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EAN : 9782246003533
332 pages
Grasset (01/10/1977)
4.29/5   122 notes
Résumé :

Du Delta tonkinois aux fjords de Norvège, des Maldives à Saint-Pierre et Miquelon, le roman de Pierre Schoendoerffer est un voyage au long cours à la rencontre du destin. Ancien d'Indochine, le narrateur est un médecin de marine qui a rempilé sur le tard, à bord d'un aviso de la Royale, chargé d'escorter les pêcheurs du Grand Nord. Tandis qu'il suit la campagne, dans la tempête glacée, la brume et la nuit polaire, avec tous les accidents, les joies et l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Un grand roman. Un livre poignant. On y parle de ces choses essentielles qu'on a toujours tendance à mettre de côté tant elles sont embarrassantes. On y parle de la solitude et des ténèbres qu'on découvre au bout du chemin ; on y parle de la fin des aventures et des illusions ; on y parle de cet ultime voyage dans la « forêt perdue » des Hommes, peuplée de singes hurleurs, de voix oubliées que l'on retrouve miraculeusement, de visages aux contours flous et pourtant si familiers, de moments héroïques et de grands renoncements. On y parle aussi de ces moments qui éblouissent les nuits et réchauffent les coeurs quand survient l'amitié, la fraternité des armes entre de vieux soldats fourbus, quand il faut faire preuve de courage et d'abnégation dans un chalutier, dérisoire coquille de noix balayée par le blizzard et la tempête furieuse.
Un verre d'alcool à la main, arrivé au bout du monde, on se souvient de ces soldats perdus, vaincus d'avance, qui défendirent avec fatalisme des empires en train de s'effilocher et des valeurs moribondes. Ceux qui formèrent le dernier carré, la dernière légion, ces insensés qui toujours chargèrent au son grêle du clairon ; ceux du « Tout est perdu, fors l'honneur ! », qui subjuguent le commun des mortels et restent ancrés dans leur mémoire. Willsdorff, ce prince dérisoire, dit le crabe-tambour, était l'un d'eux.
J'ai fini ce livre juste au moment où Jean Rochefort s'en est allé. Dans le film, c'était lui le vieux commandant de l'Éole, grignoté par son cancer et tout bouffi d'orgueil, avec son visage de pierre et sa voix grave et lézardée.
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Le film était magnifique, porté par des acteurs hors du commun.
Le livre est fabuleux, porteurs d'horizons chaotiques et colorés, de creux et de bosses humaines et maritimes

Le Crabe Tambour, c'est cet officier légendaire, cet aventurier des guerres perdues à l'honneur intact.
La légende court dans les flottilles de pêche bousculées par les terribles tempêtes: le Crabe Tambour s'est fait capitaine de pêche à la morue. Toujours accompagné de son chat noir à cravate blanche, hiératique, tous veulent servir à son bord!
Pierre, le médecin et narrateur rempile dans la Marine nationale sur L'Éole, pour l'assistance aux pêches... le commandant de l'Éole jette ses dernière forces dans cette mission. Il va mourir, et veut revoir ou entendre le Crabe Tambour une ultime fois. Ce Willsdorff à qui le commandant fit autrefois une promesse qu'il ne put tenir.

Le Crabe Tambour, c'est une histoire d'hommes et de mer: Cette mer qui donne et reprend. Cette mer qui recentre le marin sur son essentiel.
Joseph Conrad, Pierre Loti , Roger Vercel et tant d'autres ont ouvert la voie des grands récits de la mer et des hommes... Pierre Schoedoerffer magnifie cette route de sang, de sel et de sacrifices.

Non, vraiment, le crabe Tambour n'est pas de lecture dispensable!
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Magnifique! Un grand livre, un très grand livre. J'avais adoré le film que je pourrais voir et revoir avec toujours autant de passion. J'attendais beaucoup du roman, je suis plus que satisfaite de cette superbe rencontre avec l'écriture de Pierre Schoendoerffer. C'est un immense moment d'émotion. Un coup de coeur. Un livre sur le courage, l'honneur, le devoir, la marine, la mer, le dur métier d'homme de mer. Un roman d'aventure que je recommande. Oui, "Le crabe-tambour" est un monument!
Lien : http://araucaria20six.fr/
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« - Envoyez un "aperçu", c'est tout. »

Que dire de plus ? Rien, la messe est dite. « Nous vivons et nous rêvons seuls. » Pas besoin d'en dire plus, mon capitaine et mon ami l'ont compris bien avant moi. J'en étais encore à me lamenter sur ma vie quand eux avait déjà décidé de la poursuivre toutes voiles dehors, leur vie dédiée à la mer, seule entité à ne pas être corrompue.

