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Jean Guiloineau (Traducteur)
EAN : 9782752902375
384 pages
Phébus (08/02/2007)
4.27/5   26 notes
Résumé :
Comment apprendre à vivre quand on porte la mort en soi ? A la fin du XIXe siècle, le mal s'appelait la tuberculose.

Quand Versluis, un bourgeois hollandais, comprend qu'il est condamné, il quitte son cadre de vie, sa Hollande mesurée et digne, au paysage façonné par la main de l'homme, pour Bloemfontein, cette ville d'Afrique du Sud qu'entoure l'immense espace du veld sud-africain.

C'est ce passage d'une vie à l'autre que Karel Schoema... >Voir plus
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Éloge de la lenteur…

Mais il en faut du temps et des pages à Karel Schoeman – traduit par Jean Guiloineau - pour nous faire entrer En étrange pays et planter le décor de cette petite société de Bloemfontein, dans l'État libre d'Orange en Afrique-du-Sud.

Mal en point, à l'issue d'un voyage chaotique débuté en Hollande, Verluis y débarque pour y finir sa vie, secrètement ravagé par la tuberculose. N'aspirant qu'à la solitude, il va très vite se trouver confronté aux paradoxes locaux.

Paradoxe de la beauté des paysages du vled, espaces sauvages et sans fin d'herbes et d'arbustes, confrontés aux travers nauséabonds de cette petite société microcosmique de Bloemfontein.
Paradoxe de la relégation des autochtones noirs aux fonctions de larbins, face à leurs « maîtres » hollandais ou allemands tentant de recréer ailleurs depuis deux générations, le monde qu'ils ont naguère volontairement quitté.
Paradoxe de ces fêtes régulières qui rythment la vie bourgeoise locale, là où Verluis ne cherche que l'oubli et le repli, et une certaine forme de dépouillement dans le calme absolu.

Son salut viendra de ses rencontres avec un jeune pasteur, sa femme et sa soeur, remplies de bienveillances, de lectures, d'échanges philosophiques et religieux, d'humanité... Ne cessant de répéter qu'il n'est que de passage, Verluis finira par trouver ce qu'il était, sans le savoir, venu chercher : un lieu de transition, parenthèse entre la vie qui le fuit et la mort qui l'appelle.

Ai-je aimé En étrange pays ? C'est difficile à dire en ces termes. Mais l'écriture est belle, puissante, et l'atmosphère douce, lente et apaisée qui se dégage de ces pages font de cette lecture un moment fort et marquant.
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Sur les conseils de son médecin, Versluis, un bourgeois hollandais vient soigner sa maladie des poumons aux confins de l'Afrique, à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Il est censé tirer profit de l'air sec du "veld". Il s'installe d'abord à l'hôtel avant de trouver refuge dans la pension de Mme van der Vliet. Son univers se réduit à la communauté hollandaise et allemande de la petite ville. Il fréquente d'abord les Hirsch, une famille tonitruante, pour qui ce nouvel arrivant constitue un palliatif à leurs habitudes de colons. Mais Versluis ne tarde pas à se lasser de leurs conversations mondaines, le pays et l'approche de la mort réclament pour lui plus de calme et de paix. Ainsi, il se rapproche du pasteur Scheffler et sa famille qui lui apprennent peu à peu à apprivoiser le vide de cet étrange pays.

"Il aurait aimé trouver les mots afin d'évoquer pour eux l'éclat blanc de cette chaleur de l'après-midi. Il aurait aimé trouver des mots pour décrire l'aspect désolé du veld qui entourait la ville, et les sensations d'inquiétude et de joie qu'il éveillait en lui. Mais les mots existaient-ils ? Possédait-il le langage nécessaire à de tels récits ?" p. 78

Jour après jour, visite après visite, il tombe sous le charme du bonheur calme de cette famille et son univers s'éclaire en découvrant d'autres moeurs.

