parlons même pas de la première à Berlin en 1921, qui déclencha moult insultes antisémites et deux procès, dont le second se termina par un autodafé. Vienne fut plus clémente avec une simple interdiction de représentation pendant un an...

Ce qui prouve que ce qui peut paraître au premier coup d'oeil une simple fanfreluche dit bien des choses sur son époque, et qu'il serait bien dommage de passer à côté. Mais nous en reparlerons certainement avec la biographie d'un célèbre peintre viennois...


Challenge Théâtre 2017-2018
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Vienne à l'aube du nouveau siècle (1900) : c'est l'effervescence !
L'art, la littérature, la médecine, et l'apparition d'une nouvelle "science de l'esprit" qui met à jour ce que l'on cache aux autre et à soi-même, le fameux "inconscient" théorisé par Freud en psychanalyse.
Non content de mettre à jour les mécanismes de l'esprit qui nous dissumule ce que la morale réprouverait, la littérature viennoise aussi s'empare de cette mode pour mettre sur le devant de la scène ce qu'on a pour habitude de cacher, de garder tabou : la sexualité !

En cela, l'oeuvre d'Arthur Schnitzler (le "double" de Freud) reflète bien cette nouvelle mode - que ce soit dans La ronde ou dans d'autres pièces.
Ces dix dialogues explorent donc ces grands mystères que sont le désir, le soit-disant sentiment amoureux (qui ici est plutôt de l'attachement ou un petit béguin, mais rien de romantique), le mariage et les rapports entre les sexes - de classes sociales parfois différentes.

Certes, pour un lecteur du 21ème siècle, rien de révolutionnaire, ce n'est rien de plus qu'un gentil petit vaudeville. Une version théâtralisée de fnêtre sur court où le lecteur scruterait de son oeil indiscret différents endroits de la ville pour voir comment ça se passe chez les autres.

Quelques moment qui font sourire mais je pense qu'il vaut mieux connaître le contexte général (que j'évoquais plus haut) pour apprécier cette pièce qui reste actuelle dans le fond tout en ayant un peu vieilli.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
L'HOMME DE LETTRES : Dis-moi, es-tu heureuse ?
LA GRISETTE : Qu'est-ce que tu veux dire ?
L'HOMME DE LETTRES : Je te demande si tu es heureuse, en général ?
LA GRISETTE : Couci-couça.
L'HOMME DE LETTRES : Tu ne me comprends pas. Tu m'as parlé de ta situation, de ta famille : je sais que tu n'es pas une princesse. Mais, abstraction faite de tout cela, il y a en nous une vie que nous observons... que nous sentons... Te sens-tu vivre ?
LA GRISETTE : T'aurais pas un peigne ?
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LE COMTE : Les hommes sont les mêmes partout. Plus il y en a et plus grande est la bousculade. Voilà tout... Dites-moi, mademoiselle, aimez-vous vos semblables ?
L'ACTRICE : Si je les aime ? Je les hais. J'en ai horreur, d'ailleurs je ne vois jamais personne. Je suis toujours seule, ma porte est condamnée.
LE COMTE : Je pensais bien que vous étiez misanthrope. Une artiste comme vous qui plane dans les régions supérieures. Je vous envie, vous avez un but dans l'existence.
L'ACTRICE : N'en croyez rien. Je ne sais pas pourquoi je vis.
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LE JEUNE HOMME : Je vais vous dire une chose. Si vous avez honte d'être ici... Si je vous suis à ce point indifférent... Si vous ne sentez pas que vous êtes tout pour moi... alors, il vaut mieux que vous vous en alliez...
LA JEUNE FEMME : C'est ce que je vais faire.
LE JEUNE HOMME : Mais si vous sentez que je ne peux pas vivre sans vous, qu'un baiser de vous est plus pour moi que toutes les caresses de toutes les femmes de la terre... Emma, je ne suis pas comme les autres jeunes gens qui savent faire la cour... je suis peut-être trop naïf... je...
LA JEUNE FEMME : Et si vous étiez tout de même comme les autres jeunes gens ?
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POÈTE. - Tu permets, je vais éclairer. Je ne t’ai pas encore vue, depuis que tu es ma maîtresse. Un ange. (Il allume une bougie)
GRISETTE. - Laisse, je suis pudique. Donne-moi au moins une couverture.
POÈTE. - Plus tard ! (Il vient avec la lumière vers elle, la contemple longuement)
GRISETTE (Cache son visage avec les mains). - Va-t-en, Victor !
POÈTE. - Tu es belle, tu es la beauté, tu es peut-être même la nature, tu es la sainte simplicité.
GRISETTE. - Ouille, tu me gouttes dessus ! Regarde, fais attention !
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L’AUTEUR. Dis-moi, mon petit, es-tu heureuse ?
LA GRISETTE. Comment cela ?
L’AUTEUR. De manière générale. Es-tu heureuse ?
LA GRISETTE. Ça pourrait aller mieux.
L’AUTEUR. Tu comprends mal. Tu m’en as dit assez de la situation chez toi. Je sais bien que tu n’as pas une vie de château. Je voulais dire, en faisant abstraction de tout cela, quand tu te sens vivre, tout simplement. Est-ce que tu te sens vivre ?
P58
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