Ce toubib entre deux eaux, deux continents, désabusé, abusé mais surtout usé donne à réfléchir sur la vie, ce chemin tortueux qui nous conduit, non sans difficulté vers la fin. La nuit, première partie du roman.

Un roman qui raconte la mer et ses tourments, ses hommes qui en vivent, qui en viennent et qui y restent. Ce vieux capitaine, dont il n'est plus besoin d'attendre l'explication d'un récit, qui sait la fin des choses, son "aperçu" qui dit tout sans jérémiades, sans regret, sans discours inutile. Et cet autre marin, qui ressemble par certains côtés à ce fou d'irlandais aux yeux gris, le comprend sans jugement.

Le soleil passe comme un éclair, le prologue. Une époque révolue, une volute de fumée grise et c'est la faillite d'un système qui entraîne les dignes héros dans le gouffre de l'enfermement, eux qui ne vivaient que pour l'honneur de la mer. Ils ne se sont pas reniés, certains.

Pierre Schoendoerffer raconte les hommes de la mer, de la marine, avec fierté et humanité, le bonheur manque mais les petits joies existent encore. Une bouteille à la mer, un bateau dans la bouteille, le souvenir fugace d'une grande époque.

« Le matin est très dur pour le buveur… » le vin, la deuxième partie. Lors d'une tempête le bateau tangue, les hommes tremblent, tout vacille dans ce monde chaotique, Saïgon tombe.

Au coucher du soleil, c'est la fin. « Oui, j'ai revu Willsdorff ! » et je peux retrouver ma solitude. « Nous rentrons… Et voici que la peur me dit : "ha ! ha ! A nous deux maintenant." » Fin du dernier prétexte, il n'y a plus d'échappatoire, je me retrouve seul, avec moi-même. On arrête de se mentir.

Merci beaucoup Aléatoire pour cette proposition de lecture, j'ai beaucoup apprécié une fois encore l'écriture de Schoendoerffer. J'ai trouvé ce roman passionnant, un peu de Typhon de Conrad, et un rappel de L'adieu au roi, ce dernier peut-être plus flamboyant que le Crabe Tambour. Et cerise sur la gâteau, je sais enfin ce que veux dire Crabe Tambour.
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N°562 – Mars 2012

LE CRABE-TAMBOUR – Un film de Pierre Shoendoerffer [1977]