"C'était ainsi que vivaient les gens, se dit-il - ils s'asseyaient ensemble dans la clarté des lampes pour boire du café, ils jouaient de la musique ensemble, ils parlaient ensemble, et ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots parce qu'ils connaissaient les mêmes choses et qu'ils partageaient un vaste espace commun de référence. Plus tard, dans le ville obscure et moribonde où il souhaita bonne nuit à Mme van der Vliet avant de se retirer dans sa chambre, dans la nuit profonde où les animaux nocturnes hurlaient et où les aboiements des chiens se répondaient, il se rappellerait que d'autres gens vivaient leur vie, regardaient la pendule, écoutaient un instant pour vérifier s'ils entendaient un bébé pleurer, avant de se retourner en souriant vers leurs compagnons." p. 226

Le pasteur et sa soeur ont vécu au coeur du pays, au plus près des locaux et leur regard sur la colonisation est très opposé à ceux des hollandais et allemands de la communauté :

"Parfois, je pense que nous avons échoué. (...) Nous avons apporté la civilisation ici ; nos maisons et nos églises ; nos meubles, nos livres et nos modes d'Europe : nous avons apporté ici sans qu'on nous le demande et nous l'avons entassé comme si l'Afrique était une sorte de tas d'ordures, et nous sommes venus vivre ici selon les modèles que nous ou nos parents avons apportés d'ailleurs. Nous vivons de souvenirs et nous nous entourons de fantômes, et quant à l'Afrique elle-même, nous ne la voyons que de loin, deriière les rideaux en dentelle que nous avons accrochés devant les fenêtres de nos salons. (...) Quant aux Noirs que ne leur avons-nous pas fait ? Nous leur avons fait des cadeaux douteux, les maisons et les églises européennes, l'argent, l'alcool et des maladies qui leur étaient totalement inconnues.D'un côté nous avons essayé de les élever, comme nous disons, sans qu'ils nous l'aient jamais demandé, et de l'autre nous les repoussons chaue fois qu'ils s'approchent trop et que nous nous sentons menacés. Qu'avons-nous fait de ce pays ? Et de quel droit ?" p. 248

Cette "histoire d'une âme en quête du dépouillement absolu" résonne dans nos âmes émues bien après la dernière page tournée... Elle nous parle philosophiquement de la mort non pas comme une fin, mais davantage comme une paix de l'âme et du corps. Les paysages désolés du veld s'accordent parfaitement avec l'esprit en délition de Versluis. L'étrange pays n'est-il pas l'aboutissement d'une vie que le vide envahit ?


"Ne plus faire qu'un avec cette terre, comme les dieux et les esprits dans d'autres pays, et dans le même temps lui permettre de ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier." p.254

