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Dominique Laure Miermont (Préfacier, etc.)
EAN : 9782228894241
176 pages
Payot et Rivages (01/04/2005)
3.66/5   35 notes
Résumé :
En 1935, après une tentative de suicide, Annemarie épouse un diplomate français en poste à Téhéran. La légation britannique les invite tous deux à camper dans la vallée du Lahr, au pied du Demavend. C'est là qu'Annemarie commence ce récit de voyage intérieur où les paysages de ces lieux extrêmes, tels d'impitoyables miroirs, la renvoient à elle-même ; alors elle dit ses déchirements, ses peurs, sa relation amoureuse avec la jeune Yalé, sa rencontre avec un ange...
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le Blue(s) d'Ispahan

“La fièvre n'est pas une chose désagréable.” Schwarzenbach, écrivaine, archéologue, reporter suisse allemande nous offre le journal de son voyage désespéré en Iran. Car il n'y a aucun lieu sur terre pour combler la dépression qui ronge celle qui considère que le bonheur ne lui fut jamais donné.

"Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie."

Riche héritière, la jeune Annemarie est en conflit avec les idées très réactionnaires de sa famille, mais en conflit également avec une époque, celle des tristes années trente qui succèdent aux années folles de la libération de la femme. Son homosexualité lui pèse, elle épouse le diplomate Achille Clarac, lui aussi homosexuel et part (ou prend la fuite) avec lui en Iran.

La Mort en Perse est le récit de ce qu'elle ressent dans cette région de l'Iran, mais un récit sous prozac (sous morphine plus exactement, addiction dont elle souffrira toute sa courte vie). le lecteur se retrouve, comme le Demavend, témoin muet du brûlant désespoir de la diariste, dont les souvenirs ne seront publiés que de façon posthume, la chaleur l'étouffe à l'extérieur et sa fièvreuse maladie de vivre la consume à l'intérieur. Aucun réenchantement du monde possible à travers son regard, la lassitude qu'elle peut éprouver me rappelle ce vers de la poète polonaise Wislawa Szymborska “dur de surprendre le monde en flagrant délit d'autrement”.

Pourtant son talent littéraire est indéniable, la limpidité de sa phrase, le caractère brut du sentiment qui la traverse, nous parviennent, notamment dans la seconde partie du livre où elle consigne un amour saphique pour une jeune turque, Yalé, emportée par la phtisie. Confession d'autant plus précieuse que l'essentiel de ses écrits amoureux seront détruits par sa puritaine de mère après sa mort.

Ni ses aventures orientales avec Ella Maillart, ni son étourdissement dans les milieux interlopes avec Klaus Mann et sa soeur Erika Mann ne purent cependant redonner le goût de vivre à celle qui, selon le mot de son ami Roger Martin du Gard promenait “sur cette terre son beau visage d'ange inconsolable”. C'est finalement dans sa Suisse natale qu'après une chute de bicyclette Annemarie Schwarzenbach, 34 ans, s'éteint ou plutôt s'envole car comme écrivit la poète autrichienne Ingeborg Bachmann, “toute personne qui tombe a des ailes”.

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Tout de suite après la préface instructive par Dominique Laure Miermont, suit un "Avertissement" de l'auteure elle-même, qui commence par ces mots : "Ce livre donnera peu de joie à ses lecteurs.... Car c'est d'égarements qu'il s'agit dans ce livre, et son sujet est le désespoir". On peut difficilement prétendre qu'Annemarie Schwarzenbach pousse à la consommation. Mais rassurez-vous car après une visite-éclaire à Téhéran, l'auteure vous emmène dans la Vallée heureuse de Perse.

Détrompez-vous, je ne veux certainement pas manquer de respect à une auteure que j'admire. Ce que cette écrivaine nous a laissé durant son bref passage sur terre, à peine 34 ans, compte tenu du fait de tout ce que son "adorable" mère a pu brûler le jour même du décès tragique de sa fille, est incontestablement impressionnant. Parmi les trésors brûlés, il y avait entre autres des nouvelles et toute sa correspondance avec la célèbre Erika Mann (1905-1969) et Carson McCullers (1917-1967), l'écrivaine américaine qui lui avait dédié son roman à succès "Reflets dans un oeil d'or" en 1941.
Sur Babelio, j'ai rajouté une photo-document sur laquelle on voit Annemarie Schwarzenbach flanquée de la soeur et du frère Mann, Erika à gauche et Klaus à droite. Par contre, je n'ai pas réussi à rajouter une photo de Carson et Annemarie à cause d'une bête raison de pixels.