Le 14 mars 2012, Pierre Shoendoerffer nous quittait à l'âge de 83 ans. La République et l'armée ont rendu un hommage solennel aux Invalides, en présence du Premier ministre et du ministre de la culture à celui qui s'était engagé dans le service cinématographique des armées en Indochine jusqu'à la défaite de Diên Biên Phu. Il avait continué sa vie en tant que photographe de presse, cinéaste et romancier, se situant dans la lignée prestigieuse des écrivains de marine.
C'est l'occasion d'évoquer non pas son oeuvre toute entière, d'autres le feront mieux que moi, mais un film en particulier, considéré comme son chef-d'oeuvre. J'en avais gardé, lors de sa sortie, un souvenir précis non seulement parce qu'il était servi par des acteurs prestigieux (Jean Rochefort – César 1978 du meilleur acteur, Jacques Dufilho – César 1978 du meilleur second rôle) mais aussi à cause des somptueuses prises de vue en mer (César 1978 de la meilleure photographie), le vieux navire qui geint de toutes ses membrures, les vagues qui se brisent sur la coque, l'étrave qui fend la tempête dans le brouillard et la haute mer...
L'histoire tout d'abord. Elle est suggérée par un roman éponyme de Shoendoerffer paru chez Grasset (Grand prix du roman De l'Académie Française), inspiré par la vie du lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume. Il retrace la dernière mission d'un capitaine de vaisseau, homme austère, dévoré par un cancer, (Jean Rochefort dit « le vieux ») qui reprend un commandement à la mer sur l'escorteur d'escadre « Jauréguiberry » dont c'est le dernier voyage avant sa réforme définitive. Il s'agit d'assurer une mission de surveillance et d'assistance aux chalutiers français pêchant sur les bancs de Terre-Neuve.
Pourtant c'est un peu plus que cela, c'est un retour dans le passé puisque « le vieux » veut revoir une dernière fois son ami et compagnon d'armes, l'ancien lieutenant de vaisseau Willsdorff, dit « le crabe-tambour » (Jacques Perrin) devenu capitaine de chalutier dans ce Grand Nord désolé, fuyant ainsi l'espère humaine avec, comme toujours, un chat noir sur l'épaule. C'est Pierre (Claude Rich), le médecin du bord, qui en a parlé le premier sur la passerelle « Vous connaissez Willsdorff ?». Lui était son ami en Indochine et souhaite le revoir une dernière fois. C'est la vraie raison de son rengagement et de sa présence à bord. Après la défaite française, il est resté là-bas pour soigner ses anciens ennemis. Il a pourtant été expulsé du Viet-Nam. le commandant, habile manoeuvrier, confie au médecin son corps meurtri par la maladie mais aussi son âme tourmentée d'homme « déjà mort » en l'invitant chaque jour à sa table. Il est évidemment question de Willsdorff, ce mythique soldat perdu qu'ils ont connu séparément. Pourtant, cette rencontre n'aura lieu qu'en filigrane, avec une grande économie de mots, comme si, malgré son ultime démarche, le commandant ne pouvait plus parler à cet ami, comme si c'était trop tard, comme s'il n'avait plus rien de commun avec lui, comme s'ils n'étaient plus l'un pour l'autre que deux fantômes. Cette idée est suggérée dans la scène du transfert du courrier où les deux bâtiments se côtoient, une trace sur l'écran radar, la radio qui grésille, rien que quelques mots convenus trop lourds de passé, un salut de sirène, une page qui se tourne, définitivement ! « Adieu » ne cesse de répéter Willsdorff, « Aperçu » fait simplement répondre le commandant par le timonier. Seul Pierre échangera quelques mots amicaux et complices avec Willsdorff et le chalutier s'éloignera.

Cette quête est alimentée en flash-back par des évocations de gens qui l'ont également connu, le commandant puis Pierre, le narrateur de ce récit, mais aussi le chef mécanicien, dit « le chef », alcoolique et catholique pratiquant (Jacques Dufilho) et ses histoires loufoques du pays bigouden, chacun apportant témoignages et souvenirs de cet homme hors du commun ayant combattu en Indochine. Ils évoquent, chacun à leur manière et avec des anecdotes, le parcours militaire de cet officier fidèle à son engagement et à lui-même, à son sens de l'honneur, qui est exclu de l'armée, jugé pour désobéissance et rébellion. (« une histoire de mer et de discipline poussée jusqu'à l'absurde ») Cela sonne comme un hommage, comme un remerciement à quelqu'un qui a refusé la compromission face à un choix.

Dans ce film il y aussi un questionnement chrétien et même profondément humain qui m'interpelle, même s'il passe quelque peu au second plan. C'est celui qui est évoqué par « La parabole des talents », texte de l'Évangile qui invite chaque homme à s'interroger sur le sens de son passage sur terre et sur l'usage qu'il a fait des facultés qu'il a reçues à sa naissance, sur la fidélité aussi. « Qu'as-tu fait de ton talent ? », « Celui qui ne fait pas fructifier ce qu'il a reçu du Seigneur sera jeté dans les ténèbres extérieurs », rappelle « le chef ». C'est aussi l'occasion pour l'auteur d'asséner des aphorismes : « Qui êtes-vous pour le juger ? » de rappeler que le choix de l'homme «  n'est pas forcément entre le bien et le mal, mais entre un bien et un autre bien ».

Le nom même de Pierre Shoendoerffer évoque des films devenus mythiques qu'il a réalisés « La 317° section » (1964), « L'honneur d'un capitaine » (1982) qui s'interrogent tous sur les guerres coloniales françaises, sur les militaires eux-mêmes Plus que « Ramutcho »(1958) et « Pêcheurs d'Islande »(1959) qui sont des adaptations des romans de Pierre Loti et qui ne rencontrèrent guère le succès, Pierre Shoendoerffer s'attacha toujours à évoquer l'aventure humaine, témoin « La passe du diable » (1956) qui est une adaptation du roman de son ami Joseph Kessel mais aussi la dure réalité de la guerre, sur les questions qu'elles posent, les personnalités qu'elles révèlent [ « Diên Biên Phu »(1992)]. C'est que les personnages de ces films s'inspirent tous d'hommes ayant réellement existé, témoignent de leur parcours personnel, de leurs questionnements intimes sur leur mission, sur leur vie. Chacun à sa manière, ils ont nourri l'oeuvre de Shoendoerffer.