Aux confins du monde et de sa vie, Versluis rencontrera peut-être enfin la plénitude de l'humanité...
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Imaginez un paysage aride, un presque désert accroché à la pointe de l'Afrique. Là-bas, une ville … ou plutôt un village colonial: Bloemfontein. « Fontaine de fleurs », un nom pompeux pour une poignée de demeures coloniales où la patience a réussi à faire sortir du « veld » quelques arbres fruitiers, voire même quelques fleurs. Une terre que se déchirent les Pays-bas et l'Allemagne après avoir mis les français hors course. Une terre dont on vente les vertus curatives de la tuberculose et où Mr Versluis, riche notable Hollandais, est venu s'échouer pour soigner son mal poitrinaire. Arrivé à moitié mourant dans un des deux hôtels de la ville, Mr Versluis va doucement se rétablir et découvrir cet étrange pays, ce monde où politesse et bonnes manières sont loin d'avoir le sens qu'elles avaient dans sa Hollande natale. Dans un texte riche et élaboré, Karel Schoeman nous invite, au travers des yeux de Versluis dont on ne sait que peu de choses, à découvrir le passé colonial sud-africain, mais aussi la vie des exilés. Cette vie où le fait d'être de la même nationalité devient synonyme d'amitié, de lien social : « Nous avons les mêmes racines et sommes donc fait pour nous entendre en ce pays qui nous fait peur, que nous essayons de modeler comme un lointain reflet de la vie que l'on connaissait. » Venu pour se soigner, Versluis, petit à petit, lie connaissance. Sa fortune, sa bonne présentation, ses bonnes manières en font un hôte de choix, une animation aussi, pour ces coloniaux dont les préoccupations semblent être d'entretenir un jardin d'organiser des fêtes et des lectures d'écrivains ou poètes classiques. le décors est planté. Il est en fait un personnage important de ce roman. Peu de choses se passent. Les sentiments d'ennui et de vide nous sont partagés au travers de lentes ballades où quasi rien n'arrive. Insensiblement pourtant tout change … surtout en Versluis qui sent en lui qu'il ne retrouvera pas les Pays-bas. Il découvre, peut-être pour la première fois de sa vie, d'autres chemins de vie derrière les gens qu'il rencontre et apprend à connaître. Une connaissance qui lui a été interdite dans son pays natal, de par les conventions sociales et la rigidité des règles de politesse. L'expatriation qui crée des liens neufs le poussent à découvrir la vie autrement, mais aussi à approcher la mort plus sereinement.
Un livre lourd de plus de 400 pages (en poche), où je me suis parfois un peu ennuyé, mais qui m'a touché. Une peinture intéressante des « expatriés », de la vie coloniale. Par contre, peu de choses sur l'Afrique elle-même et surtout une absence quasi « dérangeante » des indigènes noirs qui ne font que passer, pieds-nus, dans des rôles de domestiques. Ils n'ont pas leur mot a dire et semblent être invisibles (sauf dans une scène de visite d'une mission). Cela reflète aussi la réalité de l'époque et est sans doute délibéré de la part de l'auteur. Ce que je retiendrai de cette lecture, c'est sans doute qu'un voyage est surtout intérieur. Des personnages souvent antipathiques, mais réalistes. Seul un pasteur allemand et sa soeur handicapée, enfants d'un missionnaire et donc nés en terre africaine, auront gagnés ma sympathie. Rien ou presque sur l'Afrique du Sud, sauf cette emprunte du colonialisme dans tout ce qu'il a de plus négatif.
Merci aux éditions Libretto et à Babelio pour m'avoir fait découvrir ce livre et cet auteur dans le cadre de l'opération "Masse critique".
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Mourir à la Fontaine aux Fleurs (Bloemfontein)


le Sud-africain Karel Schoeman m'enchante toujours depuis que je l'ai découvert avec "Retour au pays bien-aimé" et "La saison des adieux".

Versluis,Hollandais grave, solitaire et malade vient d'arriver à Bloemfontein, modeste cité d'Afrique du sud au bien joli nom. En fait il cherche une ultime étape pour son départ. Accueilli dans les communautés hollandaises et germaniques, soigné ainsi loin de sa rare famille car Versluis est un homme sans postérité dont on ignorera toujours le prénom comme si Schoeman souhaitait une intimité protégée doublée d'une certaine austérité dans nos rapports avec son personnage, cet homme va devenir en quelque sorte le témoin de cette vie du bout du monde en un pays neuf. Pays neuf mais où les scléroses d'une micro-société éloignée sont déjà bien présentes. Ceci nous vaut des pages que je trouve d'une totale noirceur, tellement bien évoquées par Karel Schoeman que l'émotion nous gagne alors que tout nous éloigne de ces austères presbytériens et de ces fonctionnaires compassés et dévots.

Versluis à Bloemfontein ne débarque ni au Cap ni à Johannesburg, déjà métropoles en devenir en cette fin de XIXème Siècle. Petite ville administrative Bloemfontein regroupe à quelques encablures du veld, cette âpre lande d'extrême sud, de poussière ou de boue selon la saison, quelques mariages, quelques bals, quelques pique-niques entre gens du même monde. Mais ces gens là ne s'ouvrent pas vraiment, important en Afrique leur rigueur batave. Ainsi Versluis trouvera plus malade que lui, enfin plus avancé sur le chemin bien que plus jeune, Gelmers, un compatriote pour qui il se prend d'inimitié,réciproque. A l'aube de la mort Versluis, commis pas hasard ultime infirmier, saura-t-il tirer profit de la douleur de l'autre, pour entrer en paix dans le royaume d'après?

