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Critique de Petitebijou


♪ « Comme les lignes de la main
Comme les rides d'une pierre
Tout son corps montrera demain
Le visage de la frontière » ♪

Disons-le tout de suite, je suis loin d'avoir tout compris à l'histoire que nous raconte cette BD, dont la non moindre des qualités est un scénario renversant d'imagination, non dénué d'ellipses, qui ressemble à un rêve étrange dont j'aurais eu du mal à mon réveil à en déchiffrer tous les symboles et suivre les méandres mais dont j'aurais gardé en mémoire la beauté mystérieuse.
« La frontière invisible » a pour héros un jeune cartographe un peu naïf, dépourvu du sens de l'orientation, qui se retrouve affecté en l'an 761 au Grand Dôme du Centre de la Cartographie.
A partir de là, il va se retrouver au centre d'une aventure fantastique, initiatique, impliqué un peu malgré lui dans une affaire de complot politique (c'est à ce sujet que beaucoup de choses m'ont échappées), tomber amoureux d'une créature envoûtante indéchiffrable, et vivre la quête de sa vie, bien au-delà de tout ce qu'il pourrait imaginer.
C'est une histoire de territoire, de lignes, de frontières, que l'on suit avec beaucoup de plaisir, tant l'invention graphique est au rendez-vous, avec des décors futuristes mais vaguement familiers, des paysages incroyables, sensuels et secrets (la dernière planche étant à cet égard un bijou), des machines ingénieuses et poétiques comme cette sorte de tandem aérien glissant sur un rail (moyennant un bon coup de pédale) ou d'autres moyens de locomotion… un régal pour les yeux du lecteur.
Le dessin est élégant, esthétique, une ode à la rondeur, et plus généralement à l'élément féminin. Les lignes ne sont jamais agressives. La palette utilise des couleurs tendres et chaudes, des dominantes d'ocre, de jaune et de roux avec ça et là quelques touches de bleu pâle, de vert anis puis tendant de plus en plus vers l'émeraude (particulièrement dans le tome 2), une palette qui est pour moi un enchantement.
La belle Skhodrâ, sans que j'entre dans les détails pour ne pas trop dévoiler l'histoire, est le symbole du mystère féminin pour le héros. Même possédée (les scènes érotiques sont merveilleuses), elle demeure une énigme (sublimée par les auteurs), pour le jeune Roland si inexpérimenté, candide mais pas sans courage.
Roland semble un lointain cousin futuriste du personnage de Tintin, moins asexué, mais flanqué comme le héros de Hergé (dont un des auteurs a rédigé une biographie) d'un chien fidèle et expressif (Kalin), personnage aussi tenace et curieux que le reporter belge, avec le même physique d'éternel jeune homme traversant les épreuves crânement.
En arrière-plan, se joue une histoire de pouvoir et de colonisation. le pouvoir est militaire.On devine des drames et peut-être des guerres passées, des déplacements de population. Sur leur chemin, nos héros se heurtent à des murailles, des enceintes qui enserrent des villes abandonnées témoins de vies désertées, des cimetières étendus hébétés de silence. On ne saura jamais s'il existe une mémoire des événements que l'on pressent. Roland après avoir fouillé les cartes, entreprendra une autre quête.
Au final, le fait que tout ne soit pas résolu dans cette histoire qui ne comporte pas le mot « fin » est un charme supplémentaire. Tout est ouvert, au lecteur à présent de laisser vagabonder son imagination, de regarder les êtres et les décors qui l'entourent comme autant d'énigmes à tenter de comprendre.
Avec « Les frontières de l'invisible », mon quotidien a joué les passe-murailles, pour un voyage poétique, raffiné, un ailleurs voluptueux, onirique et surprenant. Ce fut vraiment délicieux.

Lien : http://parures-de-petitebijo..
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