C'est pour moi un film émouvant. Il ne s' agit pas ici de polémiquer sur la guerre mais de porter un regard, mais pas un jugement, sur les hommes de tout grade qui l'ont faite, de l'engagement de ces soldats perdus, de leur courage, de leur abnégation, de leur obligation d'obéir aux ordres face à leur conscience, valeurs aujourd'hui contestées, et même regardées comme désuètes dans une société sans boussole. L'auteur porte témoignage de ces conflits décriés, volontairement oubliés et parfois même injustement rejetés par la communauté nationale, de ces soldats oubliés.

© Hervé GAUTIER - Mars 2012.
http://hervegautier.e-monsite.com 
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
L'Eole butte contre une mer hachée - " maniable ", écrit l'enseigne au journal de bord - sous le brasillement de cent mille étoiles et l'ombre épaisse des nuages. Un paquet d'embruns étincelants s'élève de l'étrave, aussitôt gelé, rabattu avec un crépitement de chevrotine sur la tôle. La coque vibre, toute la masse est prise d'un tremblement. L'Eole roule, comme trébuche un cheval, se redresse, retrouve peu à peu son long et souple galop dans la plaine noire et blanche et froide, mouvante, infinie. La plaine étrange - si triste - qu'on entend parfois à travers les hurlements du vent, ferait croire que l'univers à une âme.
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Le soir, ma journée d'hôpital finie, j'allais souvent sur l'appontement attendre le retour de la flottille. Il y avait là une petite cahute de marchand de soupe –quelques planches et de vieilles toiles de tentes japonaises. J'aimais y flâner, grignoter des Cà Long Tông et boire une bière avec mon ami Cao Giao, un confrère vietnamien, au milieu des marins et des coolies accroupis sur leurs tabourets. Un peu de fraîcheur montait du fleuve faussement immobile. le soleil couchant allongeait des ombres immenses sur la plaine engourdie ; il n'y avait pas le flamboiement d'or et de pourpre qu'on peut voir en mer, mais une lente et calme asphyxie ; un adieu sans couleur, sans passion, sans regret. La brume montait, grise comme la poussière. Nous interrogions les aboiements des chiens, le vol des grands oiseaux noirs planant haut sans jamais donner un coup d'aile. Alors du fond de quelque nulle part éclatait le son du cor. Les marins, les coolies écoutaient en silence. La fille du marchand de soupe relevait une des toiles de tente et regardait le fleuve. Elle donnait des leçons de vietnamien à Willsdorff et je crois qu'elle l'aimait. le vieux chant des chasseurs d'Europe, mélancolique et noble, semblait emplir la vacuité de cette plaine, de ce ciel, de cette poussière ; résonner contre le rempart même de la nuit. Des lumières apparaissaient, l'une derrière l'autre ; les petites embarcations débouchaient du dernier coude et venaient accoster. Willsdorff était assis dans son fauteuil de roi, devant lui, debout sur le toit, Bocheau sonnait, sonnait à fendre l'âme. Parfois le chant était plus triste que d'habitude et je savais alors qu'il y avait des blessés à débarquer qu'on emmènerait à l'hôpital. Un soir, je n'étais pas sur l'appontement, un soir il y eut un coup de feu, un seul. Une riposte tardive et plus rien, seulement le battement assourdi des moteurs. Quand on m'apporta Bocheau, il était déjà mort.
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"Willsdorf avait un chat, tout noir avec une cravate blanche - un petit triangle de poils blancs sous le cou -, Monsieur Dégouzzi! Quand la flottille rentrait le soir, les équipages - des Bretons, des Cambodgiens, des Vietnamiens et un Angevin - chantaient sur un air de comptine :

Dégouzzi a une quéquette
Pas plus grosse qu'une allumette
Il s'en sert pour faire pipi
Vive la quéquette à Dégouzzi!

