Nous sommes dans les années 80 dans les 4000 de la Courneuve. Beaucoup de familles maghrébines habitent ici. Fatima et les autres femmes, en majorité Kabyles totalement illettrées, se retrouvent souvent en bas de leur immeuble, toujours sur le même banc du square à côté d'un arbre, et parlent, racontent comme pour se libérer de la peur de l'inconnu, des inconnus que sont devenus leurs maris et enfants.
Dalila, fille de Fatima, restait collée à sa mère pour les écouter parler et souvent, il n'y est question que de coups portés aux filles. Les mères voudraient tant que les enfants réussissent à l'école, elles qui n'y sont jamais allées. Si elles sont indulgentes avec leurs fils fugueurs, qui désertent l'école, il n'en va pas de même avec les filles. Au Pays, elles sont enfermées, ici, c'est plus dur et elles craignent pour leur virginité, véritable sésame pour un mariage arrangé lors de vacances algériennes….
Les garçons, et bien, ils abandonnent petit à petit l'école, se retrouvent à plusieurs à Paris. Leur soif d'argent facile poussent certains à se prostituer au Boul'mich. Pour d'autres, c'est la bande de petits malfrats. Que voulez-vous, le père a abandonné leur autorité sur eux. Alors, les mères, lorsque se déclenche une bagarre entre bandes et que les forces de l'ordre arrivent, ont peur qu'un de leurs fils soit emmené au poste… Les pères sont souvent absents de par leur travail et leur boulot au noir ou leurs arrêts aux bistrots. Les mères, quant à elles, ont tissé une certaine connivence avec leurs enfants, même si cela ne va pas jusqu'à les défendre lorsque les pères les bat.
Tout cela Dalila l'entent, le retient et se dit Jamais. µDevenue adolescente, elle ose l'interdit en allant se balader à Paris avec une amie. Bien sûr, tout se paie cash et trash : lorsqu'elle rentre un peu tard ne voulant rien dire, le père prépare la ceinture et tabasse sa fille sans que Fatima ose, le plus souvent, intervenir. Pourtant, un jour, Dalila décide de sauter le pas : elle va partir de chez elle, fuguer… cela fait 8 jours que son père la tient séquestrée dans sa chambre. Et oui, que voulez-vous, au Pays, les filles sont séquestrées et pas besoin, à cette époque, d'aller trop à l'école, pour sa marier à 17 ans avec l'élu que votre père à choisi.
Je souhaite bon courage et bonne chance à Leila, car son nouveau parcours ne sera pas facile.
Je me pose une question. Est-ce ce manque de disponibilité du père, cette perte de repère qui a fait que certains se sont tournés vers des imams plus ou moins intégristes qui leur ont donné une ligne de conduite ??? ou ce besoin de racines qu'ils refusaient lorsque les pères leurs demandaient dans leur enfance d'apprendre les rites de tuerie du mouton pour les fêtes... ou lors des vacances au Pays ? Et oui, ce Pays, ce Pays de cocagne dont les pères leurs rebattent les oreilles. Ils vont même jusqu'à prévoir le retour de leur dépouille pour un enterrement là-bas, surtout ne pas être enterrés en terre mécréante !! Mais jamais il n'est question de mêmes dispositions pour la dépouille de leurs femmes.
Le livre de
Leïla Sebbar est une véritable immersion dans ce monde qui m'est inconnu. Une très jolie couverture et un beau papier l'agrémente. Une belle lecture qui ne fut pas toujours facile. Ce livre, dur par moments est très instructif.
Je remerciement très vivement Libfly et les Editions Elyzad poche (cliquez sur l'icone pour visiter le blog) de m'avoir permis, dans le cadre de l'opération : Lire, partager, rencontrer : deux éditeurs se livrent - spécial Maghreb, de découvrir cette littérature. J'ai par ailleurs beaucoup aimé l'image. En cette période de voeux, je souhaite que tous ces coquelicots s'épanouissent pour un futur démocratique dans cette Tunisie si belle.
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