Écrire a toujours été exceptionnellement important pour elle. Dans son projet de livre "Journal afghan" n'a-t-elle pas noté, le 30 août 1939 à Kaboul : "Je ne vis vraiment que lorsque j'écrive" ?

Selon moi, Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) était en avance sur son temps. Lorsqu'en 1934, elle voulait publier son recueil de nouvelles orientales, aucun éditeur ne voulait le publier, malgré les interventions de ... Thomas Mann et Stefan Zweig. Les grands maîtres eux avaient déjà compris le talent de la jeune Suissesse.

La vie de ce talent littéraire n'a pas été particulièrement simple. Née dans une famille richissime de Zurich, conservatrice et plutôt très à droite, qui avait de la sympathie pour un certain caporal autrichien prénommé Adolf, dont l'adolescente avait horreur et éduquée par une mère despote, elle aspirait au grand large. D'où ses longs voyages en voiture à travers l'Europe, avec des pointes jusqu'en Russie, Iran et Afghanistan. Et un crayon ou plume éternellement à portée de la main.

À en juger par le grand nombre de photos (beaucoup prises par l'artiste photographe allemande, Marianne Breslauer (1909-2001), qui existent de l'intrépide voyageuse, elle avait un goût certain et original de se maquiller et de s'habiller à la garçonne. Certains critiques professionnels ont même tourné en dérision son allure artistique-androgyne. Ce qui explique probablement la colère de sa mère Renée Schwarzenbach-Wille, son isolement, et sa nécessité de rédiger et de s'évader. Bien qu'elle ait fait des études à l'université de Zurich et à la Sorbonne, un diplôme avait à ses yeux manifestement moins d'importance que de découvrir le vaste monde.

Au cours d'un séjour à Berlin en 1930, notre Annemarie a malencontreusement commencé à expérimenter avec de la morphine ce qui lui a valu une addiction à des drogues dures pendant le restant de sa vie. Sa consommation de drogues a d'ailleurs fort irrité Erika Mann de qui elle a été cependant si proche.

Ce qui m'a personnellement particulièrement séduit parmi les maintes initiatives dont elle est à l'origine, c'est sa création - et financement partiel - du magazine littéraire "Die Sammlung" (la collection), dans les années 1933-1935, et ouvert à tous les auteurs interdits par les nazis. La rédaction en était confiée à Klaus Mann et de très illustres auteurs ont contribué à ce magazine, publié à Amsterdam chez l'éditeur Querido, tels Stefan Zweig, Joseph Roth, Alfred Döblin, Bertolt Brecht etc. le comité de consultation de la revue comprenait outre Klaus Mann, son oncle Heinrich Mann, Aldous Huxley et André Gide.

Notre Annemarie fut aussi participante au premier congrès des écrivains de l'URSS, à Moscou en août 1934, et où elle fit la connaissance de Maxime Gorki, Louis Aragon et André Malraux. Ce dernier s'étonnait un peu de son engouement pour la Perse, où elle s'est rendue 4 fois en 6 ans.
Il est vrai qu'elle s'est mariée en mai 1935 à Téhéran à l'ambassade de France avec le 2e secrétaire d'ambassade, Claude Achille Clarac, né à Nantes en 1903 et mort à Oudon, en Loire-Atlantique, en 1999.

Je vous laisse découvrir toute la beauté et poésie que les expéditions, pèlerinages et simples errances au Moyen-Orient ont inspirée dans ces 150 pages à cette grande dame de la littérature, décédée des décennies trop tôt !

Un petit exemple, tout de même, de son style, langage et personnalité : "Tous les chemins que j'ai suivis, toux ceux que je n'ai pas suivis, aboutissent ici, dans cette "Vallée heureuse" d'où il n'y a plus d'issue, et qui, pour cette raison, doit ressembler au royaume des morts." (page 62).
Triste, mais beau !
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La Mort en Perse, court récit de voyage portant sur l'Iran, fut écrit dans l'entre-deux-guerres par Annemarie Schwarzenbach, jeune femme suisse originaire de Zurich. Fragile psychologiquement, sujette à une profonde mélancolie, Annemarie fut prise entre sa famille bourgeoise zurichoise admiratrice du Reich en formation et totalement opposée à son homosexualité gardée secrète, et son amitié et son amour inconsidéré pour deux des enfants de Thomas Mann, alors en exil en Suisse puisque fermement opposés au régime nazi.
Après une tentative de suicide, elle épouse un diplomate français nommé à l'ambassade de Téhéran, ce qui explique en partie ses nombreux voyages en Perse, dont elle garde un souvenir amer et terrifié.