"Sale bête! Sans Dieu ni maître - toujours à dormir le jour, à vadrouiller la nuit - et il vous engueulait! il vous miaulait des insultes quand vous lui marchiez dessus dans l'ombre - vous pensez : tout noir!
"Monsieur Dégouzzi était vautré sur les genoux de Willsdorf, qui lui-même était assis tout droit dans son fauteuil - un fauteuil de mandarin, austère, en bois noir, au dossier de marbre gris veiné de blanc, avec des idéogrammes gravés en rouge et un cachet de collectionneur. Je ne sais pas où il l'avait déniché mais il l'avait fait boulonner sur le toit de tôle de son rafiot - une pièce de musée!..."
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Une voiture de l'Amirauté vient se ranger le long du bord.
Le commandant s'en va. C'est un spectre, mais il se tient très droit. Un peu de sang coule d'une coupure sur sa joue, dilué de pluie. La garde présente les armes. Tous les officiers sont là. Tout l'équipage, les permissionnaires et les autres en tenue de travail. Tous, immobiles, figés. Je ne savais pas que nous l'aimions tant - que nous le respections tant; un respect qui se reconnaît à la pâleur de ceux qui le regardent, aux larmes refoulées quand il nous regarde.
Il ne dira pas un mot. Et c'est très bien ainsi.
Il passe lentement, raide. Il salue la garde. Sa pince noire et luisante tremble un peu.
Sifflet du maître d'équipage.
Le commandant monte sur la coupée et s'arrête, tourné vers la poupe, vers le pavillon. De nouveau il salue d'un geste lent. Longtemps. Mince et droit.
Il franchit la coupée et monte dans la voiture - la portière claque. Il ne s'est pas retourné. Il n'a pas dit un mot.
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Willsdorff ? explosa mon hôte, le type au chat noir ? En taule !Et il a eu de la chance de ne pas être guillotiné...Complètement fou . Vous êtes au courant de son naufrage ?...C'était déja de la folie de naviguer seul sur un engin pareil : une jonque ! Bien beau qu'il ait réussi à traverser l'océan Indien pendant la saison des cyclones !...Des nomades qui rodaillaient dans le secteur l'ont embarqué--- quinze jours attaché à la queue d'un chameau m'a-t-on dit . Il a fallu payer une rançon pour le récupérer...Dire qu'il aurait pu devenir contre-amiral avant cinquante ans . Il avait tout pour lui et la Marine ne craint pas les originaux . Il a fallu qu'il plonge jusqu'au cou dans l'affaire d'Algérie ! Il commandait une compagnie de bougnouls...forcément il s'est trouvé embringué dans toutes les sales histoires . J'étais affecté à la base navale de Mers el-Kébir à l'époque du putsch, je l'ai vu arriver un jour, tout seul --- un grand escogriffe avec un affreux chat noir--- pour convaincre l'amiral de se joindre à leur folie . Il avait laissé sa bête au poste de garde et elle miaulait tout le temps . Une heure plus tard il est venu la reprendre, l'air insolent . Je le vois encore lui gratter la tête en disant :" le vieux crabe m'a quand même bien fait rigoler." L'amiral les a laissés filer tous les deux au lieu de les coller aux arrets . Tout le monde était fou en Algérie dans ce temps-là, mais l'amiral--- pas si fou---voulait savoir d'où soufflait le vent avant de choisir son camp...et je le comprends ! Votre camarade a fini par se faire pincer plus tard--- à cause de son chat d'ailleurs . Résultat: il en a pris pour vingt ans ...et il a eu de la chance, le couperet de la guillotine n'est pas tombé loin .
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Vidéo de Pierre Schoendoerffer
Le voyage en Amérique de Pierre Schoendoerffer. Entre la Guerre d’Indochine et son retour en France en 1955, Pierre Schoendoerffer s’est offert « un tiers » de tour du monde durant lequel sa détermination à faire, un jour, du cinéma, s’est maintenue. Après l’expérience des combats, caméra sur l’épaule et l’enfer de Diên Biên Phu, il retourne à la vie civile en faisant au gré de son voyage de fabuleuses rencontres : témoignage sur ses années d’insouciance pendant lesquelles il découvre une Amérique qui lui paraît familière grâce au cinéma américain dont il était un spectateur boulimique, bien avant de poser un pied sur le fameux continent.
+ Lire la suite
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