Un pasteur allemand dévoué mais sceptique, une logeuse accaparante, une jeune femme infirme mais au coeur libre, et quelques pas dans le veld, à ce moment de la vie où tout est, de toute façon, à nouveau autorisé, accompagneront Versluis, venu là pour soigner ses poumons, et qui aura peut-être trouvé, rien n'est moins sûr, la paix de l'âme, in extremis, au bout du monde. Ce monde si fragile qu'il faille passer ainsi d'une vie à l'autre pour en éprouver les fragrances crépusculaires. Versluis l'étranger au pays est enfin arrivé et marche un peu parmi les chétives herbes pierreuses. Karel Schoeman ne nous laisse pas indemne mais toute littérature digne de ce nom n'est-elle pas dans ce cas? On dort un peu moins bien, probablement, après avoir lu "En étrange pays". Mais la nuit doit être plus palpable.
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Tout d'abord, je remercie les éditions Libretto et Babelio pour m'avoir offert ce livre dans le cadre de l'opération "Masse critique".

Un huis clos à ciel ouvert ou comment mieux caractériser le traitement ambivalent de ce récit mais aussi l'introspection d'un pays, d'une ville, d'une communauté, d'une maison, d'un individu.

Pour parler de l'ambivalence du récit, je citerai un pays aux horizons sans limite face à une communauté repliée sur elle-même, un personnage principal enfermé dans ses principes mais libre de mouvement face à une infirme enfermée dans son corps mais libre de pensée, des expatriés ayant un pays à construire face à leur nostalgie d'une Europe lointaine, le riche ayant peur de la mort face à un prolétaire mourant et la liste je pense ne s'arrête pas là.

Question introspection, il me suffit de dire que chaque ambivalence se montre, se dévoile petit à petit au lecteur, en même temps qu'elle se dévoile au personnage principal. Ce cheminement entre la vie et la mort, la liberté et l'ordre social, entre solitude et vie en société, aspire le lecteur dans une spirale qui ne pourra que le mener face à lui-même.

Un récit prenant le lecteur tel un boa dans ses anneaux, l'étouffant doucement l'amenant à une conscience proche de l'asphyxie pour lui révéler toute l'ambivalence de la vie. J'irais presqu'à le déconseiller aux claustrophobes.

Amateurs de Fantasy, j'ai aussi trouvé dans ce récit , la trame d'un récit imaginaire, En quelque sorte l'initiation d'un anti-héros au seuil de la mort. L'imagination à fournir pour s'immerger dans cette communauté coloniale de fin XIXème vaut tous les dépaysements Fantasy.

Un livre à haute teneur philosophique même si les codes sont un peu anciens que je recommande à tout curieux de la vie et de la mort.

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Nous sommes tous en train de mourir, si vous y réfléchissez bien, monsieur Versluis ; mais il y a différentes cadences, vous avez sans doute assez vécu et connaissez sans doute la réalité du monde pour le savoir.
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Quel genre de pays à demi civilisé était-ce, se demanda-t-il indigné, où il y avait des chiens crevés au coin des rues et où un homme pouvait en agresser un autre devant des passants qui riaient ?
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Nous n'avons pas encore décidé ce que nous voulons être, où nous voulons aller. Nous nous accrochons encore à ce que nous avons et nous avons encore trop peur de l'abandonner, même si cela est superflu depuis une éternité.
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On était absorbé par le vide, étreint par le silence, qui n'étaient plus des étendues étrangères regardées de loin sans comprendre, la terre inconnue devenait familière et celui qui la traversait ne pouvait même plus se rappeler qu'autrefois il avait pensé aller plus loin. A mi-chemin sur la route on découvrait que le voyage était achevé, qu'on était arrivé à destination.
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J'ai lu le livre en néerlandais; je traduis:

Les gens d'ici le fatiguaient; avec leur hospitalité exagérée, leur intrusion, leur curiosité et leurs tentatives non réfléchies à l'intimité, leur besoin de confirmation: les distances ici devaient être sans limite, la chaleur la plus épuisante, la sécheresse la plus torride.
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Video de Karel Schoeman (1) Voir plusAjouter une vidéo
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