Livre profondément bouleversant, la Mort en Perse nous livre les tribulations d'un esprit hypersensible et vulnérable à tout ce qui l'entoure ; l'immensité et l'impression de vide ressenties face au désert et aux ruines de Persépolis constituent des tourments insupportable pour Annemarie, qui sombre plusieurs fois dans une sorte de fièvre délirante qui lui fait apercevoir un "ange" avec lequel elle s'entretient.
Entre voyages dans les vastes paysages dévastés de la Perse et amours tragiques, Annemarie se noie dans un pays trop immense pour elle, sa crainte de l'Asie est sans cesse ressentie au fil des pages, et sa descente aux enfers palpable.

Non dénué de poésie, la Mort en Perse est une ode à nos peurs les plus profondes et à une mélancolie incontrôlable qui s'empare des coeurs humains ; à ne lire que si vous êtes d'humeur sombre !
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Ce livre est le "journal non intime" de l'auteur, comme elle l'explique elle-même. Intelligente et hypersensible, elle nous décrit la Perse d'une manière qui reflète bien son mal-être, sans lourdeur ni monologue introverti. Après plusieurs tentatives de suicide, elle est mort dans un accident à l'âge de 34 ans. Il est dommage qu'une telle personne n'ait pas pu trouver de place dans ce monde...

Cela fait penser à des personnages comme Picasso, Nietzsche, Einstein, Paul Gaughin, Charles Dickens, Virginia Woolf, Maupassant, Marilyn Monroe : ils seront considérés comme fous s'ils échouent, comme des génies s'ils réussissent...

Pour information, ce journal n'a pas été publié de son vivant, elle l'a réécrit ensuite en gommant les passages qui pouvaient montrer son homosexualité (c'était pourtant très léger, sans rien d'érotique, juste un rapprochement entre deux âmes soeur...).
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Un mal de vivre ,expliqué en partie dans les autres critiques, poursuit l'auteur .Elle pense sans défaire dans une fuite éperdue loin de son pays ,l'Allemagne ,dans les voyages ,l'amitié .Mais rien ne la console ,on peut partir au bout du monde et garder le même mal-être ,ce qui est le cas ici ,en Perse où même les paysages respirent la mort ,la peur étant son corolaire .Le livre, d'une sensibilité à fleur de peau est toutefois nimbé d'une grande poésie
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
On s'agenouille, à moitié couché, dans le vent. Il en sera toujours ainsi, pense-t-on, toujours. Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie. Tous les chemins que j'ai suivis, tous ceux que je n'ai pas suivis, aboutissent ici, dans cette « Vallée heureuse » d'où il n'y a plus d'issue, et qui, pour cette raison, doit ressembler au royaume des morts. Elle est remplie d'ombres du soir qui descendent lentement des montagnes et recouvrent les pentes et les troupeaux endormis, accrochés à leur flancs comme du duvet. Et dans la lumière nocturne émergent doucement, les unes après les autres, cimes et crêtes : décor de bout du monde.
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"Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie."
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" Qu'allez-vous faire en Perse ? " me demanda Malraux. Il connaissait les ruines de Raghès. Il savait aussi ce qu'est la passion de l'archéologue. Il a beaucoup réfléchi aux passions humaines et savait les débusquer ; il avait tendance à ne pas en faire grand cas, sauf de ce qui finissait par en rester : la souffrance. Il me demanda : " Seulement à cause du nom ? Seulement pour être 'très loin' ? " Et je songeai à l'épouvantable tristesse de la Perse...
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Qui m'a amenée ici ? Pourquoi ai-je dû suivre tant de chemins, m'égarer toujours davantage ? D'abord, cela s'appelait l'aventure, puis ce fut le mal du pays, puis j'ai commencé à avoir peur et personne ne m'a aidée.
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Videos de Annemarie Schwarzenbach (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annemarie Schwarzenbach
Vidéo de l'exposition des autoportraits. Musée Berardo, Lisbonne, 2010/
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Biographie des écrivains (238)
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